Bienvenue sur mon site historique. Bon surf

L’histoire pour le plaisir

Fulgence de Ruspe

lundi 16 novembre 2020, par ljallamion

Fulgence de Ruspe (462/467-527/533)

Evêque de la ville de Ruspe

On conserve une “Vie de saint Fulgence” qui a été écrite juste après sa mort par un clerc de son entourage, qui l’avait bien connu l’ayant accompagné dans son exil en Sardaigne [1] en 508, comme il l’indique dans le prologue, d’où la grande valeur historique de ce document.

On considère traditionnellement que l’auteur de cette Vie est le diacre [2] Ferrand de Carthage , dont on conserve par ailleurs deux lettres adressées à Fulgence, et les réponses de celui-ci.

Né dans une famille noble de Carthage, ville séparée de l’Empire romain une trentaine d’années plus tôt par la conquête vandale [3]. Devenu orphelin, sa mère, Mariana, lui apprend le grec et le latin. Il devient procureur de la Byzacène [4]. Il se lasse rapidement de la vie publique et, en particulier un sermon de saint Augustin sur le Psaume 36 qui traite de la nature éphémère de la vie physique, le détermine à devenir un moine à 22 ans.

Il demande à Faustus, un évêque qui, forcé par le roi vandale Hunéric de quitter son diocèse, avait fondé un monastère en Byzacène, de le prendre comme novice [5].

De nouvelles attaques dans la région forcent Fulgence à partir pour un autre monastère dont l’abbé se dénomme Félix. En 499, lors d’une autre persécution, ils fuient pour Sicca Veneria. Là, ils prêchent la doctrine de Chalcédoine [6] sur la double nature de Jésus. En apprenant cela, un prêtre arien [7] les fait arrêter.

Après avoir été libéré, Fulgence se rend à Rome puis revient en Byzacène, où il construit un monastère. La réputation de Fulgence se propage rapidement, et il lui est souvent proposé de devenir évêque de l’un des nombreux diocèses vacants, mais le roi Thrasamund réserve uniquement aux ariens les fonctions d’évêque.

Finalement, en 508, Fulgence accepte de devenir évêque de Ruspe [8]. Il est sacré évêque par Victor de Vita. Il produit une forte impression sur les fidèles de son nouveau diocèse par ses vertus évidentes, mais il est bientôt déporté en Sardaigne, avec une soixantaine d’autres évêques orthodoxes.

En Sardaigne, Fulgence transforme en monastère une maison de Cagliari [9], et décide d’écrire pour aider les chrétiens d’Afrique [10].

En 515, il retourne en Afrique, ayant été appelé par Thrasamund pour un débat public avec ses remplaçants ariens. Son livre “Une réponse à dix griefs” est censé reproduire les réponses faites à leurs objections sur la position de Chalcédoine. Thrasamund est impressionné par la connaissance et l’expérience de Fulgence, mais, ne voulant pas que ses arguments ne tombent dans les mains de ses sujets ariens, il lui interdit d’écrire. Fulgence répond par une réfutation de la position arienne, connue sous le nom de "Trois livres au roi Thrasamund". Thrasamund autorise Fulgence à rester à Carthage. Mais à la suite des plaintes du clergé arien, il est banni en Sardaigne, en 520.

En 523, après la mort de Thrasamund et l’accession de son fils Hilderic, Fulgence est autorisé à revenir à Ruspe. Il essaye de ramener la population au christianisme orthodoxe. Il s’efforce de réformer de nombreux abus qui s’étaient répandus dans son diocèse en son absence. La puissance et l’efficacité de sa prédication sont si profondes que l’évêque de Carthage [11], Boniface, remercie publiquement Dieu de lui avoir donné un tel prédicateur.

Plus tard, Fulgence se retire dans un monastère à l’île de Circinia. Il est cependant rappelé à Ruspe, et y demeure jusqu’à sa mort le 1er janvier 533. En tant que théologien, Fulgence est en accord avec saint Augustin. Il écrit contre l’arianisme et le pélagianisme [12].

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de A. Isola (ed.), Anonymus. Vita S. Fulgentii episcopi, Turnhout, 2016 (Corpus Christianorum. Series Latina, 91F), (ISBN 978-2-503-56820-1)

Notes

[1] La Sardaigne est une île de la mer Méditerranée et une région italienne, qui se trouve à l’ouest de l’Italie continentale, au sud de la Corse. Son chef-lieu est la ville de Cagliari. Lorsque l’affaiblissement de l’Empire romain se propage jusqu’à l’île, cela a pour conséquence l’abandon progressif des terres agricoles et des côtes, ainsi qu’une perte de dynamisme notable de la démographie. Abandonnée à elle-même et sans défense, la Sardaigne est occupée et subit les razzias durant quelque 80 ans (vers 460-530) par les Vandales d’Afrique qui, défaits sous Justinien, laissent l’île sous la domination de Byzance.

[2] Fonction créée par les Apôtres pour se décharger des soucis matériels. Ainsi, le diacre est chargé de distribuer les aumônes à leur place. Peu à peu, il assiste le prêtre dans des tâches spirituelles telles que la distribution de l’eucharistie et le baptême. Saint Etienne a été le premier diacre.

[3] Les Vandales sont un peuple germanique oriental. Ils conquirent successivement la Gaule, la Galice et la Bétique (sud de l’Espagne), l’Afrique du Nord et les îles de la Méditerranée occidentale lors des Grandes invasions, au 5ème siècle. Ils fondèrent également le « royaume vandale d’Afrique » (439–534) dont la capitale fut Carthage.

[4] La Byzacène est un ensemble régional correspondant à l’actuelle Tunisie mais qui peut correspondre à certains moments de son histoire à des entités administratives distinctes.

[5] Dans son sens originel, le terme « novice » désigne une personne qui, ayant récemment reçu l’habit religieux, passe une période de probation, de réflexion sur sa vocation (l’appel de Dieu), avec formation initiale dans l’esprit et style de vie d’institut religieux.

[6] Le concile de Chalcédoine est le quatrième concile œcuménique et a eu lieu du 8 octobre au 1er novembre 451 dans l’église Sainte Euphémie de la ville éponyme, aujourd’hui Kadıköy, un quartier chic de la rive asiatique d’Istanbul. Convoqué par l’empereur byzantin Marcien et son épouse l’impératrice Pulchérie, à partir du 8 octobre 451, le concile réunit 343 évêques dont 4 seulement viennent d’Occident.

[7] L’arianisme est un courant de pensée théologique des débuts du christianisme, due à Arius, théologien alexandrin au début du 4ème siècle, et dont le point central concerne les positions respectives des concepts de « Dieu le père » et « son fils Jésus ». La pensée de l’arianisme affirme que si Dieu est divin, son Fils, lui, est d’abord humain, mais un humain disposant d’une part de divinité. Le premier concile de Nicée, convoqué par Constantin en 325, rejeta l’arianisme. Il fut dès lors qualifié d’hérésie par les chrétiens trinitaires, mais les controverses sur la double nature, divine et humaine, du Christ (Dieu fait homme), se prolongèrent pendant plus d’un demi-siècle. Les empereurs succédant à Constantin revinrent à l’arianisme et c’est à cette foi que se convertirent la plupart des peuples germaniques qui rejoignirent l’empire en tant que peuples fédérés. Les wisigoths d’Hispanie restèrent ariens jusqu’à la fin du 6ème siècle et les Lombards jusqu’à la moitié du 7ème siècle.

[8] aujourd’hui Henchir-Sbia en Tunisie

[9] Cagliari ou Caglier est une ville italienne, capitale de l’île de Sardaigne, région autonome d’Italie. Le nom sarde de Cagliari, Casteddu, signifie « château ». De 1324 à 1848, Cagliari fut la capitale du royaume de Sardaigne, devenu royaume d’Italie en 1861, quand Turin fut érigée en capitale officielle.

[10] L’Afrique ou Afrique proconsulaire, est une ancienne province romaine qui correspond à l’actuelle Nord et sud Est Tunisien, plus une partie de l’Algérie et de la Libye actuelle. La province d’Afrique est créée en 146 av. jc, après la destruction de Carthage, au terme de la 3ème guerre punique ; ayant Utique pour capitale, elle est séparée du royaume de Numidie par une ligne de démarcation, la fossa regia. En 46 av. jc, Rome annexe la Numidie avec le nom de « nouvelle province d’Afrique » (Africa Nova) pour la distinguer de la première (Africa Vetus). Vers 40-39 av. jc, les deux provinces sont réunies dans la province dite d’Afrique proconsulaire ; ayant Carthage pour capitale, elle s’étend, d’ouest en est, de l’embouchure de l’Ampsaga (auj. l’Oued-el-Kebir, en Algérie) au promontoire de l’Autel des frères Philènes (auj. Ras el-Ali, en Libye). En 303, celle-ci est divisée par Dioclétien en trois provinces : la Tripolitaine, la Byzacène et l’Afrique proconsulaire résiduelle, aussi appelée Zeugitane.

[11] L’archidiocèse de Carthage est un siège épiscopal de l’Église catholique, anciennement territorial et aujourd’hui titulaire (in partibus), situé à Carthage en Afrique du Nord (aujourd’hui en Tunisie). Le diocèse de Carthage est érigé à la fin du 2ème siècle. Agrippin en est le premier évêque connu. Les plus grands écrivains chrétiens de cette époque y vivaient, comme par exemple Tertullien. Une floraison de martyrs a lieu au 3ème siècle, dont se détachent les figures de sainte Perpétue et sainte Félicité et de saint Cyprien. À cette époque, Carthage était le siège épiscopal le plus important de la province romaine d’Afrique (Afrique du Nord) et l’évêque de Carthage devint le primat et l’évêque métropolitain de fait de l’Afrique proconsulaire, de la Byzacène, de la Numidie, de la Tripolitaine et de la Mauritanie (même si dans les seules provinces, le privilège primatial était donné à l’évêque le plus ancien de la province). Le titre honorifique de patriarche fut aussi attribué à l’évêque de Carthage, toujours obéissant à Rome, à l’exception de l’épisode des relaps où Carthage était en faveur du rigorisme. Au 4ème siècle, le diocèse est travaillé par la diffusion de diverses hérésies : le donatisme, l’arianisme, le manichéisme et le pélagianisme. Les donatistes eurent même leur hiérarchie parallèle pendant une courte période. L’invasion des Vandales à la fin du siècle donne le signal à une période d’oppression contre l’Église à laquelle met fin la conquête byzantine en 533. Cependant les empereurs donnent leur appui à des hérésies, telles que le monothélisme et surtout l’iconoclasme. Les évêques de Carthage, fermes défenseurs de l’orthodoxie, sont exilés. Carthage est un siège important de l’Église latine, jusqu’à ce que la conquête des Arabo-musulmans lui porte un premier coup en 698 qui lui sera fatal ; en effet, Carthage va rapidement décliner. Le christianisme y met cependant 4 siècles à disparaître complètement. Le nom de deux derniers évêques est encore cité au 11ème siècle. Le dernier en 1076.

[12] Le pélagianisme est le courant considéré comme hérétique par l’Église catholique, issu de la doctrine du moine Pélage. Pélage minimisait le rôle de la grâce et exaltait la primauté et l’efficacité de l’effort personnel dans la pratique de la vertu. Il soutenait que l’homme pouvait, par son seul libre arbitre, s’abstenir du péché, niait la nécessité de la grâce, le péché originel, les limbes pour les enfants morts sans baptême. En effet, pour le moine breton les hommes ne doivent pas supporter le péché originel d’Adam dans leurs actions et ne doivent donc pas se rédimer à jamais. Trois conciles s’étaient opposés à cette doctrine : ceux de Carthage, 415 et 417, et celui d’Antioche en 424. Le Concile oecuménique d’Éphèse, en 431, condamna cette hérésie en dépit des correctifs que Pélage inséra dans ses apologies. Le pélagianisme subsista jusqu’au 6ème siècle. Il fut surtout combattu par saint Augustin qui a tout fait pour que Pélage soit excommunié car il le considérait comme un disciple du manichéisme. En 426, l’Église catholique romaine excommunie Pélage.