Ur-Nammu ou Ur Mamma
Roi d’Ur de 2112 à 2095 av. jc environ
La datation de son règne est très approximative. La Liste royale sumérienne lui attribue 18 années de règne.
Il est gouverneur d’Ur [1] pour le compte du roi d’Uruk [2] Utu-hegal , qui est sans doute son frère. Celui-ci est crédité par la tradition mésopotamienne comme le responsable de la libération de la Basse Mésopotamie de l’emprise des rois Gutis [3] qui s’étaient installés depuis qu’ils avaient renversé la dynastie d’Akkad [4].
En réalité, il semble que la période allant de la chute d’Akkad [5] à la constitution de la 3ème dynastie d’Ur [6] ait duré au mieux une cinquantaine d’années, pendant lesquelles plusieurs entités politiques se constituent à partir du démembrement progressif du royaume d’Akkad
Il apparaît qu’Ur-Nammu a réussi à dominer les villes principales du pays de Sumer, et aussi celle du pays d’Akkad situé plus au nord. Il s’est fait reconnaître roi de ces régions dans la ville sainte Nippur [7], où se trouve le grand sanctuaire du roi des dieux, Enlil .
Ses relations avec les rois de Lagash [8], bien connus par les sources retrouvées dans leur capitale Girsu, sont mal établies. On a longtemps pensé que le plus grand roi de cette cité, Gudea, avait régné bien avant lui, mais il est possible qu’il ait été son contemporain au moins au début, et ait été son allié voire vassal.
Lagash tombe en tout cas sous la coupe d’Ur-Nammu. Un grand fait militaire de ce roi est la défaite qu’il inflige aux Élamites [9] de Puzur-Inshushinak qui essayaient de s’étendre vers la Mésopotamie et avait sans doute dominé plusieurs villes de la région du Tigre [10].
Il perd apparemment la vie au cours d’un combat, c’est en tout cas ce que rapporte le texte intitulé La Mort d’Ur-Nammu. Son tombeau est peut-être dans le mausolée qui a été mis au jour à Ur juste au sud du sanctuaire du dieu Nanna.
Les victoires d’Ur-Nammu se sont accompagnées d’une remise en ordre de la Basse Mésopotamie après plusieurs décennies d’instabilité. Il a été un grand bâtisseur. On sait qu’il a patronné la restauration ou le creusement de plusieurs canaux d’irrigation si importants dans la Basse Mésopotamie où l’agriculture sèche est impossible.
À Ur, il fait construire une muraille. Ur-Nammu est surtout connu pour avoir restauré les grands sanctuaires du pays de Sumer, notamment Ur, Nippur, Uruk et Eridu [11]. C’est là qu’il fait ériger les ziggurats [12] associées aux temples, qui sont considérées comme les premières à avoir été bâties.
C’est dans le sanctuaire d’Ur qu’a été retrouvée une stèle fragmentaire le représentant en train de participer au culte du dieu de cette ville, Nanna dit Sin . Ces reconstructions accompagnaient donc une remise en ordre économique et cultuelle de la Basse Mésopotamie. Le même texte crédite ce roi d’une uniformisation des poids et mesures, et le Code en lui-même entre sans doute dans cette entreprise de réorganisation.
Ur-Nammu est donc selon toute vraisemblance à l’origine du plus ancien texte de lois connu, le Code d’Ur-Nammu [13], ancêtre du Code de Hammurabi [14]. Il est possible qu’il faille l’attribuer à son fils Shulgi , car le texte est fragmentaire et ne mentionne pas celui qui l’a fait rédiger.
Notes
[1] Ur (Our), actuellement Tell al-Muqayyar, est l’une des plus anciennes et des plus importantes villes de la Mésopotamie antique, dans l’actuel Irak. Elle était alors située sur une des branches de l’Euphrate et proche du Golfe Persique. Ur apparaît comme une des principales et des plus puissantes cités sumériennes du 3ème millénaire av. jc, comme l’illustrent les tombes royales et le riche mobilier funéraire qui y fut exhumé. Durant le 21ème siècle av. jc cette ville fut la capitale d’un puissant empire, dirigé par les rois de ce que la tradition mésopotamienne a retenu comme la troisième dynastie d’Ur. Ces derniers édifient des monuments remarquables dans le sanctuaire du grand dieu de la ville, le Dieu-Lune, appelé Nanna en sumérien et Sîn en akkadien. Elle reste une ville importante au début du 2ème millénaire av. jc comme l’attestent les nombreuses découvertes de constructions et de tablettes cunéiformes effectuées pour cette période par les équipes archéologiques, qui explorèrent ses ruines entre 1922 et 1934. Ur demeure une cité assez importante en dépit d’un déclin marqué durant le 1er millénaire av. jc, avant son abandon vers le 3ème siècle av. jc. Dans la Bible, Ur des Chaldéens est présentée comme la ville d’origine du patriarche Abraham.
[2] Uruk ou Ourouk est une ville de l’ancienne Mésopotamie, dans le sud de l’Irak. Le site est aujourd’hui appelé Warka, terme dérivé de son nom antique, qui vient de l’akkadien, et qui a aussi donné l’hébreu Erekh dans la Bible. Le site d’Uruk fut occupé à partir de la période d’Obeïd (vers 5000 av. jc), et ce jusqu’au 3ème siècle de notre ère. Cette ville joua un rôle très important sur les plans religieux et politiques pendant quatre millénaires. Uruk est l’une des agglomérations majeures de la civilisation mésopotamienne. Elle passe pour être la plus ancienne agglomération à avoir atteint le stade urbain dans la seconde moitié du 4ème millénaire av. jc, pendant la période à laquelle elle a donné son nom (période d’Uruk), et c’est vraisemblablement là que l’écriture a été mise au point au même moment.
[3] Les Gutis ou Goutis, Qutis ou Goutéens, terme issu de l’ancien akkadien qutium ou gutium, était un peuple et une région des monts Zagros, dans le voisinage de la Mésopotamie à la fin du 3ème millénaire av. jc et durant les siècles suivants. Leur origine et leur culture sont inconnues. Devenu un terme générique pour désigner les populations montagnardes de certaines régions du Zagros, « Gutis » a servi à désigner au 1er millénaire av. jc dans les documents babyloniens et assyriens plusieurs peuples sans rapport avec les Gutis originels. Cela est dû en grande partie au fait que les Gutis sont devenus dans la littérature mésopotamienne une figure exemplaire du « barbare ».
[4] L’empire d’Akkad (ou empire d’Agadé, ou encore Empire akkadien) est un État fondé par Sargon d’Akkad qui domina la Mésopotamie de la fin du 24ème au début du 22ème siècle av. jc selon la chronologie la plus couramment retenue, même s’il est possible qu’il se soit épanoui environ un siècle plus tard, les datations étant incertaines pour une période aussi lointaine.
[5] Akkad ou Agade est une ville antique de Basse Mésopotamie, ancienne capitale de l’Empire d’Akkad, fondé par Sargon l’Ancien. Elle n’a toujours pas été retrouvée, et sa situation exacte demeure donc inconnue. On la situe soit dans les environs de Kish, ou bien plus au nord, jusque dans la région de Bagdad (peut-être même à l’emplacement de l’actuelle capitale de l’Irak), ou la basse vallée de la Diyala. Le seul moyen de connaître certains de ses aspects est le recours aux textes anciens. La ville n’est mentionnée dans aucune source avant que Sargon d’Akkad n’en fasse la capitale de son Empire au 24ème siècle av. jc, il est donc vraisemblable qu’il ait fondé la ville
[6] La 3ème dynastie d’Ur est, comme son nom l’indique, la troisième dynastie de la ville sumérienne d’Ur, selon la tradition historiographique mésopotamienne. Mais il s’agit surtout d’un empire fondé par les souverains de cette dynastie, qui domina la Mésopotamie d’environ de 2112 à 2004 av. jc. Elle est fondée par Ur-Namma, qui parvient à réunifier la Mésopotamie méridionale quelques décennies après la chute de l’empire d’Akkad. Puis son royaume s’étend en direction du Nord et de l’Est. Son fils et successeur Shulgi tient alors fermement le cœur de l’empire, une région agricole et urbaine très prospère, où est mise en place une administration économique très poussée, reposant sur les domaines des temples contrôlés par le pouvoir royal. Les successeurs de Shulgi parviennent à maintenir l’empire pendant un quart de siècle, puis il se désagrège progressivement sous l’action conjuguée d’incursions de populations Amorrites venues du Nord et de forces internes qui restituent leur autonomie à plusieurs villes et régions importantes. Le royaume d’Ur est détruit vers 2004 av. jc par des troupes venues d’Élam.
[7] Nippur est une ville de la Mésopotamie antique (Irak actuel). C’est le lieu de culte principal du grand dieu sumérien Enlil, considéré comme le seigneur du cosmos, donc un des principaux centres religieux du pays de Sumer et d’Akkad dans la Haute Antiquité. Ce site a été peuplé au moins à partir du 5ème millénaire, et jusqu’au début du 2ème millénaire de notre ère. Nippur était située de part et d’autre du Shatt en-Nil, un des anciens bras de l’Euphrate, entre le lit actuel de cette rivière et le Tigre, à environ 160 km au sud-est de Bagdad.
[8] Lagash est une ancienne ville du pays de Sumer, en Basse Mésopotamie (au sud de l’Irak actuel), et un royaume dont elle était au moins à l’origine la capitale. Cette ancienne cité État comprenait, en plus de la ville éponyme située sur le site actuel d’Al-Hiba, Girsu (le site actuel de Tello), ville sainte où se trouve le sanctuaire de la divinité tutélaire du royaume, Ningirsu, et d’où proviennent la plupart des découvertes archéologiques et épigraphiques qui permettent de connaître l’histoire du royaume de Lagash.
[9] ]L’Élam est un ancien pays occupant la partie sud-ouest du plateau Iranien, autour des actuelles provinces du Khuzistan et du Fars, qui correspondent à ses deux principales régions, celle de Suse et celle d’Anshan/Anzan. L’histoire de l’Élam est difficilement dissociable de celle de la Mésopotamie voisine, qui exerça une forte influence sur cette région. C’est au plus tard en 539av.jc que l’on doit considérer que les dernières principautés élamites sont elles aussi intégrées dans l’empire perse.
[10] Le Tigre est un fleuve de Mésopotamie long de 1 900 km. Ce fleuve prend sa source en Turquie comme l’autre grand fleuve de la région l’Euphrate.
[11] Eridu est une ville antique de Basse Mésopotamie, actuellement située en Irak. Ses ruines se trouvent sur plusieurs tells dispersés sur un vaste espace, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest d’Ur, le site principal étant le tell Abu Shahrain
[12] Une ziggurat (ou ziggourat) est un édifice religieux mésopotamien à degrés, présent aussi en Élam, constitué de plusieurs terrasses supportant probablement un temple construit à son sommet. Le terme vient de l’akkadien ziqqurratu. On peut donc le traduire par la très haute. Il s’agit du monument le plus spectaculaire de la civilisation mésopotamienne, dont le souvenir a survécu bien après sa disparition grâce au récit biblique de la Tour de Babel, inspiré par la ziggurat de Babylone.
[13] Le Code d’Ur-Namma est la plus ancienne tablette contenant un code juridique qui nous soit parvenue. Elle fut rédigée en sumérien vers 2100-2050 av. jc, à l’époque de la troisième dynastie d’Ur. Bien que le préambule attribue directement les lois au souverain Ur-Namma de la cité d’Ur (2112-2095 av. Jjc), certains historiens estiment qu’il pourrait s’agir de l’œuvre de son fils Shulgi.
[14] Le Code de Hammurabi est un texte juridique babylonien daté d’environ 1750 av. jc, à ce jour le plus complet des codes de lois connus de la Mésopotamie antique. Il a été redécouvert en 1901-1902 à Suse en Iran, gravé sur une stèle de 2,25 mètres de haut comportant la quasi-totalité du texte en écriture cunéiforme et en langue akkadienne, exposée de nos jours au musée du Louvre à Paris. Il s’agit en fait d’une longue inscription royale, comportant un prologue et un épilogue glorifiant le souverain Hammurabi, qui a régné sur Babylone d’environ 1792 à 1750 av. jc, dont la majeure partie est constituée de décisions de justice.