Née à Ségovie [1], elle régnera conjointement à son mari et cousin l’archiduc Albert.
Fille de Philippe II d’Espagne et de sa troisième épouse Élisabeth de Valois . Ses grands-parents paternels étaient l’empereur Charles Quint et Isabelle du Portugal. Ses grands-parents maternels étaientHenri II de France et Catherine de Médicis.
Son père, Philippe II, aurait été rempli de joie à sa naissance et il aurait lui-même déclaré en être plus heureux qu’il ne l’aurait été de la naissance d’un fils. Philippe avait déjà un héritier mâle, Don Carlos d’Espagne , issu de son premier mariage avec la princesse Marie Manuelle de Portugal . Il fut cependant tué à l’âge de 23 ans en 1568, son père le soupçonnant de conspiration contre lui, ce qui fit d’Isabelle sa prime héritière.
En 1589, les Ligueurs [2] cherchèrent à la placer sur le trône de France en tant que petite-fille d’Henri II, roi de France.
Avec plus de persévérance, Philippe II soutint ses prétentions au duché de Bretagne [3]. À la mort du dernier roi Valois, Henri III en 1589, sa nièce Isabelle se trouvait être la plus proche parente de la tige héritière des droits des ducs de Montfort de Bretagne. Elle descendait en droite ligne d’Anne de Bretagne par Claude de France, Henri II, Élisabeth de Valois.
La Bretagne était surtout une étape indispensable vers les Flandres, pour le cabotage commercial comme pour le contrôle militaire. En 1590, allié avec Philippe-Emmanuel de Lorraine duc de Mercœur autre prétendant et gouverneur de Bretagne et beau-frère du feu Henri III, Philippe II fit débarquer des troupes espagnoles sur trois pointes bretonnes : Crozon [4], Blavet [5] et Crac’h-Locmariaquer [6]. Il fit bâtir rapidement trois citadelles [7].
L’incapacité de Mercœur à s’imposer en Bretagne et les progrès d’Henri IV provoquèrent bientôt la chute de ces citadelles. Les derniers Espagnols rembarquèrent en 1598 et Isabelle ne fut jamais duchesse de Bretagne.
En 1593, la Ligue organise à Paris des États généraux, dans l’espoir de choisir un nouveau roi pour la France dont la plus grande partie ne reconnaît toujours pas le prétendant officiel Henri de Navarre. Depuis l’Espagne, Philippe II appuie fermement la candidature de sa fille qui en tant que petite-fille d’Henri II peut prétendre à devenir reine de France.
En dépit de la loi salique [8] qui empêche toute femme de monter sur le trône de France, le roi d’Espagne espère imposer Isabelle. Au moins est-il assuré que celui qui sera choisi roi la prendra pour épouse car les Guise qui n’ont aucune légitimité à s’emparer de la couronne, voient dans le mariage avec l’infante l’occasion de confirmer leur ascension vers le trône.
Parmi les prétendants, se trouve le jeune duc de Guise, âgé de 22 ans ou encore le jeune Charles-Emmanuel de Savoie-Nemours duc de Nemours , âgé de 26 ans.
Le roi d’Espagne ne ménage pas sa peine pour faire couronner sa fille reine de France, cet événement serait pour lui l’aboutissement de sa politique française. Un grand tableau, grandeur nature d’Isabelle a été placé au centre de la salle où se déroule les États généraux. Mais les manœuvres du roi d’Espagne irritent les Français.
Par ailleurs, la division règne chez les catholiques. Le duc de Mayenne, principal prétendant au trône est un homme marié d’un certain âge qui supporte difficilement les prétentions de son neveu et de son demi-frère. À cela s’ajoute les prétentions du duc de Lorraine Charles III de Lorraine époux de Claude de France , qui lui aussi appuie la candidature de ses enfants, petit-fils d’Henri II par leur mère.
L’échec de l’élection met en exergue les prétentions d’Isabelle. La conversion puis le sacre quelques mois plus tard d’Henri IV, met un terme définitif aux espérances de Philippe II.
Ayant signé le Traité de Vervin [9] avec la France, Philippe II d’Espagne voulut donner un gage de bonne volonté à son ennemie en accordant leur indépendance aux Pays-Bas Espagnols qu’il confia à sa fille et à son gendre. Si le couple n’avait pas d’enfant, les Pays-Bas retourneront sous la tutelle madrilène. Une belle manœuvre politique.
Philippe II marie Isabelle à l’archiduc Albert ; Le prétendant est un fils cadet de l’empereur Maximilien II. Il a été élevé à la cour d’Espagne où son oncle Philippe II l’a fait nommer cardinal puis gouverneur des Pays-Bas.
À l’occasion de son mariage le 6 mai 1598 avec son cousin Albert d’Autriche, qui s’est démis à contrecœur de son titre cardinalice, Isabelle reçoit en dot le gouvernement des Pays-Bas, qu’elle partage avec son mari, ainsi que les comtés de Bourgogne [10] et de Charolais [11]. Or il est notoire que l’archiduc est dans l’incapacité physique d’engendrer...Le couple, uni dans sa foi, n’en sera pas moins actif et populaire.
La paix établie aux Pays-Bas, les gouverneurs, profondément catholique, réforment la justice, développent l’économie du pays, installent leur cour à Bruxelles et s’entourent d’artistes.
Le Traité de Londres [12] du 29 août 1604 et la Trêve de 12 ans signée le 9 avril 1609 entre l’Espagne catholique et les Pays-Bas protestants doivent beaucoup à l’engagement actif des archiducs dans les négociations. Pour les Pays-Bas, c’est la fin d’un embargo qui paralysait le commerce.
À la mort d’Albert en 1621, elle se fit clarisse [13] et demeura à la tête des Pays-Bas en tant que gouvernante générale des Pays-Bas espagnols [14] jusqu’en 1633.
Durant ces années, elle accorde l’hospitalité à Gaston d’Orléans et à son épouse Marguerite de Lorraine qui fuient la vindicte du Cardinal de Richelieu.
Sa mort, en 1633 met fin pour les Pays-Bas à une période d’essor et de calme. Faute d’héritier, le gouvernement d’Albert et Isabelle retourna sous l’autorité espagnole.
En 1648, 50 ans après l’avènement d’Albert et Isabelle, la Paix de Westphalie [15] marque la fin de la guerre civile qui sépare définitivement les Pays-Bas de la couronne espagnole.