Les Ismaéliens [1] forment eux-mêmes une branche chiite [2] de l’islam. Il est le fils d’ Ismaïl ben Jafar , héritier désigné de l’imam Jafar as-Sadiq, qui serait mort selon les diverses traditions vers 765.
À la mort en 765 de son grand-père, un conflit d’héritage opposa les partisans de Muhammad ibn Ismâ`îl, qui affirmaient que l’imamat se transférait de père en fils, à ceux du frère cadet de Ismâ’il ben Ja’far, Musa al-Kazim . Ces derniers forment la branche duodécimaine du chiisme [3].
La tradition ismaélienne semble préférer la date de 775 pour la mort de Ja’far, qui est donc la date admise de prise du pouvoir comme imâm ismaélien de Muhammad ben Ismâ`il.
Muhammad ben Ismâ`il a vécu 24 ans auprès de son grand-père Ja`far as-Sâdiq et encore 10 ans avec sa famille à Médine [4]. Pendant tout ce temps il se tint coi jusqu’au décès de son grand-père en 765, seuls quelques proches ayant connaissance de son identité réelle. Il était en effet recherché par le calife abbasside [5] Hârûn ar-Rashîd, adversaire du chiisme en général.
De Médine il envoyait ses missionnaires non seulement pour prêcher l’ismaélisme mais aussi pour rechercher un pays où il pourrait se mettre à l’abri de la menace abbasside. Lorsque le calife Hârûn ar-Rashîd eut des informations à son sujet, il envoya des émissaires pour l’arrêter. Muhammad ben Ismâ`il parvint à s’enfuir grâce un souterrain qu’il avait fait aménager à cet effet.
En 799, son oncle Mûsâ al-Kâzim, reconnu par les duodécimains comme leur imâm, est emprisonné à Bagdad par le calife Hârûn ar-Rashîd, puis empoisonné.
Durant sa fuite Muhammad ben Ismâ`il était accompagné d’un certain Maymûn al-Qaddah dit Maymûn le flamboyant, à moins que ce nom ne soit que le pseudonyme utilisé par Muhammad ben Ismâ`il dans ses déplacements. Dans les deux cas celui qui parlait au nom de Muhammad ben Ismâ`il se faisait appeler Maymûn al-Qaddâh.
En admettant l’hypothèse de deux personnages, Muhammad ben Ismâ`il aurait eu un fils appelé `Abd Allâh al-Wâfî en 828 et Maymûn al-Qaddâh aurait eu un fils appelé lui aussi `Abd Allâh. Si bien que les deux personnages se cachaient derrière leurs homonymes. Cette possible confusion, voire cet échange des rôles à servi aux Abbassides pour jeter le discrédit sur l’origine valide des califes fatimides [6] en 1010. Cette période de vie cachée a valu à Muhammad son surnom de al-Maktûm* [7].
En 805, le calife Rashîd donne l’ordre à Ishâq ben al-Abbas, gouverneur de Ray [8], d’arrêter Muhammad ben Ismâ`il et de le lui envoyer à Bagdad. Mais le gouverneur, pratiquant secrètement l’ismaélisme, n’obéit pas. Les espions du calife lui révélèrent que non seulement l’imam logeait chez al-Abbas mais que c’était de là que partaient les dâ`is [9].
Par ailleurs, le gouverneur du Khorasan [10], province orientale de la Perse, accablait ses sujets avec des impôts excessifs. Hârûn ar-Rashîd prit alors la décision de déposer ce gouverneur abusif, et du même coup d’arrêter les Ismaéliens. Lors d’une rencontre entre les deux, à Ray, le gouverneur du Khorasan revint en grâce à force de cadeaux, mais Ishâq ben al-Abbas, le gouverneur de Ray, fut arrêté et torturé à mort sans qu’il révélât quoi que ce soit.
Muhammad ben Ismâ il alla se réfugier chez un autre gouverneur, ami des Ismaéliens, dans la région d’Hamadân [11], où il eut une vie paisible. Surpris en prière à la mosquée par un agent des Abbassides, Muhammad ben Ismâ il dut s’enfuir plus au sud de la Perse au Khûzestân [12]. De là il s’enfuit à nouveau vers le Khorasan déguisé en marchand et il s’installa à Chapur dans la province du Fars [13].
Toujours poursuivi par les Abbassides, Muhammad ben Ismâ`il se réfugia finalement dans la vallée de Ferghana [14]. Il est mort en 813 et c’est son fils Abd Allâh al-Wâfî qui lui succéda