Manéthon le nomme Horus ou Armaîs selon les historiens qui nous ont transmis ses textes.
Originaire de Hout Nesout [1] en Moyenne Égypte [2], non loin d’Amarna [3] et d’Hermopolis Magna [4], Horemheb n’est pas d’origine royale. Il est probablement issu d’une famille noble du nome du “Faucon aux ailes déployées” ou est d’origine plus modeste.
Il appartient de manière sûre à la caste des militaires au moment où il apparaît dans les textes officiels qui témoignent de cette période de transition entre les deux grandes dynasties du Nouvel Empire.
Horemheb va avoir une ascension formidable à la cour royale d’un pays qui souffre des bouleversements induits par la réforme religieuse atonienne [5].
C’est notamment pendant le règne de Toutânkhamon que cette ascension se réalise. Devenu le premier homme de l’État après Pharaon, il accède au trône au moment où la dynastie des thoutmôsides s’éteint.
Son règne marque deux fins, celle de la XVIIIème dynastie et celle de la période amarnienne [6].
Il fait la transition entre deux périodes majeures du Nouvel Empire, et symbolise la prise du pouvoir royal par la classe des militaires du pays, devenue de plus en plus puissante dans une Égypte qui contrôlait alors un vaste empire et représentait l’une des principales puissances internationales de la région.
Les parents d’Horemheb restent à ce jour inconnus, faute de document éclairant précisément ses origines. Les inscriptions et sources qui précèdent le règne d’Horemheb ne sont pas prolixes concernant sa famille.
Le texte principal qui décrit de manière synthétique sa carrière avant son accession au trône d’Horus, est le texte du couronnement qui se trouve au verso du groupe statuaire représentant le roi en compagnie de la reine Moutnedjemet .
Dans ce texte officiel certains des titres du dignitaire qu’il était alors sont cités. Parmi ces derniers on trouve celui de chef des prophètes d’Horus de Hout Nésout, cité dont sa famille est originaire.
Il semble que la carrière d’Horemheb à la cour des derniers descendants de la famille régnante, ait débuté sous le règne d’Akhenaton et que son ascension ait été par la suite rapide.
Quoi qu’il en soit les sources contemporaines attestent qu’il était au début de sa carrière un scribe [7] royal. Cadre militaire et officier de l’armée du roi, son influence politique est déjà bien développée sous le règne de Toutânkhamon, dont il devient le conseiller et secrétaire particulier.
Il est ensuite nommé à la fonction prestigieuse de député du roi sur toute la terre, soit de porte-parole du roi en Égypte et dans toutes les terres étrangères, rôle apparenté à celui de ministre des affaires étrangères. Il est alors à la tête de l’armée, portant les titres de Supérieur des généraux du Seigneur des Deux-Terres et Généralissime, charges les plus élevées de l’administration militaire du pays.
En tant que tel, représentant le roi à l’extérieur des frontières de l’Égypte, il est engagé dans une confrontation assez importante avec les Hittites, qui se termina par une défaite à Amqa, non loin de Kadesh [8]. En Nubie [9] il conduit personnellement une mission diplomatique, son action aura pour résultat la visite officielle du prince de Miam* à la cour de Toutânkhamon. Cette visite officielle accompagnée de riches tributs est conduite par le vice-roi de Nubie, le fils royal de Koush [10] Houy, qui fera représenter la scène dans son tombeau de Thèbes [11].
Les reliefs contemporains de cette époque, montrent alors les défilés des prisonniers des régions reconquises. Ils sont amenés en captivité avec leurs biens et leurs familles à la cour du roi.
Outre ce rôle de premier ambassadeur du roi et de chef de l’administration militaire, il organise également des expéditions dans les carrières en tant que scribe des recrues et de supérieur des recrues du Maître des Deux-Terres. Ces expéditions demandaient une organisation rigoureuse et une main d’œuvre nombreuse que l’armée en temps de paix fournissait en grande partie, en plus de son rôle classique de sécurisation des longs cortèges qui se déplaçaient ainsi dans des contrées souvent inhospitalières et parfois fréquentées par des bandes de nomades. Ces derniers menaçaient sans cesse les routes et les mines. Or, pour les besoins du programme architectural de Toutânkhamon, il est certain qu’un grand nombre de matériaux de construction a été nécessaire. Partout en Égypte les temples, autrefois fermés sur ordre d’Akhenaton, nécessitaient d’être restaurés, un grand nombre d’entre eux ayant été détériorés par manque d’entretien.
Horemheb reçoit ensuite à Memphis [12] le titre de prince repâ [13] qui le place à la tête du gouvernement du pays devant les vizirs.
Ses principaux titres illustrent le haut degré de sa place auprès du roi. On retiendra notamment ceux de prince héréditaire de Haute et Basse Égypte et comte, compagnon unique du roi, le premier devant les courtisans du roi, flabellifère à la droite du roi, celui qui est choisi par le roi dans toute la Haute et Basse Égypte pour assurer le gouvernement des Deux Rives.
Il aide avec dynamisme à l’œuvre de réforme de Toutânkhamon. Plus proche confident du roi, il a certainement influencé sa politique intérieure dont l’acte principal est le retour à l’orthodoxie religieuse et l’abandon définitif de la capitale d’Akhenaton. La capitale royale est transférée à nouveau à Thèbes, tandis que la cour s’installe avec le souverain et sa reine à Memphis. Il entreprend la réorganisation totale du pays et y refait régner l’ordre en améliorant les conditions de vie du peuple, alors dans une très grande misère.
C’est pendant cette période qu’Horemheb se fait édifier à Saqqarah [14] un très grand et très somptueux monument funéraire qui retrace les grands évènements de sa carrière et illustre à grand renfort de détails le prestige du personnage qui devient rapidement l’homme providentiel qui saura préserver le pays des menaces externes et des troubles internes.
Des statues représentant Horemheb ainsi que sa première épouse Amenye y ont été retrouvées. L’une de ces statues, aujourd’hui exposée au British Museum, a récemment pu être identifiée grâce à la découverte sur place d’un morceau des mains enlacées des deux époux. Une autre a été retrouvée non loin de son emplacement d’origine au cours des mêmes fouilles.
Ce monument entièrement dédié à la gloire de l’officier du roi est un élément précieux pour les égyptologues pour connaître l’organisation de la cour royale et de l’armée égyptienne à la fin de la XVIIIème dynastie. À en juger par la qualité de l’édifice et de l’exécution de sa décoration, nul doute qu’Horemheb occupait alors auprès du souverain la place de favori.
À la mort du jeune roi, à la suite probablement de l’épisode de la trahison de la reine Ânkhésenamon qui aurait fait appel au souverain hittite pour qu’il lui donne un époux digne de son rang pour régner sur le pays, Horemheb, en tant que général en chef des armées du roi, est probablement chargé de repousser les Hittites qui violent la frontière ainsi que le traité de paix qui liait les deux empires depuis le règne d’Amenhotep III.
La couronne est alors ceinte par un autre ministre du roi, Aÿ , dont l’influence à la cour devait certainement être aussi étendue que celle d’Horemheb et représentait en tout cas une sérieuse concurrence. Il ne régnera que 4 années et c’est alors qu’Horemheb, évinçant le fils d’Aÿ, monte sur le trône d’Horus.
À la mort, sans doute prématurée, du jeune pharaon, c’est Aÿ qui succède au trône, dernier représentant d’une dynastie dont il n’est même pas le descendant. Ce faisant, il facilite sans doute l’arrivée sur le trône d’Horus d’Horemheb qui le ravit au fils d’Aÿ, Nakhtmin avec l’aide des prêtres d’Amon [15], pressés d’effacer les dernières traces d’une période néfaste pour le culte de leur dieu.
Entretemps, le général est occupé à maintenir les frontières orientales de l’empire. À la suite du décès de Toutânkhamon, mort sans descendance, des troubles éclatèrent pour choisir le nouveau roi.
Le roi Aÿ meurt et Horemheb manœuvre pour écarter du trône son fils Nakhtmin, qui disparaît sans laisser de traces.
Le sacre du nouveau pharaon se fait dans le temple d’Amon de Karnak [16]. Le texte de cet avènement déjà cité est donc parvenu jusqu’à nous, mettant en scène les dieux qui adoubent le général et le placent sur le trône.
La durée du règne d’Horemheb reste à ce jour discutée. En raison du peu de documents datés mis au jour jusqu’à présent cette appréciation varie dans les différentes études et analyses de la fin de la XVIIIème dynastie.
D’une manière générale, son règne est situé aux alentours de 1323 à 1295 av. jc, et la durée de son règne est estimée à 27 ans bien que certaines dates relevées sur des monuments ou des documents du règne suggèrent une durée bien plus élevée.
Quelle que soit la durée du règne, Horemheb apparaît néanmoins comme le restaurateur de l’ordre établi, tel que l’indique sa titulature royale. Il maintient le rôle absolu de pharaon se posant en digne héritier des plus grands souverains de la dynastie. Dans les échanges diplomatiques avec les principautés du Moyen-Orient, ses correspondants l’appellent Mon Soleil, titre déjà porté par Amenhotep III et qui traduit la volonté royale de donner à cet immense empire une unité de gouvernement et de foi.
Il reprend à son compte la politique de restauration initiée par Toutânkhamon et la développe au moyen de décrets qu’il fait figurer sur de grandes stèles érigées dans les principaux temples du pays. Il rend public le programme de son règne, notamment dans un édit figurant sur une stèle qui a été retrouvée au pied du Xème pylône du temple d’Amon-Rê de Karnak, stèle dite du rétablissement, vraisemblablement usurpée à Toutânkhamon. Pour défendre et protéger le peuple contre les vols, la corruption et le pouvoir des fonctionnaires, il instaure une série de mesures répressives avec des châtiments immédiats.
À Memphis, au cours de son règne survient la mort du dieu Apis [17], incarnation vivante du dieu Ptah . Poursuivant la tradition, il lui fait édifier un tombeau dans la nécropole de la cité. Les funérailles du dieu sont organisées en grande pompe et avec luxe, la momie du taureau étant accompagnée de quatre grands vases canopes en albâtre et de toute une collection d’ouchebti [18]. Bien que ce fait soit un acte officiel du règne, il n’est cependant pas daté.
Les cultes des anciens dieux sont rétablis et les temples à nouveau ouverts voire restaurés, reconstruits. Ces fondations cultuelles reçoivent de nouvelles terres et les phyles sont reconstituées. Par cette action, le roi desserre l’étau d’une centralisation trop renforcée sous les règnes précédents. Horemheb place alors de nouveaux hommes aux postes stratégiques des principales institutions et opère ainsi à une décentralisation des biens fonciers.
Il réorganise ainsi l’administration, les tribunaux, le Trésor, fixe de nouvelles taxes et confirme dans leur fonction le vizir de Haute Égypte, qui réside à Thèbes et celui de Basse Égypte, qui gouverne depuis Memphis.
À ces postes clefs du gouvernement du pays, le roi place des hommes de confiance issus, comme lui, de l’armée. Le plus célèbre d’entre eux, le vizir de Basse Égypte, Pa-Ramessou le futur Ramsès 1er , sera appelé plus tard à un brillant avenir, étant désigné à la fin du règne comme prince héréditaire tout comme Horemheb avant lui l’avait été sous le règne de Toutânkhamon. Le vizir de Haute Égypte pourrait quant à lui être le fils aîné de Pa-Ramessou, le général Séthi le futur Séthi Ier . Ces deux ministres représentent le roi et son autorité sur tout le territoire contenu dans les frontières classiques du pays.
Sous son règne, Thèbes redevient le centre de l’attention religieuse du pays, recouvrant peu à peu sa gloire éclipsée par l’expérience religieuse d’Akhenaton. L’ordre du roi d’en effacer les moindres traces est tout particulièrement suivi dans la grande cité du dieu Amon, comme l’attestent les innombrables blocs de pierres issus de cette démolition, les talatates [19], dont les architectes du roi se serviront comme matériau de remplissage des murs et pylônes des édifices royaux. Partout où l’histoire récente du pays comportait les cicatrices de cette période considérée comme néfaste, les architectes et artisans du roi interviennent sous la direction des proches mêmes du roi.
Cette politique efficace de gestion des ressources et de contrôle des biens et marchandises favorise le commerce et les richesses affluent à nouveau dans le pays, permettant de financer les grands projets du règne. De son activité de bâtisseur royal on trouve son intervention depuis le delta du Nil jusqu’en Nubie.
Sans fils légitime, il nomme comme successeur son homme de confiance le vizir et général en chef Pa-Ramassou.
Quoi qu’il en soit, le prince héréditaire et ami unique du roi sera couronné sous le nom de Ramsès 1er. Le pouvoir passe des pharaons civils aux pharaons militaires, c’est-à-dire issus du corps des généraux.
Au contraire de ses prédécesseurs immédiats, la mémoire d’Horemheb sera honorée pendant les débuts de la dynastie suivante.