Léon serait né en Thessalie [1] et serait apparenté à Jean le Grammairien, qui fut aussi réputé pour sa grande science. Il fit des études à Constantinople [2], où il apprit la grammaire et la prosodie [3], mais il ne peut trouver dans la capitale une école à même de satisfaire sa soif de connaissances.
Il se serait alors rendu sur l’île d’Andros [4] où un vieux moine érudit l’instruisit dans les domaines de la rhétorique [5], de la philosophie et de l’arithmétique. Mais toujours insatisfait, il alla de monastère en monastère pour y consulter les livres conservés dans les bibliothèques, et parfois il se retirait dans des lieux déserts, plongé dans ses méditations. Il acquit ainsi toutes les sciences.
De retour à Constantinople, il y ouvrit une école, installée dans une maison particulière, où il enseignait toutes les disciplines intellectuelles à des fils de riches familles qui se destinaient à des carrières de fonctionnaires. Il faut d’autre part remarquer que, s’il était le cousin de Jean le Grammairien, ce dernier, homme également très savant, était un proche des empereurs depuis l’accession au trône de Léon V l’Arménien en 813 ; dans les années 820, il était précepteur du prince héritier Théophile, et à l’avènement de celui-ci, en 829, devint syncellos [6] et collaborateur de l’empereur, chargé d’une mission diplomatique à Bagdad [7] vers 830. Son cousin Léon devait avoir ses entrées au palais.
Vers 840, Léon fut nommé métropolite [8] de Thessalonique [9] par Théophile et par Jean le Grammairien, qui était patriarche de Constantinople [10] depuis 837 environ. Il apparut ainsi comme un des hauts dignitaires du clergé iconoclaste [11], bien qu’on ne lui connaisse aucune prise de position dans ce domaine. On a conservé l’homélie qu’il composa pour la fête de l’Annonciation de 842, qui est plus un exercice d’érudition que de piété, et qui d’ailleurs parle d’images religieuses. Quoi qu’il en soit, il fut déposé en 843 en même temps que Jean le Grammairien, au moment du rétablissement du culte des images. Mais il n’était pas, et de loin, aussi compromis que Jean dans l’iconoclasme, et ne fut pas frappé de la même damnatio memoriae [12].
Après 843, à une date incertaine, le patrice [13], puis césar Bardas, frère de l’impératrice Théodora et oncle de l’empereur Michel III, créa dans le palais de la Magnaure [14] une école pour servir de cadre à l’enseignement de Léon et d’autres savants dont certains au moins étaient ses anciens disciples
On sait peu de choses du statut et du fonctionnement de cette école, notamment s’il s’agissait d’un mécénat purement privé de la part de Bardas ou d’une institution plus officielle. À la même époque, Photios 1er de Constantinople, neveu de Jean le Grammairien et d’une génération plus jeune que Léon, donnait un enseignement comparable dans sa demeure privée ; mais alors que Léon, comme Jean, semble avoir été surtout intéressé par les sciences mathématiques du quadrivium, Photios était davantage tourné vers le trivium, c’est-à-dire une culture philologique et rhétorique ayant trait à l’éthique humaine.
Cet enseignement très axé sur l’héritage scientifique de l’Antiquité païenne suscita des attaques de la part de milieux dévots.
Léon était toujours vivant en 869, année où il échappa aux effets d’un tremblement de terre qu’il avait prédit. On ne sait pas en quelle année il mourut. Il passa dans les générations suivantes pour l’homme le plus éminent de son temps en toute espèce de science. L’école de la Magnaure, qu’il avait dirigée, laissa aussi un grand souvenir. Sa légende se mêla quelque peu à celle de l’empereur Léon VI le Sage, et les deux personnages furent parfois confondus.
Léon est resté pour la postérité comme l’homme qui, dans les deux premiers tiers du 9ème siècle, a développé et remis à l’honneur à Byzance [15], notamment par une activité de recherche et de transcription des vieux manuscrits oubliés, les sciences mathématiques (arithmétique, géométrie), l’astronomie qui leur était liée, et d’autres sciences naturelles comme celles qui se rapportaient à la médecine. Avec le temps, il semble que son intérêt, qui, au début, se portait exclusivement sur les sciences du calcul et de la mesure, se soit élargi à des textes plus littéraires et humanistes, notamment à l’œuvre de Platon ; cette évolution s’est peut-être faite sous l’influence de son cadet Photios, qui devait avoir une vingtaine d’années de moins que lui, et dont les centres d’intérêt étaient nettement plus littéraires : nous avons conservé une épigramme de Léon où il rend hommage à Photios et se déclare son élève, en l’appelant professeur pour vieillards.