Cunégonde de Slavonie (1245-1285)
Reine de Bohême
Fille du ban [1] Rostislav IV de Kiev et d’Anne de Hongrie princesse de Tchernigov [2], fut régente de Bohême de 1278 à sa mort.
Née vraisemblablement sur les terres de son grand-père paternel, Michel 1er de Kiev , en Ruthénie [3], elle était la petite-fille de ce dernier Grand Prince de Kiev [4], qui fut déposé par l’Empire Mongo [5].
À la mort du grand-duc Michel, Rostislav se réfugia en Hongrie, où son beau-père, Bela IV de Hongrie, le nomma gouverneur des pays serbophones de la vallée du Danube [6]. Désormais gouverneur de Belgrade [7] et de Slavonie [8], il alla jusqu’à s’autoproclamer empereur de Bulgarie en 1256 mais sans réellement défendre ses droits sur cette région.
Cunégonde, en gage d’alliance de son grand-père maternel Bela, fut mariée au roi Ottokar II de Bohême à Bratislava [9] le 25 octobre 1261. Ottokar, prince de la dynastie des Přemyslides [10], venait de divorcer de Marguerite d’Autriche ou Marguerite de Babenberg , duchesse d’Autriche, parce qu’elle ne lui avait pas donné d’héritier.
Cunégonde, de 41 ans cadette de Marguerite, donna plusieurs enfants au roi Ottokar.
Après 10 années de trêve, l’avènement d’ Étienne V , oncle de Cunégonde, au trône de Hongrie, ralluma la guerre entre la Bohême et la Hongrie. En 1278, le roi Ottokar entreprit de reprendre les territoires qu’il avait dû céder à Rodolphe 1er du Saint Empire en 1276. Il conclut diverses alliances et réunit une puissante armée, mais fut défait par Rodolphe et trouva la mort à la bataille de Marchfeld [11], près de Vienne [12] le 26 août 1278.
La Moravie [13] fut conquise et confiée au gouvernement des lieutenants de Rodolphe, ne laissant à Cunégonde, désormais régente de Bohême, que la province de Prague [14], tandis que son fils, le jeune Venceslas, était fiancé de force à l’une des filles de Rodolphe, Judith.
Pour sa sécurité personnelle, Cunégonde se remaria à Prague en 1285 avec un baron de Bohême, le magnat [15] Záviš, seigneur de Falkenštejn ; elle mourut quelques mois plus tard.
Le fils de Cunégonde, Venceslas II, parvint à conserver le royaume de Bohême, puis il s’assura les couronnes de Pologne et de Hongrie mais de façon précaire. À ce titre, Cunégonde est l’une des aïeules des actuelles Maison de Luxembourg [16] et de Habsbourg [17].
Notes
[1] Le titre de ban provient des châtellenies médiévales (cours de justice supérieure). Le mot est issu du latin titulus qui désignait, dans la Rome antique, le panneau portant les chiffres de la bataille gagnée par un général victorieux, ou qualifiait déjà le titre d’un livre. Dans les marches orientales du Saint-Empire romain germanique et en particulier en Hongrie « ban » désigne un commandant militaire. Le ban peut être assimilé à un margrave, ce prédicat honorifique conféré aux chefs militaires des marches dans l’empire carolingien puis à certains princes du Saint-Empire romain germanique. En Hongrie, le ban gouverne un banat, c’est-à-dire une marche frontalière dont le détenteur était l’égal du comte palatin de Hongrie. Il s’agissait toutefois d’un office où l’on était nommé ou révoqué, et non d’un rang aristocratique héréditaire. Les pouvoirs du ban étaient très étendus : il exerçait son autorité dans toutes les affaires politiques, judiciaires et militaires de son banat, en tant que comte palatin de Hongrie. Dans sa juridiction, le ban prenait rang immédiatement après le roi et avait les mêmes droits et les mêmes obligations que celui-ci. Le ban de Croatie était le troisième baron du royaume, après le roi et le judex curiae (juge de la cour royale). En temps de guerre, il commandait les troupes de son banat. Les banats ont varié au cours du temps et parfois formé des États indépendants ou été en union personnelle avec la Hongrie.
[2] La principauté de Tchernigov est une des principautés slaves qui formaient la Rus’ de Kiev, entre le 11ème siècle et le 13ème siècle et qui subsista jusqu’au 16ème siècle. Elle se trouvait dans des territoires de la rive gauche du Dniepr faisant partie des bassins de la Desna et de la Seïm. La principauté est peuplée de Séverianes et en partie de Polianes. Plus tard la principauté s’étend jusqu’aux terres des clans radimitches, des Viatitches et des Drégovitches. Sa capitale est la ville de Tchernigov, où le prince Mstislas fait construire l’église de la Transfiguration en 1033. Les autres bourgades d’importance sont Novgorod-Severski, Starodoub, Briansk, Poutivl, Koursk, Lioubetch, Gloukhov, Tchetchersk et Gomel. L’influence de la principauté s’étend au nord, jusqu’aux terres de Mourom et de Riazan, et aussi au sud-est à la limite de la principauté de Tmoutarakan.
[3] La Ruthénie rouge, ou Russie rouge est le nom qui a été utilisé depuis le Moyen Âge jusqu’à la Première Guerre mondiale pour désigner la Galicie orientale. À l’origine, la Ruthénie rouge désignait le territoire compris entre le Bug et le Wieprz, c’est à dire le territoire autour de Chelm. Cette région est mentionnée pour la première fois en 981, quand Vladimir 1er le Grand de la Rus’ de Kiev reprend cette région à la Pologne de Mieszko 1er. En 1018, Boleslas 1er le Vaillant récupère ce territoire qui sera repris par la Rus’ de Kiev en 1031.
[4] Le grand-prince de Kiev (parfois appelé grand-duc de Kiev) était le titre donné aux dirigeants de la ville de Kiev, dans la Rus’ de Kiev (Russie médiévale) entre le 9ème et le 13ème siècle.
[5] L’Empire mongol est le nom donné à l’empire fondé et dirigé au début du 13ème siècle par le souverain Gengis Khan, puis par ses descendants. Ces conquêtes n’abolissent d’ailleurs pas toujours les formes antérieures d’administration mises en place par les États vaincus de part et d’autre de l’Eurasie, ce qui pose la question de la nature originale de l’Empire mongol sur le plan de son unité politique, linguistique, religieuse et économique. De plus, sa géographie, mêlant vastes territoires désertiques peu peuplés (steppes d’Asie centrale) et zones de peuplement denses (littoraux chinois et confins occidentaux), son rapide éclatement, ainsi que l’impossible gestion d’une telle superficie avec les moyens techniques et humains de l’époque soulèvent des questions de définition sur la nature précise de l’État mongol médiéval. À la fin du 13ème siècle, il s’étend de la rive orientale de la Méditerranée à l’océan Pacifique sur une large bande incluant l’Europe extrême orientale, le Proche-Orient, le Moyen-Orient, l’Asie centrale, les steppes russes et une partie de la Sibérie jusqu’à la mer Baltique, le nord de l’Inde, la Mongolie, toute la Chine. À partir de 1260, il se divise en quatre régions, gérées par quatre dynasties issues des descendants directs de Genghis Khan.
[6] Le Danube est le deuxième fleuve d’Europe par sa longueur (après la Volga qui coule entièrement en Russie). Il prend sa source dans la Forêt-Noire en Allemagne lorsque deux cours d’eau, la Brigach et la Breg, se rencontrent à Donaueschingen où le fleuve prend le nom de Danube. La longueur du Danube dépend du point de départ considéré : 2 852 km pour la confluence de Donaueschingen mais 3 019 km à partir de la source de la Breg. Il coule vers l’est et baigne plusieurs capitales de l’Europe centrale, orientale et méridionale
[7] Belgrade est la capitale et la plus grande ville de Serbie. Belgrade est l’une des plus anciennes cités d’Europe, avec une histoire qui s’étend sur plus de 7 000 ans. Selon les historiens, on évalue la destruction de la ville entre 28 et 33 fois, sa position stratégique en Europe étant son bonheur et son malheur
[8] La Slavonie est une vaste plaine agricole de Croatie. Cette plaine est limitée au nord par la Drave, au sud par la Save et à l’est par le Danube. La capitale de la région est Osijek. Les autres villes de la plaine sont, entre autres, Slavonski Brod, Vinkovci, Vukovar, Pakrac et Djakovo. La Baranja (au nord d’Osijek), les vallées de la Save (Posavina), du Danube (Podunavlje) et de la Drave (Podravina) y sont traditionnellement rattachées.
[9] Bratislava est la principale ville et la capitale de la Slovaquie. Située dans le Sud-Ouest du pays, à proximité des frontières avec l’Autriche, la Hongrie et la Tchéquie d’une part et de la capitale autrichienne, Vienne, d’autre part. Traversée par le Danube. L’extrémité occidentale des Carpates se trouve sur le territoire de la ville (Malé Karpaty, « Petites Carpates »). Bratislava est le siège de la présidence, du parlement et du gouvernement slovaques, ainsi que de plusieurs universités, de nombreux musées, théâtres et autres institutions culturelles dont une célèbre philharmonie. Outre les Slovaques, la ville a aussi été habitée par d’autres communautés (Autrichiens, Hongrois, Juifs…)
[10] Les Přemyslides forment une dynastie princière puis royale qui a régné sur la Bohême et la Moravie du 9ème siècle/11ème siècle à 1306 et sur la Pologne de 1300 à 1306 ainsi que sur des duchés en Silésie jusqu’en 1521
[11] La bataille de Marchfeld eut lieu le 26 août 1278, entre les villages de Dürnkrut et Jedenspeigen, en Basse-Autriche et fut un évènement décisif pour l’histoire de l’Europe centrale pour les siècles à venir. Cet affrontement opposa les forces impériales, dirigées par Rodolphe de Habsbourg et son allié Ladislas IV de Hongrie, à celles du Royaume de Bohême, menée par le roi Ottokar II, et se termina par la victoire des premiers.
[12] Vienne est la capitale et la plus grande ville de l’Autriche ; elle est aussi l’un des neuf Länder (État fédéré) du pays. La ville est située dans l’est du pays et traversée par le Danube (Donau). Capitale du duché puis archiduché d’Autriche, elle fut de fait celle du monde germanique durant le règne de la maison de Habsbourg (devenue en 1745 la maison de Habsbourg-Lorraine) sur le Saint-Empire romain germaniquepuis présida la Confédération germanique de 1815 à 1866. Elle fut en même temps celle de l’empire d’Autriche de 1804 à 1867 puis de l’Autriche-Hongrie de 1867 à 1918.
[13] La Moravie est une région d’Europe centrale, ayant jadis englobé l’actuelle République tchèque et un large territoire autour, mais formant aujourd’hui la région historique orientale de la République tchèque. Ses villes principales sont Brno et Olomouc. Dans le premier tiers du 11ème siècle, la Moravie est rattachée à la Bohême. Elle prend le nom de margraviat de Moravie, en usage jusqu’au 20ème siècle, ou de duché de Méranie (adaptation de la prononciation allemande).
[14] Prague est la capitale et la plus grande ville de la République tchèque, en Bohême. Située au cœur de l’Europe centrale, à l’ouest du pays, la ville est édifiée sur les rives de la Vltava. Capitale historique du royaume de Bohême, berceau du peuple tchèque, Prague connaît son apogée au 14ème siècle sous le règne du roi de Bohême et empereur germanique Charles IV qui en fait la capitale de l’Empire. Elle est alors un centre culturel et religieux de première importance, où naissent les balbutiements de la réforme protestante lorsque Jan Hus prêche contre les abus de la hiérarchie catholique et le commerce des indulgences. Brièvement redevenue capitale impériale et culturelle au tournant des 16ème et 17ème siècles sous le règne de Rodolphe II, Prague perd progressivement en importance jusqu’à la Renaissance nationale tchèque au 19ème siècle puis la création de la Tchécoslovaquie au lendemain de la Première Guerre mondiale, en 1918, dont elle devient la capitale.
[15] Magnat (était la dénomination, ou plutôt le titre de courtoisie, donné aux membres de la grande noblesse en Pologne et Lituanie, en Hongrie, en Angleterre. Le titre est apparu dans le haut Moyen Âge. Un magnat était un grand propriétaire terrien, qui possédait des châteaux, des manoirs, des villes et des villages. Il avait aussi une grande influence sur les affaires du pays. Le titre était héréditaire. On peut le considérer comme l’équivalent de pair héréditaire. Il y avait en Pologne 200 à 300 familles de magnats (18ème siècle). Le magnat était un seigneur qui se distinguait de la petite noblesse (appelée szlachta en Pologne) par sa puissance économique et politique.
[16] La maison de Luxembourg est une branche cadette de la maison de Limbourg, issue du second mariage de Waléran III, duc de Limbourg avec Ermesinde 1ère, comtesse de Luxembourg.
[17] La maison de Habsbourg ou maison d’Autriche est une importante Maison souveraine d’Europe connue entre autres pour avoir fourni tous les empereurs du Saint Empire romain germanique entre 1452 et 1740, ainsi qu’une importante lignée de souverains d’Espagne et de l’empire d’Autriche, puis de la double monarchie austro-hongroise. La dynastie a pris le nom de « Maison de Habsbourg-Lorraine » depuis 1780.