Ottone Orseolo (993-1032)
27ème doge de Venise élu en 1009 et destitué en 1026
Il appartient à la famille patricienne des Orseolo [1]. Fils du doge [2] Pietro II Orseolo , il est associé au trône par son père dès 1007, lui succédant et dirigeant le duché de 1009 à 1026.
En 1011, il épouse Ilona, fille de Géza, prince magyar [3], et sœur de Saint Étienne, roi de Hongrie [4]. De cette union naît Pietro, qui, en 1038 est nommé, par Étienne, roi légitime de Hongrie. Cette union hongro-vénitienne justifiera les prétentions des rois de Hongrie sur la Dalmatie vénitienne.
Il est élu co-régent à seulement 14 ans, sur la demande du doge son père, afin de succéder à celui-ci après sa mort. Cette pratique est très commune, du moins jusqu’à la moitié du 11ème siècle, beaucoup de doges espèrent ainsi pouvoir transformer la république de Venise [5] en une signoria, et le titre de doge en une charge héréditaire. Avant lui, son frère aîné Giovanni avait été co-régent, mais il mourut de la peste.
Il néglige les rapports avec l’Empire d’Occident, bien qu’il soit le filleul de l’empereur Otton III et ne se préoccupe même pas de renouveler les accords commerciaux avec l’Empire.
En 1017, il oblige l’évêque d’Adria [6] à rendre à Venise les villes de Loreo [7] et de Fossombrone [8], en 1018, il organise une expédition contre les pirates croates [9]. La même année, son frère Orso, déjà évêque de Torcello [10], est élu patriarche de Grado [11] tandis que son frère Vitale, devient le nouvel évêque de Torcello. Le patriarche d’Aquilée [12] dénonce cependant l’irrégularité de l’élection du patriarche de Grado.
Le statut de souverain héréditaire pris par Ottone associé aux principales charges spirituelles de la part de ses frères préoccupent l’aristocratie vénitienne qui se rebelle et le contraint ainsi que son frère Orso, patriarche de Grado, à l’exil en Istrie [13]. Le patriarche de Aquilée Wolfgang von Treffen en profite pour attaquer et conquérir Grado. Les 2 frères sont immédiatement rappelés à Venise et réintégrés dans leurs fonctions respectives.
Ottone Orseolo reconquiert immédiatement Grado. Peu de temps après, Domenico Grandenigo, âgé de 18 ans et membre d’une des plus importantes familles de Venise, est nommé évêque de Olivolo [14]. Le doge s’oppose à cette nomination et une autre révolte éclate commandée par Domenico Flabanico . Ottone est capturé, on lui coupe la barbe et il est envoyé à Constantinople [15], son frère Orso est en même temps chassé de Grado.
Après la seconde destitution, les Vénitiens élisent Pietro Barbolano ; les partisans des Orseolo après quelques années réussissent à le destituer en 1031, lui coupant la barbe et l’exilant à Constantinople, exactement comme il avait été fait à Ottone qui est de nouveau rappelé dans sa patrie. Son frère Vitale, évêque de Torcello, va le chercher à Byzance [16], pendant que son autre frère Orso, qui a été réintégré dans sa charge de patriarche de Grado, administre Venise. Il meurt avant de rentrer à Venise. Les Orseolo élisent alors comme doge Domenico Orseolo en 1032, un parent d’Ottone, mais l’assemblée populaire le contraint à la fuite à l’issue d’une journée de règne ; il réapparaît à Ravenne [17] en 1036.
Notes
[1] La famille Orseolo est une famille patricienne vénitienne issue d’Orso Ipato. Elle donna quatre doges à la république de Venise.
[2] Le doge de Venise était le magistrat en chef et le dirigeant de la république de Venise entre 726 et 1797. Les doges étaient élus à vie par l’aristocratie de la cité-État. Il incarne de manière symbolique le bon fonctionnement de l’État.
[3] Les Magyars ou Hongrois sont à l’origine un groupe ethno-linguistique finno-ougrien originaire d’Asie centrale et dont les migrations successives, d’abord vers l’Oural, ensuite vers la mer Noire (pays d’Etelköz, l’actuelle Ukraine) ont finalement abouti à la création du « pays magyar » (Magyarország), c’est-à-dire la Hongrie. Des débats historiographiques récurrents évoquent l’existence de « Magyars orientaux » (keleti Magyarok) dans le Caucase et en Asie centrale. De nos jours, le qualificatif « magyar » est souvent utilisé comme un ethnonyme, pour désigner la catégorie ethnique dans son sens historique (avant la création de l’État hongrois) ou dans son sens socio-culturel, pour désigner les Magyars d’outre-frontières, à savoir les minorités de langue hongroise dans les pays frontaliers de la Hongrie. En hongrois, le qualificatif magyar est également utilisé dans un sens politique, pour désigner tout ce qui est relatif à la Hongrie comme État-nation moderne et par extension tous les citoyens hongrois, quelles que soient leurs origines socio-culturelles.
[4] Le royaume de Hongrie est le terme historiographique donné à différentes entités politiques de la Hongrie au Moyen Âge (à partir de 1001), à l’époque moderne et jusqu’à l’époque contemporaine (1946). La date de création du royaume remonte à l’an 1001, lorsque Étienne (István) transforme l’ancienne grande-principauté en royaume chrétien. L’unité du royaume est mise à mal lors de l’occupation ottomane d’une partie du pays en 1526, durant laquelle deux territoires se disputent la continuité royale (la Hongrie royale dominée par l’empire d’Autriche et la Hongrie orientale, prémisse de la principauté de Transylvanie). Le royaume de Hongrie recouvre l’essentiel de son territoire médiéval d’abord en 1848-1849, puis dans le cadre du compromis austro-hongrois signé en 1867 et conserve son régime après le démantèlement du pays en 1920 jusqu’à 1946, sous la forme d’une régence. Entre l’an 1001 et 1946, le royaume de Hongrie a cessé d’exister à trois reprises : en 1849, lors de la Révolution hongroise de 1848, de la République démocratique hongroise de 1918 et de la République des conseils de Hongrie de 1919. Depuis 1946, la Hongrie est une république.
[5] La république de Venise, parfois surnommée « la Sérénissime », est une ancienne thalassocratie d’Italie, progressivement constituée au Moyen Âge autour de la cité de Venise, et qui s’est développée par l’annexion de territoires divers en Italie du Nord, le long des côtes de la mer Adriatique et en Méditerranée orientale : les « Domini di Terraferma », l’Istrie, la Dalmatie, les bouches de Cattaro, l’Albanie vénitienne, les îles Ioniennes, la Crète, l’Eubée, Chypre et d’autres îles grecques, jusqu’à devenir une des principales puissances économiques européennes.
[6] Adria est une commune italienne située dans la province de Rovigo en Vénétie, dans le Nord-Est de l’Italie.
[7] Loreo est une commune italienne de la province de Rovigo dans la région de Vénétie en Italie.
[8] Fossombrone est une commune italienne située dans la province de Pesaro et Urbino, dans la région Marches, en Italie centrale.
[9] La Croatie, est un pays d’Europe centrale et du Sud. Elle s’étend depuis les confins de l’extrémité orientale des Alpes au nord-ouest et depuis les plaines pannoniennes au nord-est, jusqu’au littoral de la mer Adriatique au sud-sud-ouest, en passant par le massif montagneux des Alpes dinariques au centre. Elle est entourée par la Slovénie, la Hongrie, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro. La Croatie fut, tout au long de son histoire, au carrefour de quatre grands espaces culturels, ce qui confère une richesse à son patrimoine, tant architectural qu’artistique. Outre le caractère slave de ses habitants qui remonte à la fin du 6ème siècle, la Croatie a subi les influences vénitiennes sur la côte dalmate d’une part, et les influences austro-hongroises dans les plaines du Nord de Slavonie et dans le bassin du Danube d’autre part.
[10] Le diocèse de Torcello est un diocèse de la province ecclésiastique de Torcello. Le diocèse fut fondé en 639 en tant qu’héritier du diocèse d’Altino (il a continué à être appelé ainsi jusqu’au début du 11ème siècle qui s’était déplacé vers la lagune après le déclin de l’ancien siège et la conquête des Lombards, un peuple de confession arienne. Après cet événement, le diocèse ne conserva sa juridiction que sur les îles de la lagune septentrionale de Venise, y compris Murano et Burano, tandis que l’arrière-pays, y compris Altino, passa à Trévise. Le siège épiscopal était situé dans la basilique de Santa Maria Assunta.
[11] Le patriarcat de Grado (en latin : Patriarchatus Gradensis ) est un siège métropolitain supprimé, siège titulaire de l’Église catholique.
[12] Le patriarcat d’Aquilée est une entité politico-religieuse qui a existé de 568 à 1751. Initialement juridiction ecclésiastique, elle administrait un vaste territoire dont le centre était l’actuel Frioul. En plus de leur autorité religieuse, les patriarches d’Aquilée obtinrent l’investiture féodale (1077-1420) sur le Frioul (« patrie du Frioul ») et, à plusieurs périodes historiques, les confins politiques du patriarcat s’étendirent jusqu’à l’Istrie, à Cadore (Dolomites), en Carinthie, en Carniole et en Styrie. Les cités principales de ces entités étaient : Aquilée, Forum Iulii et Udine.
[13] L’Istrie est une péninsule de l’Adriatique de forme triangulaire pointée vers le sud, attachée au continent par le nord-est. Sa superficie est de 2 820 km². Son littoral commence au nord-ouest avec le golfe de Trieste, suit une ligne rectiligne nord-ouest/sud-est longue de 242,5 km jusqu’au cap Kamenjak où il s’infléchit et suit une ligne sud-ouest/nord-est longue de 212,4 km jusqu’à la baie de Kvarner. Son territoire est principalement compris en Croatie.
[14] un des quartiers de Venise
[15] Constantinople est l’appellation ancienne et historique de l’actuelle ville d’Istanbul en Turquie (du 11 mai 330 au 28 mars 1930). Son nom originel, Byzance, n’était plus en usage à l’époque de l’Empire, mais a été repris depuis le 16ème siècle par les historiens modernes.
[16] Byzance est une ancienne cité grecque, capitale de la Thrace, située à l’entrée du Bosphore sous une partie de l’actuelle Istanbul. La cité a été reconstruite par Constantin 1er et, renommée Constantinople en 330, elle est devenue la capitale de l’Empire romain, puis de l’Empire romain d’Orient et enfin de l’Empire ottoman à partir de 1453 date de la prise de la ville par les Turcs. Elle fut rebaptisée Istanbul en 1930.
[17] Ravenne est une ville italienne de la province de Ravenne en Émilie-Romagne. Elle est considérée comme la capitale mondiale de la mosaïque. Ravenne fut une cité de première importance au tournant de l’Antiquité et du Moyen Âge. En 402, pendant le règne d’Honorius, elle fut, du fait de sa position stratégique plus favorable, élevée au rang de capitale de l’Empire romain d’Occident en lieu et place de Milan, trop exposée aux attaques terrestres des barbares. Son port de grande capacité, sur l’Adriatique, la mettait en communication aisée avec Constantinople, capitale de l’Empire romain d’Orient. La cité continua d’être le centre de l’Empire d’Occident jusqu’à la chute de celui-ci en 476. Elle devint alors la capitale du royaume d’Italie d’Odoacre, puis à partir de 493 celle du royaume des Ostrogoths, sous Théodoric le Grand, qui englobait l’Italie, la Rhétie, la Dalmatie et la Sicile. En 540, sous le règne de Justinien 1er, Ravenne fut conquise par le général de l’Empire d’orient Bélisaire ; elle fut ensuite reconquise par les Ostrogoths avant d’être à nouveau reprise par le général de l’Empire d’orient Narsès en 552. C’est pour contrer le danger né de l’invasion des Lombards en Italie à partir de 568, que Ravenne devint le siège de l’exarchat byzantin d’Italie, par décision de l’empereur Maurice. La concentration de tous les pouvoirs civils et militaires entre les mains de l’exarque, représentant personnel de l’empereur byzantin favorisa, à long terme, l’émancipation des territoires du nord de l’Italie vis-à-vis du pouvoir impérial. Ravenne fut prise en 752 par Aistolf, roi des Lombards. Deux ans après, Pépin le Bref, roi des Francs, la lui enleva et la donna au Saint-Siège.