Son œuvre majeure, “le Léviathan” [1], eut une influence considérable sur la philosophie politique moderne, par sa conceptualisation de l’état de nature et du contrat social, conceptualisation qui fonde les bases de la souveraineté.
Quoique souvent accusé de conservatisme excessif, ayant inspiré des auteurs comme Maistre et Schmitt, le Léviathan eut aussi une influence considérable sur l’émergence du libéralisme et de la pensée économique libérale du 20ème siècle, et sur l’étude des relations internationales et de son courant rationaliste dominant : le réalisme.
Thomas Hobbes raconte que sa mère accoucha avant terme sous le choc de la nouvelle de l’appareillage de l’Invincible Armada [2]. Son père était vicaire de Charlton [3] et de Westport [4]. Il fut forcé de quitter la ville, abandonnant ses 3 enfants aux soins d’un frère plus âgé, Francis.
Hobbes reçoit l’enseignement de l’église de Westport dès l’âge de 4 ans, et entre ensuite à l’école de Malmesbury [5], puis dans une école privée tenue par un jeune homme, Robert Latimer. Hobbes fait preuve d’une précocité intellectuelle remarquable : à l’âge de 6 ans, il apprend le latin et le grec, et, vers 14 ans, il traduit en latin “Médée”, d’Euripide. Il entre à l’Université d’Oxford [6] en 1603, à Magdalen Hall [7], où il prend la vie universitaire en aversion. Le principal de Magdalen est alors John Wilkinson, un puritain agressif, qui aura une certaine influence sur Hobbes.
À l’université, Hobbes semble avoir suivi son propre programme d’études. Après un rapide engagement dans la marine anglaise, il conclut ses études et obtient le degré de Bachelor of Arts [8] en 1608. Puis, il devient tuteur du fils aîné de William Cavendish , baron de Hardwick et futur comte de Devonshire. Il est chargé de voyager sur le continent avec son élève ; il parcourt ainsi la France, l’Italie, l’Allemagne en 1610, année de l’assassinat de Henri IV. De retour en Angleterre, il se met à l’étude des belles lettres, lisant et traduisant Thucydide, son historien préféré. Sa traduction parait en 1628, année où meurt son élève et ami.
Il devient peu après de nouveau travelling tutor [9] du fils du comte de Clifton Sir Gervase Clifton 1er baronnet et retourne sur le continent.
Il passe 18 mois à Paris, et se rend à Venise [10]. De retour en Angleterre en 1631, il se voit confier le jeune comte de Cavendish. C’est vers cette époque qu’il découvre Euclide et se prend de passion pour la géométrie. 3 ans plus tard, Hobbes et son élève visitent la France et l’Italie et restent 8 mois à Paris, jusqu’à l’automne 1637.
Il est alors mis en rapport avec le père Mersenne, qui lui ouvre les portes de la société savante de Paris et l’incite à publier ses ouvrages de psychologie et de physique.
À partir de 1640, l’Angleterre connaît une opposition de plus en plus violente entre le roi et le parlement. Hobbes prend parti pour le roi, il quitte Londres en 1640 pour Paris et y reste en exil pendant 11 ans. Vers 1642, il écrit un petit traité, Éléments de la loi naturelle et politique, en réaction aux événements qui troublent la vie politique, traitée écrit en anglais. Le livre n’est pas publié, mais des copies circulent et font connaître Hobbes.
Vers cette époque, René Descartes, alors en Hollande, charge Marin Mersenne de communiquer les Méditations sur la philosophie première pour recueillir des commentaires des meilleurs esprits. Mersenne, ayant fait la connaissance de Hobbes, s’adresse à lui, et Hobbes écrit les Troisièmes Objections, qui sont un témoignage précieux pour l’étude de sa philosophie première. Ses objections sont transmises anonymement à Descartes en janvier 1641. Après d’autres objections de Hobbes, contre la Dioptrique cette fois, transmises par lettres signées, Descartes finit par refuser d’avoir encore affaire à cet “Anglois”.
Après cet épisode, Hobbes reprend ses travaux et publie en 1642 De Cive [11], où il explique que la solution aux guerres civiles qui secouent l’Angleterre consiste à faire du pouvoir clérical une fonction du gouvernement. Il publiera une édition augmentée de cette œuvre en 1647, au moment où il termine son traité “De la nécessité et de la liberté”.
En 1647, alors qu’il prévoit de se retirer dans le midi de la France, il est nommé professeur de mathématiques du jeune prince de Galles [12] qui est réfugié en France. Il exerce ces fonctions jusqu’au départ du prince pour la Hollande, en 1648.
En 1650, sont éditées contre son gré et séparément, les deux parties des “Elements of law natural and politic” [13], et le“ De corpore politico”.
L’année suivante, il regagne enfin l’Angleterre et fait paraître à Londres sa grande œuvre : le Léviathan, qui provoque le scandale. Il est accusé d’athéisme et de déloyauté et rencontre de nombreux adversaires qui se liguent contre lui.
Pendant plus d’un quart de siècle, il y eut ainsi attaques, répliques, en physique avecRobert Boyle sur le vide, dans le domaine des mathématiques avec John Wallis sur l’arithmétique et l’infini, où il apparaît que Hobbes surestimait beaucoup ses découvertes.
Néanmoins, il ne renonce pas, et publie en 1655 le “De Corpore”, première partie des Éléments de Philosophie qui contiennent sa philosophie première, sa logique, sa physique et la très controversée démonstration de la quadrature du cercle.
En 1658 sort le “De homine”, troisième partie de sa trilogie, où l’optique occupe une certaine place, et il persiste dans la publication de ses découvertes mathématiques [14] qui sont réfutées par ses adversaires, en particulier par John Wallis. Il doit également se défendre contre les rumeurs selon lesquelles il aurait écrit le Léviathan pour gagner la faveur d’Oliver Cromwell.
Après le rappel de Charles II, Hobbes est accueilli à la cour et devient le familier du roi. Il reçoit une pension de cent livres. Mais cette fortune favorable n’est pas de longue durée. Dans l’entourage du roi, Hobbes compte de nombreux ennemis, et parmi eux des évêques qui entreprennent de réfuter le corrupteur de la morale.
Le 31 janvier 1667, quelques mois après le Grand incendie de Londres [15], une loi est votée à la Chambre des communes [16], permettant de prendre des mesures contre les athées et les sacrilèges ; il y est fait mention du Léviathan. La lenteur des procédures sauve Hobbes, qui prépare un plaidoyer, publié avec la traduction latine du Léviathan en 1668. Mais il a surtout de puissants protecteurs, et le roi le soutient à la condition qu’il ne publie plus de livres de politique ou de religion.
Il compose “Béhémoth” en 1670, puis un dialogue et une Histoire ecclésiastique, et, en 1672, une autobiographie en distiques latins. À partir de 1675, il passe ses derniers jours hors de Londres, chez ses amis de la famille Devonshire. En août 1679, il prépare encore une œuvre pour l’impression ; mais, en octobre, la paralysie l’en empêche, et le 4 décembre, il meurt à Hardwick [17].