Il naît à Gour [1], dans le Fars [2]. Il se convertit à l’islam à l’âge adulte et meurt à 35 ans à Basra [3], exécuté sur l’ordre du calife Al-Mansour .
Ibn al-Muqaffa est considéré comme le père de la littérature d’adab [4] et de la prose arabe. Il est aussi l’un des premiers traducteurs d’œuvres persanes et indiennes vers l’arabe. Ses principaux ouvrages sont “le Grand Adab (Al-Adab al-kabîr)”, premier essai de formulation explicite du concept d’adab, et “Kalîla wa Dimna”, traduction et adaptation des Fables de Bidpaï, dont l’introduction expose certains des traits caractéristiques de l’adab.
D’origine persane, son nom persan est Rûzbeh. En se convertissant à l’islam, il prit le nom d’Abdallah et la kunya de Abû Muhammad. Il naquit dans une noble famille persane manichéenne de la ville de Gour. La famille suivit son père, Dâdhuweh, qui s’installa à Basra à une époque indéterminée. Les sources indiquent que Dâdhuweh ne se convertit jamais à l’islam, mais qu’en revanche il apprit rapidement l’arabe et qu’il devint l’un des clients des Banu l-Ahtam de la tribu de Tamim [5]. Il intégra alors l’administration responsable du kharâj [6] dans l’Irak à l’époque d’ al-Hajjaj .
Ibn al-Muqaffa grandit donc sous la protection des Banu l-Ahtam à Basra, à l’époque où la ville devenait avec Kufa [7] le centre culturel de l’empire musulman. Les sciences auxiliaires [8] avaient commencé de se différencier, et de nombreux maîtres s’étaient établis à Basra, ce qui explique l’excellence de la formation qu’il reçut.
Les sources indiquent en effet qu’il était cultivé en arabe et en persan, et qu’il était d’une grande éloquence dans les deux langues, à l’oral comme à l’écrit
Certaines sources indiquent qu’Ibn al-Muqaffa assista très tôt son père dans ses fonctions administratives. Il occupa son premier poste de kâtib [9] à l’âge de 20 ans environ, dans le Kerman [10]. Il s’occupa alors de la correspondance officielle de gouverneurs et d’officiers omeyyades, notamment Omar Ibn Hubayra puis son frère, Daoud Ibn Hubayra.
Après la révolution abbasside, Ibn al-Muqaffa devint le kâtib de l’oncle du calife al-Mansour, Aïssa Ibn Ali, gouverneur de Basra. C’est à cette époque qu’il se convertit à l’islam.
Les sources officielles prétendent qu’Ibn al-Muqaffa fut condamné à mort en 756 pour hérésie. Mais d’autres soulignent que sa fin prématurée eut surtout des causes à la fois personnelles et politiques.
Ibn al-Muqaffa aurait été chargé par ses patrons de rédiger le texte de la grâce que le calife al-Mansour avait accordée à son frère, Abdallah Ibn Ali, qui s’était révolté. Le secrétaire aurait accompli cette tâche avec tant de zèle et en formulant des engagements si lourds que le calife était obligé de s’y tenir. Celui-ci aurait alors décidé de se débarrasser de ce secrétaire encombrant, et il chargea de l’exécution le gouverneur de Basra, Sufyan Ibn Mu’awiya al-Muhallabi, qui avait lui-même des griefs personnels contre Ibn al-Muqaffa.
Cette version de la mort d’Ibn al-Muqaffa est certes plus crédible que la version officielle de son hérésie, car elle met en relation sa condamnation avec le contexte politique de l’époque. Cependant, l’histoire de l’exécution du secrétaire, fondateur de l’adab, pour avoir "trop bien écrit" une lettre officielle, comprend une dimension hagiographique évidente, et en raison de laquelle on ne cesse de s’interroger sur les circonstances exactes de sa mort.
Mort à 36 ans, Ibn al-Muqaffa laissa derrière lui de nombreuses œuvres originales et des traductions qui devinrent rapidement des classiques de la littérature d’adab, et furent intégrés à la formation de base des secrétaires. Une partie seulement de son œuvre nous est parvenue. Certains ouvrages nous sont connus par des citations dans des ouvrages postérieurs.