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Duqâq ou Doukak

vendredi 26 novembre 2021, par ljallamion (Date de rédaction antérieure : 10 mars 2012).

Duqâq ou Doukak

Émir seldjoukide de Damas de 1095 à 1104

Les États Latins d'Orient en 1102. Le comté de Tortose correspond au futur comté de Tripoli.Fils de Tutus, émir de Damas [1] puis sultan de Syrie [2], après la conquête d’Alep [3].

Lorsque son père meurt tué lors d’une bataille près de Rais, son frère aîné Ridwan d’Alep tente de s’approprier la totalité de l’héritage paternel en assassinant ses frères. Abu Taleb et Behram sont tués, mais Duqâq et Baktak parviennent à s’échapper et à se réfugier à Damas, où Duqâq se fait reconnaître comme émir, ne laissant à Ridwan que le nord de la Syrie avec Alep.

Entre Ridwan et Duqâq, il y a désormais une haine implacable et les 2 émirs sont constamment en guerre. Ainsi on ne compte pas moins de 2 guerres entre les frères durant l’année 1097. C’est alors que les croisés arrivent devant la ville d’Antioche [4] en octobre 1097 et mettent le siège devant la ville. Yâghî Siyân , émir d’Antioche, est en froid avec son suzerain Ridwan car il vient de soutenir Duqâq lors de la dernière guerre fratricide, demande l’aide de l’émir de Damas.

Celui-ci hésite car il craint une attaque de Ridwan pendant qu’il marche sur Antioche, et ne se décide qu’en décembre. Le 31 décembre 1197, son armée rencontre à al-Bâra [5] un important détachement de croisés conduit par Bohémond de Tarente et Robert de Flandre chargé d’assurer le ravitaillement des croisés assiégeants Antioche. La bataille mit en déroute l’armée de Damas, mais les francs à la suite de cet engagement n’oseront pas continuer vers le sud et reviennent à Antioche sans ravitaillement.

Ridwan tente à son tour d’attaquer les Francs mais il est vaincu près d’Antioche le 9 février 1098. C’est ensuite Kerbogha, atabeg [6] de Mossoul [7] qui réunit une grande armée, auquel se joint Duqâq et marche sur Antioche, mais il arrive le 5 juin, 2 jours après la prise d’Antioche par les croisés. Kerbogha se fait immédiatement remettre la citadelle d’Antioche qui résiste encore et ne cache pas ses ambitions d’hégémonie en Syrie. Duqâq est alors le chef de file des émirs mécontents de la politique de l’émir de Mossoul. Ces dissensions entraînent la dispersion des musulmans, la défaite de Kerbogha contre les croisés le 28 juin et laisse les mains libres aux croisés en Syrie. Les fatimides [8] en profitent pour prendre Jérusalem [9], tenu par un vassal de Duqâq, Soqman ibn Ortoq au cours de l’été 1098.

En 1100, suite aux raids répétés des Francs de Jérusalem sur les troupeaux et les récoltes d’un de ses vassaux, l’émir de Sawâd, un bédouin du Golan [10], il attaque Godefroi de Bouillon et Tancrède, un neveu de Bohémond de Tarente, chargés de butin. Les Francs parviennent à s’enfuir avec de lourdes pertes. Tancrède organise un raid de représailles près de Damas, dévaste les vergers et pille les villages. Dukak n’ose pas intervenir. Il propose à Tancrède de lui verser une forte somme pour qu’il s’éloigne. Tancrède envoie une délégation de 6 personnes sommant Dukak de se convertir au christianisme ou de livrer Damas. Outré, Dukak enjoint aux émissaires d’embrasser l’islam. L’un d’eux accepte, les 5 autres ont la tête tranchée. Godefroy rejoint Tancrède et les Francs dévastent pendant 10 jours la région de Damas. L’émir de Sawâd, voyant que Duqâq ne peut plus le protéger, rejette sa suzeraineté et se met sous le protectorat du royaume de Jérusalem [11].

En octobre de la même année, il rassemble ses forces et tend une embuscade à Baudouin d’Edesse ou Baudouin 1er de Boulogne, en route pour Jérusalem pour prendre la succession de son frère Godefroi de Bouillon, près de Beyrouth [12], au passage du Nahr-el-Kalb [13].

Le nouveau cadi [14] de Tripoli [15], Fakhr al-Mulk, craignant que sa victoire ne donne trop de pouvoir à son rival de Damas, met Baudouin au courant de l’embuscade. Après une brève escarmouche, les troupes de Damas refluent vers la montagne libanaise, tandis que les Francs passent tranquillement l’embouchure du Nahr-el-Kalb. Au début du siège de Tripoli, en 1102, Fakhr al-Mulk ibn-Ammar l’appelle à l’aide, mais son armée est repoussée par les Francs.

Mais les principautés arabes commencent à s’habituer à la présence franque et Duqâq commence les échanges diplomatiques avec la cour de Jérusalem, comme d’autres émirs.

A sa mort en juin 1104, la principauté seldjoukide de Damas disparaît, après une fiction de régence, au profit de l’atabek turc Tughtekin qui fonde la dynastie des Burides [16].

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Amin Maalouf, Les Croisades vues par les Arabes, J’ai lu, 1983 (ISBN 978-2-290-11916-7)

Notes

[1] Damas est l’une des plus anciennes villes continuellement habitées. Elle est aussi la ville la plus peuplée de la grande Syrie (Assyrie) (des traces archéologiques remontent au 4ème millénaire av. jc). Elle est citée dans la Bible, dans le livre de la Genèse, et plusieurs fois dans les Livres des Rois et des Prophètes. Damas connut l’influence de nombreuses civilisations dont celles des Assyriens, Perses, Grecs, Séleucides, Romains, Arabes et Turcs. De la fin du 12ème siècle av. jc à 734 av. jc, elle est la capitale du royaume d’Aram-Damas. Elle fut l’un des berceaux du christianisme et vit saint Paul prononcer ses premières prédications, notamment dans la maison d’Ananie, où celui-ci a ouvert une église domestique dès l’année 37. Cette dernière est la plus vieille de Syrie (aujourd’hui dans le quartier chrétien de Bab Touma). En 635, Damas se soumit aux musulmans et devint la capitale de la dynastie des Omeyyades de 661 à 750. Avec l’adoption de la langue arabe, elle devint le centre culturel et administratif de l’empire musulman durant près d’un siècle. Par la suite, elle demeura un foyer culturel majeur et un pôle économique de premier plan profitant de sa situation géographique privilégiée, à la croisée des chemins de La Mecque, l’Afrique, l’Anatolie, la mer Méditerranée et l’Asie (route de la soie en direction de la Chine et du commerce des épices avec l’Inde).

[2] La Syrie fut occupée successivement par les Cananéens, les Phéniciens, les Hébreux, les Araméens, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Arméniens, les Romains, les Nabatéens, les Byzantins, les Arabes, et partiellement par les Croisés, par les Turcs Ottomans et enfin par les Français à qui la SDN confia un protectorat provisoire pour mettre en place, ainsi qu’au Liban, les conditions d’une future indépendance politique.

[3] Alep est une ville de Syrie, chef-lieu du gouvernorat d’Alep, le gouvernorat de Syrie le plus peuplé, situé dans le Nord-Ouest du pays. Pendant des siècles, Alep a été la ville la plus grande de la région syrienne et la troisième plus grande ville de l’Empire ottoman

[4] Antioche, ou Antioche-sur-l’Oronte afin de la distinguer des autres Antioche plus récentes, est une ville historique originellement fondée sur la rive gauche de l’Oronte dans la Syrie historique et qu’occupe la ville moderne d’Antakya, en Turquie. C’était l’une des villes d’arrivée de la route de la soie.

[5] Bara, El-Bara, Al-Bara ou Albara est une des villes mortes du Jebel Riha au nord-ouest de la Syrie, située à 25 km de Ma’arrat al-Numan, environ à 65 km au nord de Hama et à 80 km au sud-ouest d’Alep. Les ruines forment un vaste ensemble éparpillé sur plusieurs collines boisées (maquis, oliviers). C’était un riche bourg agricole fondé au 4ème siècle sur une route commerciale importante entre Antioche et Apamée, dont l’économie était basée sur la production d’huile d’olive et de vin.

[6] Atabeg, atabey ou atabek (père du prince) est un titre de noblesse turc. À l’époque des Seldjoukides, il s’agissait d’un dignitaire jouant le rôle de tuteur d’un jeune prince. Quand un prince seldjoukide mourait, la régence était attribuée à un atabeg chargé de protéger et de guider les héritiers. Ils épousaient souvent les mères veuves et de ce fait, assumaient d’une certaine manière la paternité par procuration. Aux 11ème et 12ème siècles, des dynasties ont été fondées par des mamelouks affranchis qui occupaient des hauts postes administratifs dans la cour des puissants émirs. À la mort de ces derniers, ils se sont retrouvés titulaires eux-mêmes de la régence et ont privé les héritiers de la légitimité de leur pouvoir, profitant de l’occasion pour usurper le trône. Ces usurpateurs prirent le titre d’atabeg car ils n’osaient pas prendre le titre de sultan. Aussi, le 12ème siècle, en Mésopotamie (Irak) est l’"âge des atabegs" (des régents). Ils ont fondé différentes dynasties et ont placé leurs héritiers, les émirs seldjoukides, dans diverses principautés.

[7] Mossoul est une ville du nord de l’Irak, chef-lieu de la province de Ninive, en Haute mésopotamie. Appartenant de jure à l’Irak, Mossoul est située sur les ruines de Ninive. C’est la ville qui lui a succédé comme métropole régionale à l’époque chrétienne. Elle est alors d’obédience nestorienne et abrite les tombes de plusieurs évangélisateurs. Prise en 641 par les Arabes, elle devient le principal pôle commercial de la région en raison de son emplacement, au carrefour des routes de caravanes entre la Syrie et la Perse. C’est à cette époque qu’elle devient réputée pour ses tissus fins de coton, les mousselines, ainsi que pour son marbre. Au 10ème siècle, l’émirat de Mossoul acquiert une quasi-indépendance avant de devenir au 11ème siècle la capitale d’un État seldjoukide. Au 13ème siècle, elle est conquise et pillée par les Mongols. En 1262, elle passe sous domination perse, puis ottomane.

[8] Les Fatimides (également appelés Obeydides ou Banu Ubayd depuis le manifeste de Bagdad ont formé une dynastie califale arabe chiite ismaélienne d’ascendance alide qui régna, depuis l’Ifriqiya (entre 909 et 969) puis depuis l’Égypte (entre 969 et 1171), sur un empire qui englobait une grande partie de l’Afrique du Nord, la Sicile et une partie du Moyen-Orient. Issus de la branche religieuse chiite des ismaéliens pour laquelle le calife doit être choisi parmi les descendants d’Ali, cousin et gendre du prophète de l’islam Mahomet, les Fatimides considèrent les Abbassides sunnites comme des usurpateurs de ce titre. L’établissement de leur califat débute au Maghreb, grâce à l’appui des Berbères Kutama, grande tribu qui était établie à l’est de l’actuelle Algérie qui vont renverser le pouvoir local aghlabide. Après un intermède en Ifriqiya, ils finiront par s’établir dans la ville du Caire qui pendant leur règne prendra un essor considérable.

[9] Ville du Proche-Orient que les Israéliens ont érigée en capitale, que les Palestiniens souhaiteraient comme capitale et qui tient une place centrale dans les religions juive, chrétienne et musulmane. La ville s’étend sur 125,1 km². En 130, l’empereur romain Hadrien change le nom de Jérusalem en « AElia Capitolina », (Aelius, nom de famille d’Hadrien ; Capitolina, en hommage au dieu de Rome, Jupiter capitolin) et il refonde la ville. Devenue païenne, elle est la seule agglomération de la Palestine à être interdite aux Juifs jusqu’en 638. Durant plusieurs siècles, elle est simplement appelée Aelia, jusqu’en 325 où Constantin lui redonne son nom. Après la conquête musulmane du calife Omar en 638, elle devient Iliya en arabe, ou Bayt al-Maqdis (« Maison du Sanctuaire »), équivalent du terme hébreu Beit ha-Mikdash (« Maison sainte »), tous deux désignant le Temple de Jérusalem, ou le lieu du voyage et d’ascension de Mahomet, al-Aqsa, où se situait auparavant le temple juif

[10] Le plateau du Golan ou hauteurs du Golan, parfois simplement appelé Golan, est un plateau d’Asie situé au sud du mont Hermon, au nord-est du lac de Tibériade et au nord du Yarmouk, à la frontière entre Israël, la Jordanie, la Syrie et le Liban. Le plateau du Golan est la source principale d’approvisionnement en eau du lac de Tibériade et du Jourdain. Il est réputé pour son agriculture et ses vignobles.

[11] Le royaume de Jérusalem fut fondé par des princes chrétiens à la fin de la première croisade, lorsqu’ils s’emparèrent de la ville. C’est l’un des États latins d’Orient. On peut distinguer plusieurs périodes dans son histoire : celles où le titre de roi de Jérusalem est associé à la mainmise croisée sur la ville (1099-1187 et 1229-1244), et celles où le titre représente le plus haut niveau de suzeraineté des croisés en Terre sainte, mais durant lesquelles la ville en elle-même n’appartient pas aux soldats croisés. Le royaume de Jérusalem fut créé en 1099 après la prise de la ville et ne disparut réellement qu’avec le départ des derniers croisés de Tortose en août 1291, soit moins de deux siècles plus tard.

[12] Beyrouth est la capitale du Liban et la ville la plus importante du pays. Béryte est fondée vers 5000 av. jc. Petit port à l’origine, moins puissante que les autres cités phéniciennes tel que Tyr, Byblos, ou Sidon, elle gagne de l’importance pendant l’Empire romain. Elle est renommée pour son école de droit mais elle est ravagée en 552 par un violent séisme accompagné d’un tsunami. Pendant les croisades, elle est le centre de la seigneurie de Beyrouth, vassale du royaume franc de Jérusalem. Elle est prise par les mamelouks en 1291. Sous l’Empire ottoman, elle joue un rôle commercial actif parmi les échelles du Levant mais subit les effets du déclin économique de la Syrie ottomane. Elle ne retrouve sa place qu’au 19ème siècle.

[13] Nahr el-Kelb ou Fleuve Lycus est un fleuve côtier du Liban. Il se jette dans la Méditerranée au Nord-Est de Beyrouth. Il n’est pas navigable.

[14] Magistrat musulman exerçant des fonctions civiles et religieuses.

[15] Le nom de la cité proviendrait du grec Tripolis. Elle aurait été nommée ainsi du fait de sa séparation en trois parties distinctes par les commerçants venant de Tyr, Sidon et Aradis. À partir de 1070, Tripoli est sous la domination de la famille Banû ’Ammâr, qui s’est rendue indépendante des califes fatimides d’Égypte. En 1102, lors de la première croisade, la ville est assiégée par Raymond IV de Saint Gilles et défendue par le cadi Fakhr al-Mulk ibn-Ammar. Le siège dure près de 10 ans, infligeant de lourds dégâts à la ville, qui tombe aux mains des croisés en 1109. Elle est ensuite, durant le temps des croisades, la capitale du comté de Tripoli, l’un des principaux États francs du Levant.

[16] La dynastie bouride est une famille d’atabegs qui a régné sur Damas de 1104 à 1154.