Né à Frederiksborg [1], fils de Frédéric II et de Sophie de Mecklembourg-Güstrow , il succède au trône de Danemark et de Norvège à la mort de son père le 4 avril 1588, n’atteignant sa majorité que le 17 août 1596. Il ne règne véritablement qu’à partir de 1610.
Christian IV est un homme cultivé dans un monde raffiné, il parle facilement, en plus de sa langue maternelle, l’allemand, le latin, le français et l’italien.
La cour du jeune roi, beau-frère du roi d’Angleterre et de l’électeur de Saxe, est l’une des plus joyeuses et magnifiques d’Europe. C’est d’abord le temps de l’insouciance ou de l’intérêt spécifique vers la marine, mais il prend les affaires du royaume en main après 1610.
Christian se marie le 27 novembre 1597 avec Anne Catherine de Brandebourg , une des filles de Joachim III Frédéric de Brandebourg duc de Prusse, électeur de Brandebourg. La reine meurt 14 ans plus tard.
Durant la première partie de son règne, des forteresses sont construites par les ingénieurs allemands le long des rivages et des vastes frontières de son royaume. La flotte royale danoise, qui en 1596 comprenait 22 unités, comprend en 1610 60 vaisseaux, certains construits d’après les plans de Christian lui-même.
Soucieux d’exploiter les ressources lointaines à l’aide des capacités de sa flotte militaires et des arsenaux danois produisant des gros navires transporteurs, il fonde une compagnie des Indes orientales à Copenhague en 1616. L’ambition politique porte très vite son attention vers l’Allemagne, avec un objectif double, obtenir le contrôle des grandes rivières allemandes, l’Elbe et la Weser afin d’assurer sa domination sur les mers nordiques, et acquérir les anciens évêchés allemands de Brême et Verden [2] comme apanages pour ses plus jeunes fils.
Ses ambitieux objectifs lui font installer la douane de Glücksbourg pour contrôler le trafic de l’Elbe et créer Altona pour asphyxier le commerce d’Hambourg.
La réforme de l’armée qu’il contrôle à titre personnel est plus complexe, les régiments étant composés de troupes recrutées pour la plupart parmi la paysannerie des domaines de la couronne. Notons qu’il la finance le plus souvent sans apport de subsides de la diète, donc sur les ressources de sa cassette personnelle.
Sa première expérience avec son armée nouvellement réorganisée est un succès car s’il a recruté à vil prix des troupes norvégiennes, composés d’hommes pauvres, ses officiers ont su les équiper et former.
Dans la guerre contre la Suède, généralement connue sous le nom de Guerre de Kalmar [3], Christian contraint Gustave II Adolphe de Suède à lui céder, lors du traité de Knäred [4] du 20 janvier 1613, la Laponie suédoise et à verser une forte rançon pour les 2 forteresses qu’il a conquises.
Après la mort de sa première épouse, le 31 décembre 1615, Christian se marie avec Christine Munk ou Kirsten Munk, fille de Ludvig Munk et d’Ellen Marsvin de Landskrona.
Neutre au début du conflit, le souverain danois s’inquiète de la déroute des forces protestantes dans l’Empire. S’il tire habilement profit de l’inquiétude des Protestants allemands après la bataille de la Montagne Blanche [5] en 1620, pour assurer à son fils Frédéric l’autorité sur Brême en septembre 1621, étape suivie en novembre par un arrangement similaire au sujet de Verden, il comprend que son statut de prince allemand, sa fonction de directeur de cercle de Basse Saxe en tant que duc de Holstein, ne justifie pas cette attitude.
D’ailleurs, si, dans le même temps, Hambourg est forcée de reconnaître la souveraineté danoise sur le Holstein, Christian IV souverain protestant allié des Stuarts, reçoit des subsides anglais.
La montée des Catholiques dans le nord de l’Allemagne pendant et après 1623 oblige maintenant Christian, pour des raisons purement politiques, à intervenir directement dans la guerre de Trente Ans [6]. Il reste cependant à l’écart un certain temps, tout en livrant une armée complète au camp protestant, financée sur ses fonds propres. Il ne veut engager à l’aveugle le royaume de Danemark.
Mais les sollicitations pressantes des puissances occidentales, et surtout sa crainte de voir Gustave II Adolphe de Suède le supplanter en tant que leader de la cause protestante amènent le royaume de Danemark à entrer en lice fin 1624 dans la guerre contre le Saint Empire romain germanique et la Ligue catholique, sans aucune garantie d’aide des autres puissances. La phase danoise de la Guerre de Trente Ans s’ouvre.
Le 9 mai 1625 Christian quitte le Danemark pour le front, avec à sa disposition entre 19 000 et 25 000 hommes, avec lesquels il remporte quelques batailles face à Wallenstein, général des Impériaux. Mais il ne sait tirer aucun avantage de ses victoires et se contente de résister à la poussée des armées de la ligue en Allemagne du Nord.
Les Impériaux, humiliés et vengeurs, se réorganisent et le 27 août 1626, le roi timoré est mis en déroute par le comte de Tilly à la bataille de Lutter-am-Barenberge [7]. Une série de revers danois s’accumule, durant l’été 1627, Tilly et Wallenstein, détruisant, pillant et brûlant tout sur leur passage, occupent les duchés de Schleswig et de Holstein ainsi que la péninsule du Jutland [8].
La situation est catastrophique, mais Wallenstein s’est aussi installé solidement en Mecklembourg et en Poméranie, et les Impériaux de prétendre dominer la Baltique au nom de l’Empereur.
Dans l’urgence, le 1er janvier 1628, Christian forme une alliance avec les Suédois, par laquelle Gustave II Adolphe doit porter secours au Danemark. Peu après une armée et une puissante flotte suédo-danoise contraignent Wallenstein à lever le siège de Stralsund [9]. Ainsi grâce à cette contre-attaque, le Danemark évite l’invasion, Christian peut alors conclure avec l’Empereur, en mai 1629, la Paix de Lübeck [10] sans aucune diminution de territoire.
Entre 1629 et 1643, Christian gagne en popularité et influence. Durant cette période, il obtient à nouveau le contrôle de la politique extérieure du Danemark et de la douane du Sund [11]. Il espère même accroître encore son pouvoir avec l’aide de ses beaux-fils, Corfitz Ulfeldt et Hannibal Sehested qui occupent le devant de la scène.
En offrant sa médiation en faveur de l’Empereur, après la mort de Gustave Adolphe en 1632, il tente aussi de minimiser l’influence de la Suède en Allemagne. Il y gagne quelques avantages mineurs. Mais sa politique scandinave est si irritante et vexatoire que les hommes d’État suédois se persuadent que la guerre avec le Danemark est seulement une question de temps et au printemps 1643, le moment leur semble venu.
Christian IV est alors un homme brisé. Son action est temporairement ralentie par l’accumulation de déboires. Non seulement dans ses espoirs politiques, mais aussi dans sa vie privée en plein naufrage.
Au cours de l’année 1628 il découvre une liaison scandaleuse entre sa femme, Christine Munk et l’un de ses officiers allemands. Il la renvoie, elle tente de cacher son déshonneur en prétendant une liaison entre le roi et Vibeke Kruse, une domestique. En janvier 1630, la rupture est définitive et Christine se retire dans ses domaines du Jutland. Christian finit par reconnaître que Vibeke est effectivement sa maîtresse.
Les Suédois sont maintenant en mesure, grâce aux conquêtes de la guerre de Trente Ans, d’attaquer le Danemark au sud et à l’est. L’alliance hollandaise les préserve en mer, et une attaque du Danemark empêche d’utiliser les négociations de paix imminentes au préjudice de la Suède. En mai, le Conseil privé suédois décide la guerre.
Le 12 décembre le Maréchal Lennart Torstenson venant de Bohême, traverse la frontière sud du Danemark. À la fin janvier 1644, toute la péninsule du Jutland est en sa possession. Cette attaque tout à fait inattendue, menée du début jusque la fin avec une grande habileté et la rapidité de l’éclair, a un effet paralysant sur le Danemark. Heureusement pour ses sujets, au milieu de la plus grande impuissance et confusion, Christian IV voit quel est son devoir et a le courage de l’accomplir. Le roi diplomate sait se prémunir de l’autre front catholique. Il conclut une alliance avec les Impériaux qui lui offrent l’appui des troupes de Gallas.
Dans sa soixante-sixième année, il montre une fois de plus une part de l’incroyable énergie de sa jeunesse triomphante. Jour et nuit, il travaille à lever des armées et à équiper la flotte. Heureusement pour lui, le gouvernement suédois diffère les hostilités en Scanie [12] jusqu’en février 1644, si bien que les Danois sont capables de préparer leurs défenses et sauver la forteresse primordiale de Malmö [13]. Torstensson est incapable de joindre le Jutland à la Fionie [14] par manque de moyens de transport et la flotte auxiliaire hollandaise partie à sa rescousse est battue entre les îles de Sylt [15] et Römö [16] sur la côte occidentale du Schleswig [17] par la flotte danoise. Une autre tentative de transporter Torstensson et son armée vers les îles danoises est contrecarrée par Christian IV en personne le 1er juillet 1644.
Ce jour-là, les deux flottes s’affrontent au large de Kolberge Heide, au sud-est de la baie de Kiel [18]. Christian y montre un héroïsme qui lui gagne la sympathie de la nation danoise et rend son nom fameux dans des chansons et récits.
La fuite de la flotte suédoise et l’anéantissement de la flotte danoise par les efforts combinés de navires suédois et hollandais après un combat opiniâtre entre Fehmarn [19] et Lolland [20] à la fin septembre, épuisent les ressources militaires du Danemark et obligent Christian à accepter la médiation de la France et des Provinces-Unies.
Les Suédois menés par Baner sont victorieux et le désastre danois est constaté. La paix est finalement signée à Brömsebro [21] le 8 février 1645. Le Danemark doit céder les provinces norvégiennes de Jämtland, Härjedalen et Älvdalen ainsi que les îles de Gotland et de Ösel en mer Baltique. En outre dans les termes du traité, la Suède de la reine Christine est désormais exemptée du péage du Sund prélevé sur les bateaux étrangers passant par les eaux danoises de la Baltique. En plus de ceci, la Suède reçoit la province de Halland pour une période de 30 ans comme garantie de ces dispositions, possession définitivement confirmée par la suite lors du traité de Roskilde [22].
Le 21 février 1648, à sa demande, il est amené en civière de Frederiksborg près de sa bien-aimée Copenhague, où il meurt une semaine plus tard.