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Moïse II d’Eghivard ou Movsès II Ełivardec‘i

samedi 6 avril 2024, par lucien jallamion

Moïse II d’Eghivard ou Movsès II Ełivardec‘i (mort en 604)

Catholicos de l’Église apostolique arménienne de 576 à 604

Emblème de l'Église apostolique arménienneMovsès est originaire d’Eghvard [1], dans le canton d’Aragatsotn [2] de la province historique arménienne d’Ayrarat [3]. Après la mort de Hovhannès II Gabeghian en 576, il devient catholicos d’Arménie [4].

Depuis 571, l’Arménie [5] est disputée entre l’Empire byzantin [6] et la Perse sassanide [7] ; en 591, l’empereur Maurice s’entend avec l’héritier sassanide Khosro II : moyennant l’appui byzantin pour la reconquête de son trône alors usurpé par le général Vahram Tchoben, les deux monarques projettent de diviser l’Arménie en une zone d’occupation byzantine et une zone d’occupation perse, délimitées par la Hrazdan [8] et l’Azat [9].

Après le succès de cette alliance, Maurice ordonne que les canons du concile de Chalcédoine [10] soient prêchés en Arménie byzantine et invite Movsès et les évêques arméniens à un synode arméno-grec à Constantinople [11] ; anti-chalcédonien, Movsès, dont le siège est en zone perse, à Dvin [12], lui aurait répondu, en référence aux différends relatifs aux rites arménien et grec : Je ne passerai pas l’Azat pour aller manger du pain cuit au four et boire de l’eau chaude.

En représailles, Maurice nomme un anti-catholicos pro-chalcédonien, Hovhannès de Bagaran , siégeant à Avan, causant ainsi un schisme au sein de l’Église arménienne qui dure jusqu’à la mort de ce dernier en 611, et dont une conséquence non négligeable est la reconnaissance par le métropolite [13] de Siounie [14] de la juridiction du catholicossat d’Albanie du Caucase [15].

Movsès meurt en 604, mais le synode réuni pour élire son successeur est divisé : pendant 3 ans, la fonction est assurée par un locum tenens [16], Vertanès le Grammairien  ; ce n’est qu’en 607 qu’un successeur est élu, en la personne du candidat du marzban [17] Smbat IV Bagratouni, Abraham 1er d’Aghbathank .

Movsès serait le commanditaire de la basilique de sa ville d’origine, Eghvard. C’est par ailleurs sous son catholicossat, en 584, que débute le calendrier arménien.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Patrick Donabédian et Jean-Michel Thierry, Les arts arméniens, Paris, Éditions Mazenod, 1987, 623 p. (ISBN 2-85088-017-5).

Notes

[1] Eghvard ou Yeghvard est une ville du marz de Kotayk, en Arménie. La ville comprend une église Sourp Astvatsatsin (« Sainte-Mère-de-Dieu ») construite entre 1321 et 1328 d’un plan particulier : il est composé d’un carré à abside, surmonté d’un oratoire cruciforme et couronné d’une rotonde à douze colonnes.

[2] L’Aragatsotn est un marz de l’Arménie situé à l’ouest du pays, dont la capitale est Achtarak. La région est bordée à l’ouest par la Turquie, au nord par le marz de Shirak, au nord-est par celui de Lorri, à l’est par celui de Kotayk, au sud-est par Erevan et enfin au sud par celui d’Armavir.

[3] L’Ayrarat ou Aïrarat est une ancienne province du royaume d’Arménie selon le géographe arménien du 7ème siècle Anania de Shirak. Il couvre des régions actuellement situées en Turquie et en Arménie, avec notamment les villes d’Artachat, d’Etchmiadzin et de Dvin.

[4] Le titre de catholicos est un titre équivalent à celui de patriarche porté par des dignitaires de plusieurs Églises orthodoxes orientales, notamment les Églises de la tradition nestorienne et les Églises monophysites, en particulier l’Église apostolique arménienne.

[5] L’Arménie perse désigne l’Arménie sous la domination perse, de 428 à 646 puis de 1639 à 1828. Cette partie de l’Arménie historique est divisée en 1747 entre khanat d’Erevan, khanat de Nakhitchevan et khanat du Karabagh. Elle disparaît définitivement avec le traité de Turkmanchai, qui l’annexe à la Russie.

[6] L’Empire byzantin ou Empire romain d’Orient désigne l’État apparu vers le 4ème siècle dans la partie orientale de l’Empire romain, au moment où celui-ci se divise progressivement en deux. L’Empire byzantin se caractérise par sa longévité. Il puise ses origines dans la fondation même de Rome, et la datation de ses débuts change selon les critères choisis par chaque historien. La fondation de Constantinople, sa capitale, par Constantin 1er en 330, autant que la division d’un Empire romain de plus en plus difficile à gouverner et qui devient définitive en 395, sont parfois citées. Quoi qu’il en soit, plus dynamique qu’un monde romain occidental brisé par les invasions barbares, l’Empire d’Orient s’affirme progressivement comme une construction politique originale. Indubitablement romain, cet Empire est aussi chrétien et de langue principalement grecque. À la frontière entre l’Orient et l’Occident, mêlant des éléments provenant directement de l’Antiquité avec des aspects innovants dans un Moyen Âge parfois décrit comme grec, il devient le siège d’une culture originale qui déborde bien au-delà de ses frontières, lesquelles sont constamment assaillies par des peuples nouveaux. Tenant d’un universalisme romain, il parvient à s’étendre sous Justinien (empereur de 527 à 565), retrouvant une partie des antiques frontières impériales, avant de connaître une profonde rétractation. C’est à partir du 7ème siècle que de profonds bouleversements frappent l’Empire byzantin. Contraint de s’adapter à un monde nouveau dans lequel son autorité universelle est contestée, il rénove ses structures et parvient, au terme d’une crise iconoclaste, à connaître une nouvelle vague d’expansion qui atteint son apogée sous Basile II (qui règne de 976 à 1025). Les guerres civiles autant que l’apparition de nouvelles menaces forcent l’Empire à se transformer à nouveau sous l’impulsion des Comnènes avant d’être disloqué par la quatrième croisade lorsque les croisés s’emparent de Constantinople en 1204. S’il renaît en 1261, c’est sous une forme affaiblie qui ne peut résister aux envahisseurs ottomans et à la concurrence économique des républiques italiennes (Gênes et Venise). La chute de Constantinople en 1453 marque sa fin.

[7] Les Sassanides règnent sur le Grand Iran de 224 jusqu’à l’invasion musulmane des Arabes en 651. Cette période constitue un âge d’or pour la région, tant sur le plan artistique que politique et religieux. Avec l’Empire romano byzantin, cet empire a été l’une des grandes puissances en Asie occidentale pendant plus de quatre cents ans. Fondée par Ardashir (Ardéchir), qui met en déroute Artaban V, le dernier roi parthe (arsacide), elle prend fin lors de la défaite du dernier roi des rois (empereur) Yazdgard III. Ce dernier, après quatorze ans de lutte, ne parvient pas à enrayer la progression du califat arabe, le premier des empires islamiques. Le territoire de l’Empire sassanide englobe alors la totalité de l’Iran actuel, l’Irak, l’Arménie d’aujourd’hui ainsi que le Caucase sud (Transcaucasie), y compris le Daghestan du sud, l’Asie centrale du sud-ouest, l’Afghanistan occidental, des fragments de la Turquie (Anatolie) et de la Syrie d’aujourd’hui, une partie de la côte de la péninsule arabe, la région du golfe persique et des fragments du Pakistan occidental. Les Sassanides appelaient leur empire Eranshahr, « l’Empire iranien », ou Empire des Aryens.

[8] La Hrazdan est une rivière d’Arménie coulant vers le sud-ouest et se jetant dans l’Araxe, qui marque la frontière avec la Turquie. C’est donc aussi un sous-affluent du fleuve la Koura.

[9] L’Azat est une rivière d’Arménie et un affluent de l’Araxe donc un sous-affluent de la Koura. Prenant sa source dans le marz d’Ararat, dans le massif du Gegham, elle se dirige ensuite vers le sud-ouest avant de se jeter dans l’Araxe (rive gauche).

[10] Le concile de Chalcédoine est le quatrième concile œcuménique et a eu lieu du 8 octobre au 1er novembre 451 dans l’église Sainte-Euphémie de la ville éponyme, aujourd’hui Kadıköy, un quartier chic de la rive asiatique d’Istanbul. Convoqué par l’empereur byzantin Marcien et son épouse l’impératrice Pulchérie, à partir du 8 octobre 451, le concile réunit 343 évêques dont quatre seulement viennent d’Occident. Dans la continuité des conciles précédents, il s’intéresse à divers problèmes christologiques et condamne en particulier le monophysisme d’Eutychès sur la base de la lettre du pape Léon 1er intitulée Tome à Flavien (nom du patriarche de Constantinople, destinataire de la lettre du pape).

[11] Constantinople est l’appellation ancienne et historique de l’actuelle ville d’Istanbul en Turquie (du 11 mai 330 au 28 mars 1930). Son nom originel, Byzance, n’était plus en usage à l’époque de l’Empire, mais a été repris depuis le 16ème siècle par les historiens modernes.

[12] Dvin ou Dwin est une ancienne capitale de l’Arménie. Elle est située sur le territoire de l’actuelle communauté rurale de Dvin, dans le marz d’Ararat. La ville de Dvin est fondée au 4ème siècle par le roi d’Arménie Khosrov III Kotayk. La ville est située dans la région d’« Aïrarat », et plus précisément dans la province de Vastan Hayots. Khosrov III fait construire la citadelle et le palais royal sur une colline. Par la suite, la ville attire de nombreux habitants de la ville voisine d’Artachat qui vont donc habiter à Dvin. En 470, le Catholicossat est déplacé de Vagharchapat à Dvin. Elle devient officiellement capitale du pays, ou plutôt « centre administratif » sous les dominations perse et arabe. Elle est détruite en 893 à cause d’un tremblement de terre, mais elle est reconstruite au Moyen Âge et devient un lieu de commerce florissant.

[13] Métropolite est un titre religieux porté par certains évêques des Églises d’Orient. À l’origine, le métropolite est l’évêque d’une capitale de province (métropole) romaine investi de la charge de présidence des conciles ou synodes provinciaux. Dans l’Église d’Occident, on prit l’habitude de dire « métropolitain » pour désigner un archevêque assurant un rôle de coordination entre les évêques titulaires des sièges qui composent la province ecclésiastique. En Orient on utilise le terme de métropolite qui, au cours de l’histoire, est souvent synonyme d’archevêque.

[14] Le Syunik ou Siwnik ou encore Syunig ; en français Siounie ; autrefois également Zanguezour) est le marz le plus méridional d’Arménie, et le plus riche en minéraux. Sa capitale est la ville de Kapan. Il est bordé au nord-ouest par le marz de Vayots Dzor, au nord et à l’est par l’Azerbaïdjan (territoires contrôlés par le Haut-Karabagh), au sud par l’Iran, et à l’ouest par le Nakhitchevan (république autonome d’Azerbaïdjan). Son origine remonte à l’ancienne région historique de Siounie, existant depuis le 3ème siècle.

[15] L’Aghbanie ou Aghouanie ou Albanie du Caucase est un royaume antique couvrant le territoire actuel de la république d’Azerbaïdjan et le sud du Daguestan.

[16] Le terme locum tenens, ou son abréviation locum (littéralement « lieu-tenant » en latin, c’est-à-dire « personne tenant lieu de »), désigne une personne habilitée à exercer une fonction, en l’absence ou en l’attente d’un titulaire.

[17] Le marzpanat ou marzbanat est le système de gouvernement instauré par les Sassanides en Arménie, en vigueur de 428 à 646. À sa tête est installé un marzpan ou marzban (« gouverneur »).