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Torquato Tasso dit Le Tasse

dimanche 9 juillet 2023, par ljallamion

Torquato Tasso dit Le Tasse (1544-1595)

Poète italien

Né à Rome et passé à la postérité pour son épopée, La Gerusalemme liberata [1], où il dépeint une version très romancée des combats qui opposèrent les chrétiens aux musulmans à la fin de la Première Croisade [2], au cours du siège de Jérusalem [3].

Souffrant, depuis ses 30 ans de maladie mentale, il mourut alors que le pape allait le couronner roi des poètes. Jusqu’au début du 19ème siècle, Le Tasse fut l’un des poètes les plus lus en Europe : Jean-Jacques Rousseau fut un de ses admirateurs.

Né à Sorrente [4], il était le fils d’un aristocrate de Bergame [5], Bernardo Tasso , poète lyrique et épique d’un certain renom, longtemps secrétaire au service du dernier prince de Salerne [6], Ferrante Sanseverino . Sa mère, Porzia de Rossi, était une aristocrate de Toscane [7] étroitement liée aux plus illustres familles napolitaines. Lorsque le prince de Salerne, en conflit ouvert avec le gouverneur espagnol de Naples [8], fut mis au ban et dépouillé de ses terres, Bernardo Tasso suivit son maître en exil.

En 1552 il vivait à Naples avec sa mère et son unique sœur Cornelia, suivant les leçons des Jésuites [9], qui venaient d’établir un collège en cette ville. La précocité de l’enfant et sa ferveur religieuse firent l’admiration unanime des pères : à seulement 8 ans, il était déjà célèbre.

Il partit vivre avec son père qui vivotait dans la plus grande pauvreté à Rome. En 1556, tous deux apprirent par hasard que Porzia était morte à Naples dans des circonstances suspectes. Son mari était d’ailleurs convaincu qu’elle avait été empoisonnée par son frère, avide d’hériter de ses biens.

C’est en 1565 que Le Tasse fit son entrée à la cour de Ferrare [10], où il devait par la suite faire l’expérience de la plus grande gloire mais aussi de la misère morale la plus profonde.

Il semble que les années 1565-1570 furent les plus heureuses de sa vie, malgré le chagrin que la disparition d’un père, en 1569, déclencha chez cette âme infiniment sensible. Jeune homme élégant, rompu à tous les exercices qui font la distinction d’un gentilhomme, familier des beaux esprits, déjà célèbre pour ses œuvres versifiées et en prose, il s’imposa comme l’idole de la cour la plus brillante d’Italie.

Il dédia les deux premiers recueils de ses 500 odes à deux dames de la cour, Lucrezia Bendidio et Laura Peverara ou Peperara , qui excellaient au chant. Les princesses Lucrèce d’Este et Éléonore d’Este, toutes deux célibataires et ses aînées d’une dizaine d’années, le prirent sous leur protection et l’admirent dans le cercle de leurs intimes : il fut toute sa vie redevable de la tendresse indéfectible des deux sœurs envers lui.

Il accompagna le cardinal d’Este à Paris en 1570. Mais sa franchise un peu brutale, conjuguée à un manque de tact caractéristique lui perdirent la faveur de son mécène. Il quitta la France l’année suivante, pour entrer au service du duc Alphonse II de Ferrare. Les quatre années suivantes furent marquées par la publication d’Aminta en 1573. Sa parution coïncide avec le moment où, sous l’impulsion de Palestrina, la musique commença à s’imposer comme le premier des arts en Italie.

Le Tasse, dépassé par ses écrits de jeunesse, en proie à l’excitation de la vie de cour et à un travail littéraire surhumain, s’effondra alors devant l’accumulation des difficultés : sa santé devint chancelante. Il se plaignait de maux de tête, souffrait de surcroît de fièvres malariennes, et cherchait à s’éloigner de Ferrare.

Au cours de ces années 1575/1577, la santé du Tasse continuait de se détériorer, et la jalousie poussait les autres courtisans à se moquer de lui et à intriguer à ses dépens. Son caractère orgueilleux, susceptible et irritable, et sa pusillanimité en faisaient une proie facile à la malveillance. Tout au long des années 1570, il se développa chez le Tasse une manie de persécution qui fit de lui le type du poète maudit, solitaire et à demi-fou.

À l’automne 1576, le Tasse s’en prit à un gentilhomme de Ferrare, Maddalo, qui avait évoqué un peu légèrement son homosexualité ; la même année, il reprocha à son amant Luca Scalabrino son amour pour un jeune homme de 21 ans, Orazio Ariosto ; un jour de l’été 1577, il menaça d’un poignard un domestique sous les yeux de la duchesse d’Urbino, Lucrezia d’Este. Il fut arrêté, puis le duc le libéra, et l’emmena avec lui dans sa villa.

À l’été 1578 il s’enfuit à nouveau : il gagna Mantoue [11], puis Padoue [12], Venise [13], Urbino [14], et traversa toute la Lombardie [15]. Au mois de septembre il avait rallié Turin [16] à pied, et fut reçu courtoisement par le duc Emmanuel-Philibert de Savoie. Vagabond rejeté de toutes parts, il recevait pourtant où qu’il aille les honneurs dus à sa réputation. Les princes étaient heureux de lui ouvrir leurs portes, à la fois par compassion et par admiration pour son génie. Mais assez vite, il lassait ses hôtes et épuisait leur patience par ses soupçons et ses accès de colère. Enfin, il ne pouvait vivre longtemps loin de Ferrare : n’y tenant plus, il écrivit de nouveau au duc d’Este, et retrouvait le château en février 1579.

Le Tasse arriva à Ferrare la veille des noces du duc. Alphonse, en effet, était sur le point de se marier pour la 3ème fois, cette fois avec une princesse de la Maison de Mantoue. Il n’avait toujours pas d’enfant, et à moins qu’il n’en ait un désormais, son duché tomberait selon toute probabilité aux mains du Saint Siège. Ce fut une cérémonie triste, le prince n’entreprenant cette union que par nécessité dynastique.

Le Tasse, qui ne pensait, comme toujours, qu’à ses propres soucis, n’eut aucun égard pour ceux de son protecteur. Il se plaignit qu’on lui avait attribué des logements au-dessous de sa condition. Sans faire aucun effort pour ménager les apparences aux yeux de ses vieux amis, il fit preuve d’un comportement indécent, et c’est sans cérémonie qu’on l’expédia à l’hospice Sainte-Anne : c’était au mois de mars 1579 ; il devait y demeurer jusqu’en juillet 1586. La patience du duc Alphonse était à bout : il était fermement convaincu que le poète était devenu fou, et jugeait que l’hospice Sainte-Anne était l’établissement le plus sûr pour lui

Cette réclusion fut sans doute un calvaire pour un homme amoureux des raffinements et des plaisirs comme l’était le Tasse. Pourtant au bout de quelques mois, il se voyait octroyer des appartements spacieux, il pouvait recevoir ses amis, sortir lorsqu’il était pris en charge par ses hôtes, et correspondre librement. C’est ainsi que Montaigne lui rendit visite en 1581

L’un des traits singuliers de la destinée du Tasse, c’est qu’alors que les atteintes de la maladie mentale, de la déchéance physique et de la perte d’inspiration semblaient devoir le condamner à l’oubli, la roue de la fortune parut tourner à son avantage. Le pape Clément VIII monté sur le trône en 1592, voulut organiser le triomphe du poète. Avec son neveu, le cardinal Aldobrandini de San Giorgio, il l’invita en 1594 à Rome pour qu’il y reçoive la couronne de lauriers sur le Capitole comme Pétrarque avant lui.

Épuisé par la maladie, Le Tasse n’arriva à Rome qu’au mois de novembre. La cérémonie de son couronnement dut être reportée à cause d’une maladie du cardinal Aldobrandini, mais le pape le gratifia cependant d’une pension ; en outre, sous la menace d’un blâme pontifical, le prince Avellino, héritier des oncles maternels du Tasse, dut consentir à verser une rente viagère au grand poète en dédommagement.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia Le Tasse/ Portail de la poésie/ Personnalité de la Renaissance

Notes

[1] autrefois traduite sous le titre La Jérusalem délivrée, aujourd’hui Jérusalem libérée en 1580

[2] La première croisade s’est déroulée de 1096 à 1099 à la suite, entre autres, du refus intervenu en 1078 des Turcs Seldjoukides de laisser libre le passage aux pèlerins chrétiens vers Jérusalem. Cette croisade s’achève par la prise de Jérusalem et la création du royaume chrétien de Jérusalem.

[3] Le siège de Jérusalem lors de la première croisade dura du 7 juin au 15 juillet 1099. La situation est alors singulière : partis pour libérer les lieux saints de la domination turque seldjoukide afin de pouvoir rétablir la route des pèlerinages, les croisés se retrouvent face à une ville reprise entre-temps par les Fatimides qui n’y avaient jamais fait obstacle. Point culminant de la première croisade, ce siège permit aux croisés de se saisir de Jérusalem, et de fonder le royaume de Jérusalem.

[4] Sorrente est une commune italienne de la province de Naples en Campanie.

[5] Bergame est une ville italienne, capitale de la province du même nom, située en Lombardie, région de la plaine du Pô, à environ 50 km au nord-est de Milan. Sous les Francs, Bergame est le siège d’un comté. Aux 10 et 11ème siècle, elle passe sous la tutelle de l’évêque. Au temps des cités-états, elle est déchirée entre les factions de l’aristocratie locale, ce qui suscite l’émergence des classes populaires. Cet affaiblissement favorise les ingérences extérieures : à partir de 1329, elle passe sous la tutelle des Visconti de Milan. En 1412, elle est assiégée par Facino Cane, puis, en 1419, par Carmagnola, qui finit par s’en emparer, pour le compte de Venise, en 1427. En 1797, Bonaparte la rattache à la République cisalpine, puis au Royaume d’Italie. Elle suit ensuite l’histoire de la Lombardie sous domination autrichienne

[6] Salerne, en italien Salerno, est une ville italienne de la province de Salerne en Campanie. Capitale de la principauté de Salerne de 861 à 1076, elle fut prise en 1077 par Robert Guiscard. Choisie par les Normands comme capitale de l’Italie du Sud au 11ème siècle, la ville fut le creuset du style « normand arabo-byzantin » Salerne accueillit la plus ancienne université de médecine d’Europe, la Schola Medica Salernitana, la plus importante source de savoir médical en Europe au début du Moyen Âge.

[7] La Toscane, dirigée d’abord par des margraves et des marquis aux 9ème et 10ème siècles, devint un ensemble de cité-États à statut républicain-oligarchique. Au 15ème siècle, avec Cosme de Médicis, elle est progressivement réunifiée dans une seule entité politique et passe entre les mains de la famille des Médicis, l’une des plus puissantes durant la Renaissance. Cette famille a gouverné la Toscane du 15ème au 18ème siècle.

[8] Naples est une ville d’Italie, chef-lieu de la région de Campanie. L’histoire de Naples s’étend sur plus de 28 siècles. Sous le nom de Parthénope, elle fut fondée durant l’Antiquité par la cité voisine de Cumes. Elle s’étend ensuite rapidement jusqu’à devenir un des principaux centres commerciaux, culturels, philosophiques et politiques de la Grande-Grèce puis de l’Empire romain. Après avoir été brièvement dépendante de l’Empire byzantin, elle devient autonome au sein du duché de Naples. Dès le 13ème siècle et pour ensuite plus de 600 ans, elle devient successivement la capitale du royaume de Naples puis du royaume des Deux-Siciles. Elle reste alors un des principaux centres de développement économiques et technologiques d’Europe jusqu’à son annexion au royaume d’Italie en 1860, date à laquelle elle entame un relatif déclin socio-économique.

[9] La Compagnie de Jésus est un ordre religieux catholique masculin dont les membres sont des clercs réguliers appelés « jésuites ». La Compagnie est fondée par Ignace de Loyola et les premiers compagnons en 1539 et approuvée en 1540 par le pape Paul III.

[10] Ferrare est une ville italienne de la province de Ferrare en Émilie-Romagne. Située dans le delta du Pô sur le bras nommé Pô de Volano, la cité actuelle remonte au 14ème siècle, alors qu’elle était gouvernée par la famille d’Este. Sans héritier mâle, en 1597 Ferrare fut déclarée fief vacant par le pape Clément VIII. Par la Dévolution de 1598, la ville et son territoire, abandonnés par les Este passent sous le contrôle politique et administratif direct du Saint-Siège jusqu’à son intégration dans le Royaume de Sardaigne en 1859.

[11] Mantoue est une ville italienne, chef-lieu de la province du même nom en Lombardie, région de la plaine du Pô. Gouvernées par la maison de Gonzague, Mantoue et Sabbioneta sont liées par une même histoire mais aussi par une tradition urbanistique, architecturale et artistique commune fondée sur les principes de la Renaissance italienne.

[12] Padoue est une ville italienne de la région de la Vénétie, située au nord de la péninsule dans la plaine du Pô, à 40 kilomètres de Venise, sur la rivière Bacchiglione. À partir de 1405 la ville fut sous la domination vénitienne. Durant une brève période, pendant la guerre de la Ligue de Cambrai en 1509, la ville changea de mains. Le 10 décembre 1508, les représentants de la papauté, de la France, du Saint Empire romain germanique et de Ferdinand II d’Aragon conclurent une alliance (la Ligue de Cambrai) contre la République. L’accord prévoyait le démembrement complet du territoire de Venise en Italie et son partage entre les signataires : l’empereur Maximilien 1er de Habsbourg devait recevoir Padoue, en plus de Vérone et d’autres territoires. En 1509, Padoue passa pendant quelques semaines sous le contrôle des partisans de l’Empire. Les troupes vénitiennes récupérèrent rapidement la ville qui fut défendue avec succès durant le siège de Padoue par les troupes impériales en 1509. Entre 1507 et 1544, Venise construisit à Padoue de nouveaux murs, agrémentés d’une série de portes monumentales.

[13] Venise est une ville portuaire du nord-est de l’Italie, sur les rives de la mer Adriatique. Elle s’étend sur un ensemble de 121 petites îles séparées par un réseau de canaux et reliées par 435 ponts. Située au large de la lagune vénète, entre les estuaires du Pô et du Piave, Venise est renommée pour cette particularité, ainsi que pour son architecture et son patrimoine culturel

[14] Urbino est une commune de la province de Pesaro et Urbino dans la région Marches en Italie centrale. Capitale des princes della Rovere, la ville s’imposa comme un centre militaire et scientifique majeur dans l’Italie de la Renaissance, avec des personnalités comme Piero della Francesca, Commandino, Bernardino Baldi ou Guidobaldo del Monte. Elle est également surnommée "l’Athènes de l’Italie". Capitale du duché d’Urbino, la ville connut son apogée sous le règne du duc Frédéric III de Montefeltro. La cour est brillante à la Renaissance : le peintre Piero della Francesca en était le fleuron. À l’extinction des princes della Rovere, le duché et sa capitale furent incorporés aux États pontificaux en 1631.

[15] La Lombardie est une région d’Italie septentrionale, située au sud de la Suisse, à l’est du Piémont, à l’ouest de la Vénétie et du Trentin-Haut-Adige et au nord de l’Émilie-Romagne. La ville de Milan en est le chef-lieu. La superficie est de 23 857 km2. Pendant et après la chute de l’Empire romain, l’Italie fut ravagée par des séries d’invasions tribales. La dernière et la plus marquante fut celle des Lombards, qui vinrent vers 570. Leur long règne donna à la région, dont Pavie était la capitale, son nom actuel, la Lombardie. Les noblesses franque, bavaroise et lombarde entretinrent des relations étroites pendant plusieurs siècles. Après des querelles initiales et la conversion des Lombards au christianisme, les relations entre les Lombards et les populations locales s’améliorèrent. Finalement, la langue et la culture des Lombards s’assimilèrent avec la culture latine, laissant des traces dans de nombreux mots de la langue italienne, des noms (notamment des toponymes), le code civil, des lois, etc. Le règne lombard prend fin en 774 lorsque le roi franc Charlemagne conquit Pavie et annexa le royaume d’Italie (principalement l’Italie du nord et centrale) à son empire

[16] Turin est une ville italienne, chef-lieu de la province du même nom et de la région du Piémont. Turin fut la capitale des États de Savoie de 1563 à 1720, du royaume de Piémont Sardaigne de 1720 à 1861 et du royaume d’Italie de 1861 à 1865.