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Marie Angélique de Scorailles dite Duchesse de Fontanges

samedi 9 octobre 2021, par lucien jallamion

Marie Angélique de Scorailles dite Duchesse de Fontanges

Issue d’une très ancienne famille noble d’Auvergne [1], où son père, Jean-Rigal de Scorrailles [2], seigneur de Fontanges [3] et autres lieux, était lieutenant du Roi.

Elle reçoit de son père le nom du fief de Fontanges, qu’il avait hérité de sa mère, Gillelmine de Fontanges [4], dernière descendante de la branche aînée de cette ancienne famille féodale d’Auvergne. Angélique de Scorraille, demoiselle de Fontanges, était réputée pour sa grande beauté. Elle avait les cheveux châtain très clair tirant sur le roux, un teint de lait, des yeux bleu-gris, la taille flexible de la jeunesse et un port de tête, une allure, dignes de séduire un roi.

Née la même année que le Dauphin, elle grandit au moment où le roi commence à afficher publiquement ses premières relations adultérines avec Mademoiselle de La Vallière puis Madame de Montespan.

En 1678, remarquant la grande beauté de sa cousine, César de Grollée, un cousin de son père, souhaite l’introduire à la Cour en tant que fille d’honneur de la princesse Palatine duchesse d’Orléans, belle-sœur du roi.

Peu de temps avant de partir, la jeune fille aurait fait dans son sommeil un rêve qui l’aurait troublée et s’en serait ouverte à son confesseur : au sommet d’une haute montagne, elle se serait soudain trouvée environnée d’horribles nuages noirs qui l’auraient effrayée.

La princesse Palatine décrit Angélique main courante : Belle comme un ange, avec un cœur excellent, mais sotte comme un panier. En réalité sa sottise serait plutôt un manque d’esprit et de culture, qualités que l’on devait avoir pour briller à la Cour.

À l’époque où Angélique arrive à la Cour, le cœur de Louis XIV est partagé entre la favorite en titre d’alors, Athénaïs de Rochechouart de Mortemart, marquise de Montespan et la gouvernante des enfants qu’il a eus avec elle, Françoise d’Aubigné, veuve Scarron, marquise de Maintenon. Athénaïs de Montespan présenta alors la fille d’honneur de la duchesse d’Orléans, âgée de 17 ans, au roi qui en avait 40, espérant ainsi détourner Louis XIV de Madame de Maintenon. Angélique ayant la réputation d’être sotte comme un panier, la marquise pensait avec présomption que le roi se lasserait vite de la jeune fille et lui reviendrait, comme ce fut plusieurs fois le cas, notamment avec Mademoiselle de Ludres .

Angélique de Scorailles reçut alors le roi dans sa chambre du Palais Royal [5]. Les premières semaines, le secret de leur liaison est maintenu, puis le roi décide de la montrer à la Cour un matin lors de la messe, aux côtés de sa maîtresse officielle et de la reine. Il porte bien souvent des rubans assortis à ceux d’Angélique et multiplie les fêtes en son honneur ; Angélique de Scorailles accumula vite des signes de distinction inouïs et quantité d’argent, de bijoux, de bénéfices : le roi lui accorde une pension de 100,000 écus par mois et presque autant en bijoux, en meubles et en ajustements.

Voyant la mauvaise tournure que prenait son plan, la marquise de Montespan entra alors dans une de ces colères dont elle avait le secret. Le roi, pour la calmer, lui offrit le privilège du tabouret, seulement réservé aux princesses et duchesses. Mais cela ne calma pas la redoutable marquise qui avait donné 7 enfants au roi : lors d’un séjour de la Cour à Saint-Germain-en-Laye elle fit ravager, dans la nuit, l’appartement de sa rivale par deux ours apprivoisés que Louis XIV lui avait offerts. Angélique fut alors la risée de toute la Cour ; du duc de Saint-Simon Claude de Rouvroy à la marquise de Sévigné en passant par la Palatine, les moqueries allèrent bon train.

Il y avait entre les deux favorites une sorte de duel ; Primi Visconti , ambassadeur de Venise, notait : Le Roi vivait avec ses favorites, chacune de son côté, comme dans une famille légitime : la reine recevait leurs visites ainsi que celles des enfants naturels, comme si c’étaient pour elles un devoir à remplir, car tout doit marcher selon la qualité de chacune et la volonté du Roi. Lorsqu’elles assistaient à la messe à Saint-Germain, elles se plaçaient devant les yeux du Roi, Madame de Montespan avec ses enfants sur la tribune à gauche, vis-à-vis de tout le monde, et l’autre à droite, tandis qu’à Versailles, Madame de Montespan était du côté de l’Évangile et Mademoiselle de Fontanges sur des gradins élevés du côté de l’Épitre. Elles priaient, le chapelet ou leur livre de messe à la main, levant les yeux en extase, comme des saintes.

À l’automne 1679, le roi commence à se lasser d’Angélique de Scorrailles, à cause du manque d’esprit de la favorite. La marquise de Montespan en profite alors pour charger Madame de Maintenon de persuader la jeune fille de renoncer à sa position de favorite. La demoiselle répondit : Madame, vous me demandez de me défaire d’une passion comme on quitte une chemise ! Vous ne connaissez donc rien aux mouvements du cœur ? La sévère Maintenon en resta pantoise. Angélique n’a aucune envie de renoncer au roi et aux avantages que peut lui procurer sa position.

En janvier 1680, elle accoucha prématurément d’un garçon qui ne vécut qu’un mois. Elle ne s’en remettra pas. La Fontanges recouvre pourtant sa beauté resplendissante et reparaît à la Cour ; brièvement hélas car souffrant toujours d’hémorragies, elle devient languissante et sa beauté s’altère. Louis XIV n’aimant pas les femmes malades, et Angélique de Scorrailles ayant perdu sa beauté, son seul atout, il se désintéresse tout à fait d’elle. En cadeau d’adieu, le 6 avril 1680, il la fait duchesse de Fontanges et lui octroie 22 000 écus de pension. Son père était marquis de Fontanges, du fait de sa mère, Guillemine de Fontanges qui était l’héritière de la branche aînée de Fontanges. La future duchesse avait hérité ce fief.

Après avoir beaucoup pleuré, plus de l’insensibilité du roi que de sa maladie, la jeune femme se retira à l’abbaye de Chelles [6] dont sa sœur était abbesse pour y mourir.

Lors de son séjour dans cette abbaye, Marie-Angélique échappe de peu à une tentative d’empoisonnement. En effet, son médecin lui prescrit de l’eau minérale qui est apportée le soir même dans six flacons. Le lendemain, on s’aperçoit que les flacons sont remplis de poison. Heureusement, la duchesse n’a pas bu cette eau. L’identité de l’auteur de cette tentative d’empoisonnement ne fut jamais découverte. Peu après, éclatera l’affaire des poisons dans laquelle nombre de membres de la cour, notamment Madame de Montespan, seront compromis.

Louis XIV alla tardivement rendre visite à Angélique de Fontanges et eut quelques sanglots. On transporta la duchesse à l’abbaye de Port-Royal de Paris [7], où elle mourut le 28 juin 1681. Le roi apprit la nouvelle par le duc de Noailles*.

Sa dépouille est enterrée dans la chapelle de l’Abbaye de Port-Royal au faubourg Saint-Jacques et son cœur fut transporté à l’abbaye de Chelles.

À l’époque où Marie-Angélique de Fontanges meurt, éclate l’Affaire des poisons. On évoque alors un empoisonnement pour expliquer la mort précoce de la jeune duchesse. Les ennemis de la Montespan, de plus en plus nombreux, répandent le bruit que la marquise a fait assassiner Angélique en faisant verser du poison dans son breuvage.

Lorsqu’il apprend la mort d’Angélique de Fontanges, Louis XIV demande que l’on ne fasse pas d’autopsie du corps. La demande du roi ne fit qu’amplifier les doutes d’un meurtre par empoisonnement. À la demande de la famille d’Angélique, l’autopsie a tout de même lieu.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Antonia Fraser (trad. de l’anglais par Anne-Marie Hussein), Les Femmes dans la vie de Louis XIV [« Love and Louis XIV : the women in the life of the Sun King »], Paris, Flammarion, 2007, 552 p., 18 cm (ISBN 978-2-08122-050-8, OCLC 690497565)

Notes

[1] L’Auvergne est une région culturelle et historique de France située au cœur du Massif central. Après la chute du royaume wisigoth de Toulouse, l’Auvergne passe sous la domination de Clovis, le roi des Francs. L’aristocratie pro-wisigothe d’Auvergne résiste à cette nouvelle domination comme en témoigne la révolte de Placidina et Arcade. Conquise militairement par Thierry en 536, l’Auvergne est rattachée à l’Austrasie pendant un siècle. Des aristocrates gallo-romains locaux sont nommés comtes et dirigent la province avec les évêques d’Auvergne. À la fin du 7ème siècle ou au début du 8ème siècle, l’Auvergne passe sous l’influence du duché d’Aquitaine. Gouvernée par les ducs d’Aquitaine qui portent également le titre de comte d’Auvergne, elle fait l’objet de convoitises entre francs et aquitains. Durant cette période, ce sont les évêques d’Auvergne qui exercent concrètement le pouvoir.

[2] La famille de Scorailles ou de Scoralhas en occitan est une famille noble du midi de la France d’extraction chevaleresque, avec preuves remontant à 1168, originaire de la commune d’Escorailles en Haute-Auvergne qui donna de nombreuses branches. La seule branche subsistante de cette famille est la branche de Sangruère qui se fixa au 16ème siècle en Agenais au Château de Sangruère, à Villeneuve-sur-Lot et qui orthographie son nom Scorraille.

[3] Fontanges est une commune française, située dans le département du Cantal. Fontanges est une cité médiévale proche de Salers, en bordure de l’Aspre, une rivière s’étirant dans l’ancienne vallée glaciaire de l’Aspre.

[4] La famille de Fontanges est une des familles subsistantes de la noblesse française d’extraction chevaleresque, sur preuves de 1373, originaire de la Haute-Auvergne. Elle donna de nombreuses branches pour la plupart éteintes. Cette famille compte parmi ses membres des officiers généraux, des officiers supérieurs, un aumônier de la reine Marie-Antoinette sacré plus tard évêque, etc.

[5] Le Palais-Royal, ensemble monumental (palais, jardin, galeries, théâtre) au nord du palais du Louvre dans le 1er arrondissement de Paris, est un haut lieu de l’histoire de France et de la vie parisienne. Construit par Richelieu en 1628, le Palais-Cardinal, donné au roi Louis XIII en 1636, sert de résidence à la régente Anne d’Autriche et au jeune Louis XIV enfant pendant les troubles de la Fronde et devient le Palais-Royal.

[6] L’abbaye de Chelles est une ancienne abbaye royale autrefois située à Chelles. Fondée à l’époque mérovingienne (7ème siècle) par la reine sainte Bathilde, épouse de Clovis II, cette abbaye bénédictine de femmes a subsisté jusqu’à la Révolution française. Elle fut fermée en 1790, puis vendue en 1796 comme bien national et détruite. Les éléments subsistants ont été intégrés à la Mairie de Chelles.

[7] L’abbaye de Port-Royal de Paris a été fondée au 16ème siècle pour décongestionner l’abbaye de Port-Royal des Champs. Elle a été fermée en 1790.