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L’histoire pour le plaisir

Bardanès Tourkos

samedi 13 avril 2019

Bardanès Tourkos

Général et sénateur byzantin

D’origine arménienne, il est probablement le frère ou le beau-frère de Bardas, lequel est le père du futur Léon V. Quant à son sobriquet de Tourkos qu’on lui attribue après la révolte, il est probablement désobligeant et pourrait suggérer une origine khazar [1].

Il a épousé Dominika, nonne après son veuvage. Leur fille Irène était la future épouse de Léon Skleros, et leur fille Thekla était la future première épouse de Michel II.

Il occupait la fonction de domestique des scholes [2] et est envoyé pour arrêter Platon de Sakkoudion pour son opposition au second mariage de l’empereur Constantin VI à Théodote , la nièce de Platon. En 797, il est mentionné comme stratège [3] du thème des Thracésiens [4] et est un partisan de l’impératrice-mère Irène l’Athénienne qui usurpe le trône aux dépens de son fils Constantin V. Le lundi de Pâques de 799, il est mentionné comme l’un des quatre patrices [5]aux côtés de Nicétas Triphyllios , Sisinnios Triphyllios et Constantin Boilas qui conduisent les chevaux du quadrige impérial lors d’une procession triomphale du palais à l’église des Saints-Apôtres [6].

Irène est finalement renversée et exilée par le logothète général [7] Nicéphore le 31 octobre 802.

À cette époque, Bardanès est patrice et stratège des Thracésiens mais reçoit bientôt le commandement du puissant thème des Anatoliques [8] en 803. L’année suivante, il prépare une campagne contre les Arabes après que Nicéphore a refusé de prolonger le paiement du tribut annuel au califat abbasside [9].

C’est de ce poste qu’il lance une rébellion infructueuse contre l’empereur Nicéphore 1er en 803. Bien qu’il soit un fervent partisan de l’impératrice byzantine Irène l’Athénienne, il est nommé commandant en chef de l’armée d’Anatolie par Nicéphore qui vient de renverser Irène, probablement en réaction aux politiques économiques et religieuses de Nicéphore.

Le soulèvement éclate probablement à Amorium [10]. De là, l’armée rebelle comprenant la moitié des forces militaires disponibles de l’empire se dirige vers le nord-ouest. Elle suit la route militaire vers Nicomédie [11] puis vers Chrysopolis [12]. Bardanès y reste durant huit jours, attendant qu’une révolte éclate contre Nicéphore au sein de la capitale impériale, sans résultat.

Il décide de se replier vers la grande base de Malagina [13]. Là, deux de ses adjoints, Michel l’Amorien et Léon l’Arménien, font défection. Ils sont richement récompensés par Nicéphore. Michel devient comte de la Tente [14] de l’empereur et Léon est nommé commandant du régiment des Foederati [15].

Bardanès est alors réticent à affronter les troupes loyalistes et préfère abandonner. Il opte pour une reddition négociée par le biais de la médiation de Joseph l’higoumène [16] du monastère de Kathara qui a officié lors du second mariage de Constantin VI. Bardanès reçoit une lettre signée par le patriarche Taraise de Constantinople et plusieurs sénateurs importants qui lui garantit à lui et à ses subordonnés de ne pas être punis s’ils se rendent. Pour prouver sa bonne foi, Nicéphore envoie sa propre croix en or avec la lettre. Satisfait par ces assurances, Bardanès quitte son armée le 8 septembre et rejoint Nicée [17] puis le monastère d’Héraclée à Cios [18]. De là, il embarque sur un navire qui l’emmène sur l’île de Prote [19]. Il prend alors le nom monastique de Sabbas et entre dans un monastère qu’il a fondé par le passé

En décembre 803 ou 804, un groupe de soldats lycaoniens [20] peut-être des pauliciens [21] débarque à Prote et aveugle Bardanès.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Christian Settipani, Continuité des élites à Byzance durant les siècles obscurs. Les princes caucasiens et l’Empire du vie au ixe siècle, Paris, de Boccard,‎ 2006, 634 p. (ISBN 978-2-7018-0226-8)

Notes

[1] Les Khazars étaient un peuple semi-nomade turc d’Asie centrale ; leur existence est attestée entre le 6ème et le 13ème siècle. Au 7ème siècle les Khazars s’établirent en Ciscaucasie aux abords de la mer Caspienne où ils fondèrent leur Khaganat ; une partie d’entre eux se convertirent alors au judaïsme qui devint religion d’État. À leur apogée, les Khazars, ainsi que leurs vassaux, contrôlaient un vaste territoire qui pourrait correspondre à ce que sont aujourd’hui le sud de la Russie, le Kazakhstan occidental, l’Ukraine orientale, la Crimée, l’est des Carpates, ainsi que plusieurs autres régions de Transcaucasie telles l’Azerbaïdjan et la Géorgie.

[2] La fonction de domestique des Scholes est une fonction militaire élevée dans l’Empire byzantin, du 8ème au début du 14ème siècle. À l’origine simples commandants des Scholai, la plus élevée des tagmata d’élite, ces domestiques gagnent rapidement en importance : au milieu du 9ème siècle, ils deviennent les commandants en chef de l’armée byzantine, juste après l’empereur. La fonction est toutefois éclipsée au 12ème siècle par celle de grand domestique, et, à la période des Paléologue, elle est réduite à une dignité de cour purement honoraire et de niveau intermédiaire.

[3] Un stratège est un membre du pouvoir exécutif d’une cité grecque, qu’il soit élu ou coopté. Il est utilisé en grec pour désigner un militaire général. Dans le monde hellénistique et l’Empire Byzantin, le terme a également été utilisé pour décrire un gouverneur militaire. Dans la Grèce contemporaine (19ème siècle jusqu’à nos jours), le stratège est un général et a le rang d’officier le plus élevé.

[4] Le thème des Thracésiens est une province ou thème de l’Empire byzantin située à l’ouest de l’Asie mineure, dans l’actuelle Turquie, et comprenant les anciennes régions d’Ionie et de Lydie ainsi que des parties de la Phrygie et de la Carie

[5] Patrice est un titre de l’empire romain, créé par Constantin 1er. Dans les années 310-320, Constantin abolit le patriciat romain, vieille distinction sociale qui avait ses racines au début de la république romaine. Le titre de patrice est désormais accordé par l’empereur à des personnes de son choix, et non plus à des familles entières. Dès son apparition, le titre de patrice permet à son titulaire d’intégrer la nobilitas, comme le faisait déjà le patriciat républicain. Le titre était décerné à des personnages puissants mais non membres de la famille impériale ; il vient dans la hiérarchie immédiatement après les titres d’Auguste et de César. Ce titre fut ensuite conféré à des généraux barbares au service de l’empire. Le titre fut encore porté par des notables gallo-romains au 6ème siècle. Sous les Mérovingiens, le titre de patrice était donné au commandant des armées burgondes. Les papes l’ont notamment décerné à plusieurs reprises pour honorer des personnages qui les avait bien servis. Le titre fut également conservé dans l’Empire byzantin, et son importance fut même accrue au 6ème siècle par Justinien 1er, qui en fit la dignité la plus haute de la hiérarchie aulique. C’était une dignité accordée par brevet. Dans les siècles suivants, elle fut progressivement dévaluée par la création de nouveaux titres. La dignité de patrice disparut à Byzance au 12ème siècle.

[6] L’église des Saints-Apôtres, également connue sous le nom de Polyandrion (cimetière impérial) ou Myriandrion, est une église byzantine de Constantinople aujourd’hui disparue. Elle fut fondée par Constance II, fils de Constantin 1er, dans les années 350 et bâtie à partir d’un mausolée construit par Constantin. Reconstruite beaucoup plus grande dans la première moitié du 6ème siècle sous Justinien, elle était la deuxième église de Constantinople en taille et en importance après la basilique Sainte-Sophie, et elle fut la principale nécropole des empereurs et impératrices byzantins. Après la chute de Constantinople en 1453, elle devint brièvement le siège du patriarche de Constantinople, qui l’abandonna en 1456. En 1461, l’édifice alors en très mauvais état fut abattu par les Ottomans pour édifier la mosquée Fatih

[7] l’équivalent du ministre des finances)

[8] Les Anatoliques ou le thème des Anatoliques sont un thème de l’Empire byzantin situé en Asie Mineure (Turquie actuelle). Après la division de l’Opsikion au milieu du 8ème siècle, il devient le plus important des thèmes de l’empire.

[9] Les Abbassides sont une dynastie arabe musulmane qui règne sur le califat abbasside de 750 à 1258. Le fondateur de la dynastie, Abû al-Abbâs As-Saffah, est un descendant d’un oncle de Mahomet, Al-Abbas ibn Abd al-Muttalib. Proclamé calife en 749, il met un terme au règne des Omeyyades en remportant une victoire décisive sur Marwan II à la bataille du Grand Zab, le 25 janvier 750. Après avoir atteint son apogée sous Hâroun ar-Rachîd, la puissance politique des Abbassides diminue, et ils finissent par n’exercer qu’un rôle purement religieux sous la tutelle des Bouyides au 10ème siècle, puis des Seldjoukides au 11ème siècle. Après la prise de Bagdad par les Mongols en 1258, une branche de la famille s’installe au Caire, où elle conserve le titre de calife sous la tutelle des sultans mamelouks jusqu’à la conquête de l’Égypte par l’Empire ottoman, en 1517.

[10] a capitale du thème des Anatoliques

[11] Nicomédie est une ville d’Asie mineure, capitale du royaume de Bithynie. Elle est appelée Izmit aujourd’hui. Hannibal s’y donna la mort en 183 av. jc et l’historien Arrien y naquit vers 90.

[12] ville située sur la rive asiatique du Bosphore en face de Constantinople

[13] Malagina, est une région byzantine dans la vallée du Sangarios, au nord de la Bithynie. Elle sert de campement majeur et de zone de rassemblement fortifiée (aplèkton) pour l’armée byzantine. C’est l’aplèkton le plus proche de la capitale Constantinople, et il possède une grande importance lors des expéditions impériales en Orient. C’est là que les armées des puissants thèmes des Anatoliques, de l’Opsikion et des Thracésiens rejoignent l’empereur. La région est aussi le lieu d’implantation des grandes écuries impériales (metata) d’Asie Mineure. La région de Malagina est mentionnée pour la première fois dans les sources historiques en 798, quand l’impératrice Irène l’Athénienne y rassemble l’armée. Le site est attaqué par les Arabes en 798, 860 et vers 875. Au 12ème siècle, l’empereur Manuel 1er Comnène restaure les fortifications de la principale forteresse située à Métabole, avant de l’utiliser pour ses campagnes contre le sultanat de Roum. Sous les Anges, elle devient une province séparée dirigée par un gouverneur portant le titre de dux et de stratopédarque. Au même moment, un archevêché y est attesté avant d’être élevé au rang de métropole par les Lascaris

[14] Le comte de la Tente était dans l’administration de l’Empire byzantin un fonctionnaire civil de l’État-major du stratège. La plus ancienne mention de cette fonction dans les sources narratives figure chez Procope de Césarée. Plusieurs sceaux datés essentiellement des 7ème siècle, 8ème siècle et 9ème siècle témoignent de l’activité de ces fonctionnaires dans les provinces. Constantin VII explique dans le De Ceremoniis l’étymologie du titre d’après la tâche de faire monter la tente de l’empereur ou du stratège, qui incombait au comte lors des campagnes militaires, et le mentionne à côté des protonotaires. Le comte de la tente exerçait également au sein de l’armée des fonctions judiciaires et de police. La fonction disparaît dans les sources après le début du 12ème siècle : les dernières références sont chez Anne Comnène et dans une lettre de 1116.

[15] Les peuples fédérés (en latin fœderati) sont pour l’Empire romain des groupes de population ayant passé un traité (fœdus), d’alliance ou de soumission, avec l’Empire. Une fois fédérés de Rome, les peuples entrés dans l’Empire sont sommés de cesser leurs exactions en échange de la paix ; il s’agit donc de diplomatie dans le monde antique tardif. Associé à l’intégration des troupes auxiliaires dans l’armée, ce dispositif fonctionne pour l’Empire les 3ème et 4ème siècles. Il se délite au 5ème siècle lorsque les peuples germaniques se sédentarisent au cœur même des provinces, commençant à régner (et bientôt, légiférer) sans en rapporter à la structure de pouvoir impériale. En quelque sorte, dès lors que l’Empire ne peut plus assurer la paix armée par ses propres moyens en plus du passage d’un foedus, son pouvoir cesse sur ses provinces.

[16] Un higoumène ou hégoumène est le supérieur d’un monastère orthodoxe ou catholique oriental. Le terme équivaut à celui d’abbé ou d’abbesse dans l’Église latine.

[17] İznik est à la fois une ville et un district administratif dans la province de Bursa en Turquie. Elle était connue auparavant sous le nom de Nicaea, francisé en Nicée, mot grec d’où est tiré son nom turc actuel. La ville gît dans un bassin fertile situé dans la partie orientale du lac d’İznik limitée au nord et au sud par des collines. La ville d’İznik se trouve à 80 km à l’est-nord-est de Bursa. À vol d’oiseau, elle se trouve à environ 90 km au sud-est d’Istanbul, mais à 200 km par les routes puisqu’il faut contourner le golfe d’İzmit pour s’y rendre. Ce parcours a toutefois été raccourci de près de 75 km suite à l’ouverture en 2016 du pont Osman Gazi.

[18] Cius (forme latine) ou Kios est une ancienne cité côtière grecque au bord de la Propontide (actuelle mer de Marmara) en Bithynie (nord-ouest de la Turquie actuelle). Elle est déjà connue sous ce nom par Aristote et Strabon.

[19] Kınalıada est une des neuf îles constituant l’archipel des Îles des Princes, dans la mer de Marmara, en Turquie. Kınalıada signifie l’île (ada) du henné (kına), en référence à la couleur des eaux où baigne l’île. C’est l’île la plus proche de la rive européenne d’Istanbul, à seulement une heure de ferry de Sirkeci. Les îles Vordonis se trouvent à mi-chemin entre la côte et l’île de Kınalıada.

[20] La Lycaonie était une région historique de l’Asie Mineure, limitée par la Cappadoce au nord-est, la Galatie au nord, la Phrygie au nord-ouest, l’Isaurie à l’ouest et la Cilicie au sud-est. Sa capitale était Ikônion/Iconium, aujourd’hui Konya. Deux autres villes de Lycaonie sont Lystre et Derbé.

[21] Le paulicianisme était une religion d’origine chrétienne orientale, probablement arménienne, aujourd’hui disparue. Ce mouvement néo-manichéen apparaît en Asie Mineure, alors dependant de l’Empire byzantin, à la fin du 7ème siècle. Il a été considéré comme hérétique par les Églises catholique et orthodoxe.