Fils de Pierre d’Argentré, l’un des hommes les plus instruits de son temps, sénéchal de Rennes [1], qui eut un rôle important dans les tractations qui ont conduit à l’édit d’Union de la Bretagne à la France en 1532.
Bertrand d’Argentré est également le petit-neveu de l’historien Pierre Le Baud, l’aumônier d’Anne de Bretagne, dont il se fait remettre les ouvrages et les notes diverses.
Il devient le sénéchal de Vitré [2] en 1541, puis celui de Rennes en 1547 à la suite de son père, avant de devenir président du présidial [3] de Rennes de 1552 à 1589.
En 1582, il doit abandonner le titre de sénéchal de Bretagne, et demeure seulement président du présidial. Il défend avec acharnement les prérogatives du présidial, et entre régulièrement en conflit de compétences avec d’autres juridictions (sénéchaussée) et surtout le Parlement à qui il reproche, avec son ami l’écrivain Noël du Fail, d’être composé pour moitié de membres non issus de la Bretagne, et ignorants des coutumes du pays.
En 1576 et 1584, il publie des Commentaires en latin et en français sur le texte de 1539 de la Coutume de Bretagne. La suite de ces commentaires, inachevés, est publiée par son fils Charles après sa mort. Muni d’une forte personnalité, il refuse les honneurs qui l’auraient conduit à délaisser la Bretagne, comme la place très convoitée de maître des requêtes du Palais [4] que lui propose Charles IX.
Il est l’un des principaux artisans de la Nouvelle coutume de Bretagne [5], solennellement publiée en 1580. Dans l’esprit, il défend l’originalité du droit provincial, et lutte contre l’influence des droits français et romain. Cette coutume est incomplète et discutée. Elle constitue néanmoins une base complétée par la jurisprudence au 17ème siècle.
Homme d’une grande culture, il possède une des plus riches bibliothèques du royaume, aux qualités intellectuelles indéniables, il fait de l’histoire une science rationnelle, fondée sur la confrontation critique des documents, en privilégiant l’écrit et la source proche des événements au récit légendaire.
Dès 1540 il réalise un ouvrage où il soutient que la Bretagne a toujours été indépendante, et qu’elle n’est devenue une province française qu’en 1491, sous conditions. Après la contestation par les États de Bretagne de nouveaux impôts par le roi de France en 1577, il rédige sur leur commande une Histoire de Bretagne de 1580 à 1582. Il développe cette idée d’une Bretagne bien antérieure à la monarchie française.
L’ouvrage est saisi sur ordre d’Henri III, pour “faits contre la dignité de nos rois, du royaume et du nom françois” . L’ouvrage est censuré et ne sort qu’en 1588. Cette version expurgée est rééditée en 1605, 1611, 1618 et 1668, mais le texte de 1582 entame une carrière clandestine et est longtemps vendu sous le manteau, et ceci avec la couverture officielle.
Pour contrer les travaux d’Argentré, Henri III charge Nicolas Vignier d’établir une réfutation, ce fut le “Traité de l’ancien état de la petite Bretagne et du droit de la couronne de France sur icelle” qui parut en 1619.
En 1589, à 69 ans, nouveau retraité, il s’engage en faveur du duc de Mercœur Philippe-Emmanuel de Lorraine , gouverneur de Bretagne, qui s’oppose au roi, et qui semble vouloir également rétablir la principauté bretonne, car il est l’époux de l’héritière des Penthièvre [6], qui pourrait, de ce fait, revendiquer la couronne de Bretagne.
Bertrand d’Argentré meurt l’année suivante. Son corps est ramené à Rennes pour y être inhumé dans l’église des cordeliers.