A la mort de Guillaume d’Apulie en 1127, Bohémond II de Tarente, petit-fils de Robert Guiscard est un des 2 prétendants possibles à la succession au duché de Pouilles [1], se désintéresse de l’affaire au profit de sa principauté d’Antioche [2]. En revanche, le neveu de Guiscard, Roger II, fils du Grand Comte, est alors âgé de 32 ans et tient la Sicile depuis 1105. Il s’empresse de faire valoir ses droits et de se faire couronner à Salerne [3] roi de Sicile, de Calabre et de Pouille.
Le couronnement de Salerne provoqua une agitation de presque tous les barons normands du Mezzogiorno continental qui s’inquiètent de l’arrivée au pouvoir d’un homme fort, capable de contrecarrer leurs ambitions personnelles. Un autre acteur de ce jeu, le Pape Honorius II, à peine sorti victorieux de la querelle de la papauté contre l’Empire, ne se souciait guère du rétablissement de l’indocile puissance normande, dont il n’a plus besoin. Il refusa donc à Roger tout droit sur l’héritage et fomenta un complot avec les barons rebelles pour l’évincer.
Cette entreprise menée sous le masque d’une "guerre sainte" échoua lamentablement et, en août 1128, le Pape se voit contraint de conférer à Roger II le titre de son oncle : "duc de Pouilles, de Calabre et de Sicile", consacrant ainsi l’unité du Mezzogiorno continental et de la Sicile. Cette reconnaissance ne calme bien évidemment pas les rebelles et, en 1129, il doit lancer une nouvelle campagne de pacification contre les barons normands des Pouilles. Cette même année, la mort de Robert II d’Aversa lui permet de prendre la tête de la principauté des Drengot, basée à Aversa et Capoue, la seule famille normande qui tint vraiment tête aux Hauteville. L’unification de l’état normand est donc théoriquement acquise.
Ce politique obstiné, après avoir pacifié, unifié et doté son royaume d’assises juridiques stables, se lance à l’assaut des côtes de Grèce et d’Afrique du Nord, prise de Djerba [4] en 1135, de Bône [5] en 1154. Il sait ainsi faire entendre sa voix dans le grand concert européen et damer le pion à des ennemis acharnés : le pape, l’empereur d’Allemagne et le basileus de Byzance, qu’il viendra narguer jusque sous ses murs.
A Palerme, cette ville opulente et raffinée où se côtoie sans heurts juifs, musulmans, chrétiens latins et grecs, il laisse des églises étincelantes d’or et de marbre.
Sous son règne, la Sicile connut une grande prospérité et fut la principale puissance maritime de la Méditerranée. Prince tolérant, il laissa les Arabes exercer leur religion.