Alienus Caecina ou Aulus Cæcina Alienus (vers 40-79)
Général romain
Il est connu pour avoir participé aux luttes de pouvoir pendant l’année des quatre empereurs [1] en 69 entre Vitellius et Othon.
Il est encore questeur [2] en Bétique [3], lorsque, rallié à Galba, ce dernier le place à la tête d’une des légions de Germanie supérieure [4], la Legio IV Macedonica. Le personnage est décrit par Tacite dans “les Histoires” : c’est un cerveau brûlé, il est avide de combattre, ambitieux mais aussi modeste.
Il est, avec Fabius Valens, l’un des deux généraux auxquels l’empereur Vitellius, désigné par les légions de Germanie, a confié les légions pour vaincre Othon en 69. Au départ de Germanie, il fond sur les Helvètes [5] qu’il massacre dans une manœuvre en tenaille. Il fait attaquer leurs arrières par les cavaliers rhétiques : plusieurs milliers d’Helvètes sont tués et plusieurs milliers sont vendus à l’encan. Il épargne Aventicum [6], leur capitale. Les Helvètes doivent leur salut à leur talentueux député Claudius Cossus. Cæcina reste quelques jours chez les Helvètes.
À la bataille de Bedriac [7], Cæcina arrive en avant-garde sur le Pô [8]. Il le passe et après avoir sondé la fidélité des armées othoniennes, mène le siège de Plaisance [9]. Mais il est repoussé avec d’importantes pertes et se retire pour éviter la honte. Il retraverse le Pô pour fondre sur Crémone [10] mais se désespère de l’affront fait à son armée. Il craint que la conséquence de cette déroute ne favorise son rival Fabius Valens. Après la victoire de Bedriac et le suicide d’Othon, il cherche la popularité au sein de ses troupes tandis que Fabius Valens tente de cacher le déshonneur de ses rapines.
Cæcina et Valens, de retour à Lugdunum [11] accueillent Vitellius. Ils sont à Bologne [12] peu de temps après et font donner des spectacles dans des amphithéâtres. Vitellius voit les jeux ordonnés par Cæcina et se fait conduire à Bedriac pour voir les lieux de la bataille. Cæcina et Fabius Valens l’accompagnent pour lui commenter les manœuvres.
Arrivés à Rome, Cæcina et Valens arrivent à influencer le choix de la tête de la garde prétorienne [13] et ne laissent à Vitellius aucune autorité. Mais Valens semble avoir plus de pouvoir que Cæcina car il l’avait tiré du danger à la bataille de Bedriac où Cæcina était arrivé en avant-garde et avait subi d’importants revers. Ils font donner tous deux des spectacles de combats de gladiateurs [14] pour célébrer l’anniversaire de l’empereur.
À la nouvelle de l’invasion de l’Italie par Antonius Primus qui soutient Vespasien déjà proclamé empereur, Vitellius envoie ses deux fidèles généraux Fabius Valens et Cæcina en campagne, mais les légions de Germanie sont fatiguées et ne feront pas le poids face aux légions de Mésie [15] et de Dalmatie [16].
Flavius Sabinus parvient à convaincre Cæcina de trahir Vitellius et soutenir Vespasien. Cæcina possède tout de même de nombreuses troupes et se range du côté de Vespasien. Il entraîne avec lui Lucilius Bassus , commandant des forces navales d’Adriatique et de Méditerranée, frustré de ne pas avoir reçu de promotion.
Titus, fils de Vespasien et futur empereur, intimement lié à la politique de son père, met en place des services secrets pour supprimer les individus dont il soupçonne l’ambition. Ces services deviennent spécialistes des campagnes d’intoxications visant à discréditer des individus dont l’assassinat devient alors légitime aux yeux des Romains. Cæcina reste un homme dangereux aux yeux de Titus qui l’invite à dîner chez lui. Alors que Cæcina sort de la salle à manger, il se fait percer de coups et succombe.
Notes
[1] L’Année des quatre empereurs (ou des trois empereurs) désigne la période de juin 68 à décembre 69 voyant se succéder à la tête de l’Empire romain pas moins de trois empereurs, avant que le pouvoir n’échoie à Vespasien. Première guerre civile depuis le règne d’Auguste, elle débute dans les derniers mois du règne de Néron avec la révolte de Caius Julius Vindex dans la province de Gaule lyonnaise, premier acte de la Révolte de 69-70. Si le terme Année des quatre empereurs renvoie à une période historique légèrement plus large, on notera tout de même que, dans les faits, il y eut quatre empereurs en 69.
[2] Dans la Rome antique, les questeurs sont des magistrats romains annuels comptables des finances, responsables du règlement des dépenses et de l’encaissement des recettes publiques. Ils sont les gardiens du Trésor public, chargés des finances de l’armée et des provinces, en relation avec les consuls, les promagistrats et les publicains. Maintenue sous le Haut Empire avec son rôle comptable, cette fonction se réduit sous le Bas-Empire à une magistrature honorifique et coûteuse exercée uniquement à Rome.
[3] La province romaine de Bétique couvre le sud de l’Espagne, et correspond à peu près à l’actuelle Andalousie. Elle est issue de l’ancienne Hispanie ultérieure, et tire son nom du Baetis, nom latin du fleuve Guadalquivir. C’est une province sénatoriale administrée par un ancien préteur, dont la capitale est Corduba(Cordoue)
[4] La Germanie supérieure, Germanie première ou Haute Germanie selon les auteurs et en latin Germania superior ou Germania prima est une province romaine établie en 84 par Domitien après les deux campagnes victorieuses autour de la haute vallée du Rhin, de la Nahe au lac de Constance, une grande partie de la Suisse, le Jura, la Franche-Comté et une partie de la Bourgogne. À l’est du Rhin se trouvaient les Champs Décumates, qui ne seront conquis que sous Domitien. Auparavant, la frontière entre res publica et barbaricum se situait sur le Rhin et le Danube.
[5] Les Helvètes sont un ensemble de peuples celtiques de l’extrémité orientale de la Gaule originellement établis en Wurtemberg d’où ils ont émigré vers le plateau suisse lors de la mise en mouvement des Suèves vers le sud-ouest de la Germanie au début du 1er siècle av. jc. La confédération helvète semble avoir été constituée de 4 ou 5 pagi, dont les Verbigènes et Tigurins. Vraisemblablement à la suite d’une forte pression démographique en Rhétie résultant de la poussée des Suèves dans le sud-ouest de la Germanie, Helvètes, Latobices, Tulinges, Rauraques et Boïens tentent de migrer vers l’ouest de la Gaule transalpine en 58 av.jc. Repoussés au-delà du massif du Jura par Jules César, ils formeront l’Helvétie avec leurs compagnons d’infortune, exceptés les Boïens installés entre les territoires éduen, arverne et biturige, etc.
[6] Avenches
[7] Bataille de Bedriacum ou bataille de Crémone est le nom de deux batailles livrées en 69, l’année dite « Année des quatre empereurs », pour déterminer le successeur de l’empereur romain Néron. Elles ont lieu à Bedriacum (Bedriaco en italien) près de Crémone (Italie). La première bataille de Bedriacum eut lieu le 14 avril 69 à Bedriacum, près de Crémone, entre l’armée de Othon et celle de Vitellius, deux prétendants au trône de l’Empire romain après la mort de Néron et Galba.
[8] Le Pô est le plus important fleuve italien tant par sa longueur, 652 kilomètres, par son débit maximum, 10 000 m3/s à Pontelagoscuro, une localité sur le territoire de la commune de Ferrare, que par son bassin hydrographique qui couvre 71 057 km2, soit le quart du territoire national de l’Italie. Le bassin du Pô s’étend aussi en partie en Suisse et (dans une moindre mesure) en France.
[9] Plaisance est une ville italienne, chef-lieu de la province de Plaisance, située sur la rive droite du Pô, en Emilie Romagne (plaine du Pô). À Plaisance en 456, Ricimer, commandant des forces armées romaines, renversa l’empereur Avitus. Il épargna Avitus et lui permit de devenir évêque de Plaisance. En 1095, elle est le siège du concile de Plaisance, à l’origine de la première croisade. Au Moyen Âge, Plaisance fait partie du Saint Empire romain germanique et adhère à la Ligue lombarde. Cédée à la Papauté à l’issue des guerres d’Italie, elle fut unie à Parme en 1545 au sein du duché de Parme et Plaisance, sous la domination de la famille Farnese, puis passa aux Bourbons en 1732.
[10] Ville de la Lombardie, dans le nord de l’Italie. En 603, Crémone, bastion byzantin, fut conquise par les Lombards qui démembrèrent le territoire. La cité dirigée par l’évêque ne devient pas siège du duché et même après la conquête carolingienne, l’évêque-comte maintiendra et amplifiera son contrôle sur la cité et sur le comté. Entre le 10ème et le 11ème siècle, la cité accroît son pouvoir, grâce à d’importantes concessions accordées par les évêques recteurs de la cité. Entre autres se distinguent Liutprand, qui fut appelé à la cour impériale de Saxe, et Olderico, qui réussit à obtenir, de Othon III, d’importants privilèges pour la cité. Ce furent les évêques Lamberto et Ubaldo qui créèrent des tensions avec la population de Crémone pour la gestion des propriétés du monastère de San Lorenzo, avec la médiation de l’empereur Corrado II du Saint-Empire qui en 1037, donna asile au pape Benoît IX.
[11] Lyon
[12] Bologne est une ville italienne située dans le nord-est du pays, entre le Pô et les Apennins. C’est le chef-lieu de la région d’Émilie-Romagne (plaine du Pô) et de la province de même nom et l’une des principales villes d’Italie. Elle est considérée comme le siège de la plus ancienne université du monde occidental puisqu’elle a été fondée en 1088. Plus de 900 ans après sa fondation, l’université est encore aujourd’hui le cœur de la ville
[13] Dans l’Antiquité romaine, la garde prétorienne était une unité de l’armée romaine constituée de soldats d’élite initialement recrutés en Italie. Ces unités tirent leur origine du petit groupe d’hommes dont s’entouraient les magistrats républicains connus sous le nom de préteurs et leur nom du camp des légions romaines où était dressée la tente du commandant de la légion, le prétoire, quand ils partaient en campagne. C’est l’une des unités militaires les plus célèbres de l’histoire romaine.
[14] Les gladiateurs (du latin gladiatores, de gladius, glaive, signifiant « combattants à l’épée », ou « épéistes ») sont des combattants qui s’affrontent généralement par paires bien définies, chacun des deux adversaires appartenant à une catégorie appelée armatura, dotée d’armes, d’une panoplie et de techniques de combat spécifiques. Il s’agit de combats d’hommes athlétiques, plus rarement de femmes (les gladiatrices) et exceptionnellement de nains ou d’enfants.
[15] La Mésie est une ancienne région géographique et historique située au sud du cours inférieur du Danube, dans les actuelles Serbie, Bulgarie (nord) et Roumanie (extrémité sud-est).
[16] La Dalmatie est une région littorale de la Croatie, le long de la mer Adriatique, qui va de l’île de Pag, au nord-ouest, à Dubrovnik et la baie de Kotor au Monténégro au sud-est.