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L’histoire pour le plaisir

Tigrane le Jeune

jeudi 23 novembre 2023, par lucien jallamion

Tigrane le Jeune (mort après 61 av. jc)

Prince de la dynastie artaxiade-Roi de Sophène en 65 av. jc

Fils révolté de Tigrane II d’Arménie, Tigrane est le troisième fils de Tigrane II d’Arménie et de son épouse favorite Cléopâtre du Pont , une fille de Mithridate VI, roi du Pont [1]

Impatient de régner, Tigrane le Jeune se révolte contre son père alors que ce dernier est en train de combattre les forces romaines en Cappadoce [2].

Lorsque Mithridate VI, vaincu, envoie une députation à Tigrane II afin qu’il accepte de lui accorder l’asile, le roi d’Arménie [3], estimant que la révolte de son fils a été appuyée en sous-main par son grand-père maternel, refuse et emprisonne les envoyés du roi du Pont.

Le jeune Tigrane constitue un parti avec quelques nobles qui ne supportaient plus l’autorité de son père et se réfugie auprès de son beau-père Phraatès III, roi de Parthie [4].

Comme ce dernier, du fait de ses accords avec Rome, hésite sur le parti à adopter, Tigrane le Jeune le convainc d’envahir l’Arménie. Les deux alliés s’avancent jusqu’à la capitale Artaxata [5] qu’il investissent.

Craignant que le siège ne se prolonge trop pour son armée inexpérimentée en ce domaine, Phraatès III laisse à son gendre une partie de ses troupes et retourne dans ses États. Livré à lui-même, Tigrane le Jeune est rapidement vaincu par son père.

Le jeune prétendant prend alors la fuite et rejoint son grand-père Mithridate VI. Ce dernier étant en grandes difficultés et ne pouvant lui apporter aucune aide, le jeune Tigrane se résout à rejoindre l’armée romaine commandée par Pompée et offre de lui servir de guide dans une expédition en Arménie contre son père.

En apprenant cette trahison, Tigrane II se décide à traiter avec les Romains ; il envoie à Pompée un ambassadeur et lui livre les envoyés de Mithridate VI qu’il détenait captifs. Toutefois, les intrigues de son fils ne permettent pas d’obtenir des conditions de paix acceptables.

Pompée et ses troupes, ayant franchi l’Araxe [6], avancent vers Artaxata. Tigrane II décide alors de rendre la ville et de venir lui-même négocier avec le Romain. Cette conduite et l’humilité avec laquelle il se présente inspirent le respect et la pitié à Pompée qui juge par contre sévèrement l’attitude de Tigrane le Jeune, assis à ses côtés, qui refuse de se lever devant son père et d’assister au dîner offert en son honneur.

Le lendemain, après avoir entendu le père et le fils, Pompée décide de laisser l’Arménie propre à Tigrane II et ne lui reprend que ses conquêtes extérieures dont une grande partie était déjà perdue : Syrie [7], Phénicie, Cappadoce, Commagène [8], Osroène [9], Mygodnie. Il lui enlève de plus la Sophène [10] qu’il donne comme royaume à Tigrane le Jeune, mais sans le trésor royal qui s’y trouvait à l’abri.

Par contre, Tigrane le Jeune, mécontent de cette décision, réclame la possession du trésor mais Pompée, qui avait des besoins financiers importants, refuse. Le jeune Tigrane décide de s’enfuir mais Pompée, prévenu à temps, le fait arrêter.

Il ordonne aux gardiens des trésors de les remettre au vieux roi. Enchanté d’entendre les Romains le saluer du titre de roi, Tigrane II promet à chaque soldat une demi mine d’argent, à chaque centurion dix mines et à chaque tribun militaire un talent.

Phraatès III demande alors à Pompée qu’il lui rende le jeune Tigrane et qu’il ne poursuive pas ses actions au-delà de l’Euphrate [11]. Chargé de chaînes, Tigrane le Jeune est privé de la Sophène qui est donnée par Pompée au roi client Ariobarzane 1er de Cappadoce.

Laissant à son lieutenant Afranius le soin de défendre l’Arménie contre les Parthes, Pompée reprend sa poursuite de Mithridate VI dans le Pont et chez les peuples voisins ; il doit soutenir de nouveaux combats notamment contre Orosès, roi d’Albanie du Caucase [12] qui habite au-delà du Cyrnus, et qui voulait complaire à Tigrane le fils, qui était son ami, et contre les Ibères [13].

Selon Appien, Tigrane le Jeune, qui essayait toujours d’exciter les Parthes contre Pompée, est emmené pour figurer dans son triomphe de 61 av. jc et ensuite mis à mort.

Selon Plutarque, le fils de Tigrane, sa femme et sa fille sont effectivement contraints de participer au triomphe de Pompée avec une des femmes du roi Tigrane II nommée Zosime.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Marie-Louise Chaumont, « Tigrane le Jeune, fils de Tigrane le Grand : Révolte contre son père et captivité à Rome », Revue des études arméniennes, vol. 28,‎ 2001-2002.

Notes

[1] Le Pont est un royaume antique situé sur la côte méridionale de la mer Noire. Aujourd’hui, cette région se trouve en Turquie. Le Pont tire son nom de la mer Noire, anciennement appelée Pont-Euxin par les Grecs.

[2] La Cappadoce est une région historique d’Asie Mineure située dans l’actuelle Turquie. Elle se situe à l’est de la Turquie centrale, autour de la ville de Nevşehir. La notion de « Cappadoce » est à la fois historique et géographique. Les contours en sont donc flous et varient considérablement selon les époques et les points de vue.

[3] Au 1er siècle av. jc, le royaume d’Arménie sous Tigrane le Grand atteint son apogée. L’Arménie fut la première nation à adopter le christianisme comme religion d’État en 301. Bien que l’Arménie actuelle soit un pays constitutionnellement séculier, la religion chrétienne y tient une place importante. Au 9ème siècle, le royaume d’Arménie est rétabli par la dynastie bagratide. Les guerres contre les Byzantins l’affaiblirent jusqu’à sa chute en 1045 puis l’invasion des Turcs seldjoukides s’ensuivit. La principauté et ensuite le royaume arménien de Cilicie a perduré sur la côte méditerranéenne entre les 11ème et 14ème siècles.

[4] L’Empire parthe (247 av. jc à 224 ap. jc), également appelé Empire arsacide, est une importante puissance politique et culturelle iranienne dans la Perse antique. Arsace 1er, chef des Parni, une tribu scythe d’Asie centrale, fonde définitivement l’Empire parthe au milieu du 3ème siècle av. jc lorsqu’il conquiert la Parthie dans le Nord-Est de l’Iran, une satrapie (province) alors en rébellion contre l’Empire séleucide. Mithridate 1er agrandit l’Empire en prenant la Médie et la Mésopotamie aux Séleucides. À son apogée, l’Empire parthe s’étend des sources de l’Euphrate, dans ce qui est aujourd’hui le Sud-Est de la Turquie, jusqu’à l’Est de l’Iran. L’Empire, situé sur la route de la soie reliant l’Empire romain, dans le bassin méditerranéen, à l’Empire han, en Chine, devient un carrefour culturel et commercial.

[5] Artachat, Artashat ou Ardachat, autrefois Artaxate (Artaxata), est une ville d’Arménie, capitale de la région d’Ararat La ville située à 20 km au sud d’Erevan fut une ancienne capitale de l’Arménie dans l’Antiquité.

[6] L’Araxe est une rivière prenant sa source sur le haut plateau arménien, à proximité d’Erzurum et se jette dans la Koura à 121 km de son embouchure sur la mer Caspienne

[7] La Syrie fut occupée successivement par les Cananéens, les Phéniciens, les Hébreux, les Araméens, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Arméniens, les Romains, les Nabatéens, les Byzantins, les Arabes, et partiellement par les Croisés, par les Turcs Ottomans et enfin par les Français à qui la SDN confia un protectorat provisoire pour mettre en place, ainsi qu’au Liban, les conditions d’une future indépendance politique.

[8] La Commagène, était un royaume situé au centre sud de l’actuelle Turquie, avec comme capitale Samosate près de la ville moderne d’Adıyaman, au bord de l’Euphrate. Aujourd’hui la Commagène est célèbre pour son sanctuaire situé sur le mont Nemrod (Nemrut Dağı).

[9] L’Osroène est une région du sud-est de l’Asie Mineure (nord-ouest de la Mésopotamie), bornée au nord par les Monts Taurus, au sud et à l’est par le Chaboras (rivière Khabur), à l’ouest par l’Euphrate, et qui eut pour capitale Édesse. L’Osroène a acquis son indépendance à la suite de l’effondrement de l’Empire séleucide. Elle fut de 132 av. jc à 216 apr. jc un petit royaume indépendant, dont les souverains portaient le plus souvent le nom d’Abgar ou de Manu. Il servit de tampon entre l’Empire romain et celui des Parthes. La région fut conquise par l’empereur romain Trajan. Sous Hadrien elle retrouve une certaine autonomie, mais est à partir de ce moment un royaume client de l’Empire romain. En 163, elle s’allie avec l’Empire parthe contre les Romains. Elle devient une province romaine en 216.

[10] La Sophène est un ancien royaume arménien situé dans le sud-est de l’actuelle Turquie. L’annexion de la Sophène en 90 av. jc marque le début de la première vague d’expansion de l’Arménie de Tigrane II. Néanmoins, son alliance avec Mithridate VI du Pont, ses démêlés avec les Romains et les intrigues de son fils Tigrane le Jeune finissent par lui coûter. Face à la pression de Pompée et de ses légions, Tigrane II cède la Sophène à son fils en 66 av.jc. Ce dernier s’y maintient à peine une année. En 54, Néron détache la Sophène de l’Arménie et fait de Sohaemus d’Émèse son roi, jusqu’après 60 (probablement jusqu’au traité de Rhandeia en 63), lorsqu’elle retourne à l’Arménie.

[11] L’Euphrate est un fleuve d’Asie de 2 780 km de long. Il forme avec le Tigre dans sa partie basse la Mésopotamie. Son débit est particulièrement irrégulier puisque plus de la moitié de son flux s’écoule de mars à mai et que le débit peut tomber à 300 m3/s contre un débit moyen de 830 m3/s à l’entrée en Syrie. En période de crue, il peut atteindre 5 200 m3/s pouvant provoquer de graves inondations. Les deux branches mères de l’Euphrate naissent sur le haut-plateau anatolien : celle de l’ouest, ou Karasu, naît près d’Erzurum, dont elle traverse la plaine ; celle de l’est, le Murat, se forme au Nord du lac de Van, sur les flancs d’un contrefort occidental de l’Ararat. Il traverse ensuite la zone de piémont, zone aride partagée entre la Syrie et l’Irak. Arrivé aux environs de Ramadi en Irak, il entre dans la plaine fertile de Mésopotamie, passant par Fallujah à proximité de Bagdad, et puis à environ 1 km à l’ouest des ruines de Babylone. Il rejoint le Tigre dans le sud-est du pays à Qurna à environ 100 km au nord-ouest de Bassorah pour former le Chatt-el-Arab et se jeter dans le golfe Persique.

[12] L’Aghbanie ou Aghouanie ou Albanie du Caucase est un royaume antique couvrant le territoire actuel de la république d’Azerbaïdjan et le sud du Daguestan.

[13] L’Ibérie, aussi connue sous le nom d’Ivérie, est le nom donné par les Grecs et les Romains à l’ancien royaume de Karthlie et correspondant approximativement aux parties méridionale et orientale de l’actuelle République de Géorgie. Les Ibères du Caucase forment une base pour le futur État géorgien et, en même temps que les Colches de Colchide, le noyau de la population géorgienne actuelle. La région n’était, jadis, habitée que par quelques tribus qui faisaient partie du peuple appelé « Ibères ».