Il est issu de l’illustre famille Traversari [1] de Ravenne [2]. À 14 ans, il entre au couvent Sainte-Marie-des-Anges [3], à Florence [4]. Il se fait rapidement connaître autant par sa piété que par ses dons intellectuels et son ardeur pour l’étude.
Le grec étant à l’honneur à Florence depuis que Manuel Chrysoloras l’y a enseigné, Ambrogio apprend rapidement cette langue dans les années suivantes, en autodidacte selon ses propres dires. Mais en 1406, le Grec Démétrios Scaranos se retire au couvent Sainte-Marie-des-Anges. Si apparemment il n’a pas été le professeur de grec d’Ambrogio, sa présence dans le même couvent n’a sûrement pas été étrangère à la parfaite maîtrise de cette langue à laquelle le jeune moine est parvenu.
Quant à Manuel Chrysoloras, Ambrogio le rencontre à l’occasion des deux séjours qu’il fait à Florence pendant l’été 1413 et en janvier-février 1414, et le vieux lettré byzantin est impressionné par la culture bilingue du jeune moine ; il lui adresse une longue lettre philosophique en grec sur le thème de l’amitié.
Ambrogio lui-même exprime dans ses lettres la plus grande considération pour Chrysoloras, et de l’émotion pour la bienveillance qu’il lui a témoignée ; en mars 1416, il demande à Francesco Barbaro de lui trouver une copie de l’Échelle du paradis de Jean Climaque , texte que Chrysoloras lui a conseillé de lire en grec et qu’il veut aussi traduire en latin.
Il faut aussi signaler sa proximité avec le riche érudit humaniste Niccolò Niccoli, grand collectionneur tant de livres que d’objets antiques, l’un des pivots des cercles humanistes de l’époque, qui lui ouvre sa bibliothèque et apprécie fort sa connaissance du grec. Traversari devient son collaborateur intellectuel et son conseiller spirituel, et leur étroite amitié dure jusqu’à la mort de Niccoli, veillé par Traversari, en 1437.
Dans une lettre de 1433, le moine affirme que le vieil humaniste le harcèle en permanence pour qu’il poursuive son activité de traducteur des Pères de l’Église grecque en latin. Traversari amène Niccoli à sa rapprocher du christianisme à la fin de sa vie, et à communier à nouveau ; inversement, Niccoli l’introduit à la culture humaniste et le met en relation suivie avec les cercles érudits de Florence, notamment Leonardo Bruni, et aussi Cosme de Médicis, mais également de Rome et de Venise [5].
En 1423, le pape Martin V envoie deux lettres, l’une au prieur du couvent Sainte-Marie-des-Anges, le Père Matteo, l’autre à Traversari lui-même, exprimant son soutien au grand développement des études patristiques [6] dans cet établissement, et tout particulièrement au travail de traduction des Pères grecs mené par Traversari.
Le pape a en vue les négociations qu’il mène alors avec l’Église grecque, début 1423, son légat Antoine de Massa est revenu de Constantinople [7] et rapporte avec lui plusieurs manuscrits grecs qui seront confiés à Traversari pour traduction.
En octobre 1431, le nouveau pape Eugène IV convoque un chapitre général de l’ordre camaldule [8], sous la présidence du cardinal protecteur de l’ordre, avec au programme un état des lieux de la corruption et la nécessité proclamée d’une réforme ; le prieur général, accusé de détournements, est arrêté, incarcéré et contraint à la démission ; Traversari est élu à sa place le 26 octobre avec le soutien du cardinal-protecteur et du pape Eugène IV lui-même, dont il va devenir un proche collaborateur.
Entre novembre 1431 et l’été 1434, il entreprend une grande tournée d’inspection et de réforme des établissements de l’ordre en Italie, dont il tient un journal en latin, intitulé “Hodœporicon ou Itinerarium”, qui ne sera publié que bien plus tard, en 1680, et deviendra le principal texte original légué par Traversari avec sa correspondance.
En 1435, Traversari est envoyé par le pape Eugène IV comme légat [9] auprès du concile de Bâle [10], où il défend avec intransigeance le principe de la primauté du pape, remise en cause par les évêques de ce concile. Il négocie aussi avec l’empereur Sigismond. Il joue un rôle important dans le transfert officiel du concile à Ferrare [11] le 18 septembre 1437, la raison invoquée étant d’accueillir les délégations des Églises orientales pour mettre fin au schisme entre l’Orient et l’Occident chrétiens.
Les Orientaux arrivent à Ferrare en mars 1438, et le concile est à nouveau transféré à Florence en janvier 1439 à cause d’une peste. C’est Ambrogio Traversari qui est chargé, avec Basile Bessarion, de rédiger le décret d’union des Églises qui est lu en grec et en latin, le 6 juillet 1439, dans la cathédrale Santa Maria del Fiore [12].
Il meurt 3 mois plus tard, à 53 ans, dans le couvent San Salvatore di Camaldoli de Florence, et alors qu’Eugène IV s’apprêtait paraît-il à le nommer cardinal. Son corps est transporté à l’ermitage de Camaldoli [13] où il est enseveli.
En dehors de son “Hodœporicon”, texte très important pour l’histoire de l’Italie de la Renaissance, il est l’auteur de 2 traités de théologie, l’un sur l’eucharistie, l’autre sur la procession du Saint-Esprit, point d’achoppement entre les Églises latine et grecque, de plusieurs vies de saints, et d’une importante correspondance.