Né à Moscou, petit-fils du Tsar Michael Romanov et fils du tsar Alexis Mikhaïlovitch dit Alexis 1er et de Natalia Narychkina , quatrième souverain de la dynastie des Romanov.
En 1682, la mort de Fédor III , fils d’un premier lit, fait de lui un empereur conjointement avec son autre demi-frère, le tsar Ivan V le 27 avril. Mais celui-ci étant simple d’esprit, aveugle et muet, il partage le trône avec son demi-frère Pierre. Sophie Alekseïevna , sa demi-sœur, exerce la régence en leur nom. Négligé par la régente, délaissé par une mère tout adonnée à la dévotion et entièrement attachée au parti du patriarche et des « vieux croyants », le jeune Pierre grandit librement sans apprendre à lire ni à écrire, passant son temps à jouer à la guerre avec des compagnons de son âge.
A cette époque, les palais des tsars dans l’enceinte du Kremlin de Moscou, tiennent à la fois du monastère et de la caserne. Et outre les ecclésiastiques et les soldats, on y trouve une foule grouillante de boyards avec leur famille, de valets, des mendiants, et toutes sortes de petits marchands ambulants. A l’intérieur sous des voûtes basses, richement décorées de fresques aux couleurs éclatantes, se trament les intrigues.
Le palais principal est accessible par un gigantesque perron. Comme dans toutes les habitations de ce pays rude, on surélève le premier niveau des pièces d’habitation pour échapper à la hauteur de la neige et au froid.
Sophia Alexeievna, écarte Natalia de la régence, qu’elle assure elle-même de 1682 à 1689 avec son favori, le prince Vassili Golitsine . Secondée des streltsi [1], ces hommes libres, soldats de pères en fils reçoivent de l’état soldes, privilèges et autorisation de faire commerce selon leurs convenances en temps de paix.
En 1682, on comptait 20 régiments, de mille hommes chacun, répartis sur le territoire russe. Mais la majorité se trouvait dans les faubourgs de Moscou qu’ils étaient aussi chargés de protéger contre les incendies.
Leur solde est plusieurs fois supérieure à celles des autres corps d’armée ; ils discutent librement de politique et parfois se révoltent contre leurs chefs qu’ils accusent de "puiser dans la caisse".
Le temps de paix ne leur convient guère. Ils s’ennuient, ont trop de temps pour réfléchir et se laisser également manipuler pour qui leur promet un statut et des avantages supérieurs à ceux qu’ils possèdent déjà.
Au début du mois de mai 1682, une rumeur court. les Narychkine auraient empoisonné le tsar Fédor III et maltraiteraient le jeune Yvan.
Les streltsy sont déjà prêts à la révolte mais Yvan Miloslavski les calme car le but de Sophie est d’attendre le retour d’exil de Artamon Sergueïevitch Matvéïev , protecteur de la dernière tsarine Natalia Narychkina, afin de l’écarter définitivement.
Quand Artamon Matveïev est enfin de retour, les conjurés faisant courir le bruit qu’Yvan est mort, lâchent 19 régiments de streltsy, ivres de la boisson dispensée largement par les agents de Sophie. Ils envahissent le Kremlin et se retrouvent devant le fameux "beau perron" où apparaît Natalia dans l’espoir de les calmer. Elle tient la main de Pierre et d’Yvan. Sont présents à ses côtés Matvéïev, Michaël Dolgorouki, le patriarche Joaquim et les principaux boyards du zemski sobor [2].
Les mutins sont stupéfaits de voir vivant le tsarévitch Yvan. Profitant du flottement dans les troupes, Matveïev les exhorte à la fidélité, au sens du devoir qui fût toujours le leur envers le tsar. Le patriarche Joaquim lui aussi les raisonne au nom de Dieu en leur démontrant qu’on les a trompés.
Les choses auraient pu en rester là, et les soldats seraient retournés à leurs occupations diverses si Michaël Dolgorouki n’avait cru bon de s’en mêler. Il décide d’humilier ses troupes et les consignes dans leurs quartiers avec des sanctions prévues pour les meneurs. Haï de ses hommes, le prince est jeté à bas du perron et assassiné à coups de piques. Puis le carnage se poursuit par le meurtre de Matvéïev qui est arraché des bras même de la tsarine Natalia.
Pendant trois jours ivres de sang et d’alcool, les révoltés vont massacrer, torturer et mutiler tous ceux qui semblent du parti des familles Narychkine et Matvéïev.
Elle signe avec l’Union de Pologne Lituanie [3] le traité de paix éternelle de 1686 [4], par lequel la Russie agrandit ses territoires et intègre une coalition comprenant l’Autriche, la Pologne et Venise, qui mène bataille contre les Turcs. Elle ordonne aussi des expéditions contre le khanat de Crimée, et signe avec la Chine des Qing le traité de Nertchinsk en 1689 [5], qui prive la Russie de l’accès à la mer du Japon, mais lui permet d’établir des relations commerciales avec l’Empire du Milieu.
Elle réprima de nouvelles émeutes des streltsi qui avaient forcé la cour à s’abriter au couvent de Troïtza, fit périr les princes Khovanski et affermit son pouvoir.
Le jeune Pierre, confiné au village de Préobrajenskoé [6], aux environs de Moscou, était abandonné aux soins du précepteur Nikita Moïsseïevich Zotov .
Curieux de toutes les nouveautés, Pierre retrouva dans la maison de son aïeul, Nikita Romanov, un canot anglais d’une structure particulière, qui fut l’origine de sa passion pour la navigation. Abandonné à lui-même, courant les rues de Moscou, il avait fait connaissance de plusieurs habitants instruits de la Nemestskaïa Slobada [7] ; le Genevois François Lefort , le vieil Écossais Patrick Gordon , le Strasbourgeois Timmerman, les Hollandais Winnius, Brandt, etc., ses initiateurs en civilisation européenne, ses instructeurs en art militaire et de navigation, ses futurs généraux et ingénieurs. Ses familiers russes étaient Andreï Matveïev, Léon Narychkine, les princes Boris Galitzine, Romodanovsky, Dolgorouky, etc.
Lefort, profitant de son goût pour les jeux militaires, forma avec cinquante de ses jeunes compagnons une compagnie qui fut le noyau du fameux régiment Préobrajensky [8] ; un autre groupe fut le noyau du régiment Séménovsky [9]. En même temps, le jeune tsar se livrait avec fougue aux plaisirs ; sa mère, pour l’en préserver, le maria en février 1689 à Eudoxie Féodorovna Lapoukhine. Sophie, qui avait, dès 1687, voulu prendre pour elle-même le titre d’autocrate, se brouilla avec son frère désireux de mettre un terme à la régence.
La situation lui est favorable ; la princesse Sophie vient d’essuyer des revers en Crimée, où l’armée de Vassili Vassilievitch Galitzine a été vaincue, et, redoutant les manœuvres de son frère, elle cherche à le supprimer.
En 1689, Pierre évente le complot, s’enfuit de Moscou, gagne le monastère de la Trinité Saint-Serge [10], dans la ville de Zagorsk [11], où il soulève en sa faveur plusieurs régiments et les streltsy [12]. Il a rapidement la situation en main ; Sophie est enfermée dans un couvent, Galitzine exilé dans le nord du pays ; quant à Ivan V, après avoir régné, nominalement, avec Pierre 1er, il disparaît en 1696.
Libre de ses actes, le tsar continue à perfectionner son armée ; il se préoccupe également de la marine, apprend auprès des Hollandais d’Arkhangelsk [13] les techniques nautiques et construit une flottille qu’il exerce sur un lac.
L’administration intérieure, moins séduisante, est laissée à des conseillers, dont Lefort ; le tsar se réserve la gloire militaire
La politique traditionnelle de la Russie consistait à affronter ses voisins immédiats, méridionaux et occidentaux. Au sud, les khans de Crimée, appuyés par les Ottomans, ravageaient périodiquement les provinces méridionales de l’empire ; en outre, ils empêchaient les Russes d’accéder à la mer Noire. À l’ouest, la Pologne, battue en 1686, avait dû céder la Russie Blanche avec Smolensk et une partie de l’Ukraine avec Kiev. Les Suédois, bien installés sur les rivages de la Baltique, étaient l’obstacle essentiel qui empêchait la Russie de communiquer facilement par mer avec l’Occident.
Au printemps 1695, Pierre envoie une armée contre les Tatars de Crimée pour détourner l’attention des Turcs et se dirige vers la forteresse d’Azov [14] qui, située sur le Don à 16 km de la mer d’Azov, offre un accès indirect à la mer Noire. Cependant il ne parvient pas à prendre la ville. Il se décide alors à construire une flotte, installant un chantier naval à Voronej [15], situé sur un affluent du Don, et associe tout le pays à cette œuvre nationale : c’est la création officielle de la Marine impériale de Russie. La ville est prise l’année suivante, en juillet 1696 avec l’aide de techniciens européens. Ainsi donne-t-il aux Russes un accès à la mer Noire. C’est une première fenêtre sur l’Occident. Pierre 1er fonde la première base navale russe à Taganrog [16] en septembre 1698. Celle-ci est commandée de 1698 à 1702 par l’amiral Fédor Golovine et le vice-amiral Cornelius Cruys en devint le premier gouverneur en 1711.
En 1697, Pierre a entrepris en Occident un voyage d’études. À Amsterdam, il a séjourné longuement, créant la légende de l’empereur charpentier il a visité les chantiers de la Compagnie des Indes. À Londres, ce sont les musées, les laboratoires, les académies qui l’ont reçu ; il est revenu ensuite en Hollande et, par l’Allemagne, il a gagné Vienne, où il n’a pu persuader l’empereur Léopold 1er de former une grande coalition contre les Turcs.
Après un séjour en Pologne, où il obtient le concours d’ Auguste II , le tsar se décide à écraser la Suède, tout en engageant ses États dans les voies de la modernité.
Pour changer les vieilles coutumes russes, Pierre appliqua des mesures draconiennes. Il imposa dès le 5 septembre 1698 un impôt particulier pour les Russes les plus riches. Ceux-ci, sauf les prêtres, devaient payer cent roubles par an, alors que le reste de la population ne devait s’acquitter que d’un kopeck par tête. Cette taxe, avec bien d’autres, permit la modernisation de la Russie. Durant le règne de Pierre, le servage fut aussi réinstauré. Dès 1699, il promulgua également un oukase autorisant les Russes à voyager à l’étranger et fonde une imprimerie et crée à Moscou une école d’artillerie. Il constitue une marine et une armée sur le modèle allemand et déclenche une guerre contre la Suède, qui domine la mer Baltique, en s’alliant avec le Danemark et la Pologne.
Par le traité de Constantinople en 1700, qui met fin à la Guerre russo-turque de 1686-1700, les Russes se voient reconnaître par la Sublime Porte la possession d’Azov et de la base de Taganrog, et obtiennent en outre le droit de conserver et d’avoir un ministre permanent dans l’Empire ottoman.
Cette campagne marqua la première offensive militaire réussie par l’armée russe sur un sol étranger depuis plusieurs siècles, et établit la Russie comme étant un pays important dans la diplomatie européenne. Toutefois, le contrôle de la seule mer d’Azov ne lui offrait pas une voie suffisante pour le commerce, tandis que la paix avec le sultan Moustafa II permet à Pierre de se tourner vers la mer Baltique.
Un des buts principaux du Pierre était de regagner l’accès au commerce dans la mer baltique.
En 1700 il commença la guerre avec la Suède, qui dura pendant 21 années. Au cours de la guerre Saint Pétersbourg fut fondé en 1703 dans le delta du fleuve Neva. À la fin de la guerre, la Russie sortie victorieuse et a conquis des vastes terres sur la côte baltique. La Russie accéda au commerce Européen et Saint Pétersbourg est devenue son port de mer principal.
Il a profondément réformé son pays et a mené une politique expansionniste qui a transformé la Russie en puissance européenne.
Pierre 1er entrepris un tour des capitales européennes connue sous le nom de Grande Ambassade. Celle-ci fut écourtée lorsque Pierre apprit la nouvelle de la révolte des streltsy [17], qui avaient l’intention de replacer l’ex-régente Sophie sur le trône. Pierre, qui se dirigeait vers Venise, rentra précipitamment à Moscou le 5 septembre 1698, afin d’écraser définitivement la révolte. Celle-ci fut finalement réprimée en son absence, de façon sanglante, notamment par le général Patrick Gordon, d’origine écossaise.
Pierre 1er accusant sa femme Eudoxie Lopoukhine d’avoir comploté contre lui avec les streltsy, divorce et la fait enfermer, au monastère de Souzdal [18].
Il confie alors son fils, Alexis Petrovitch , à sa tante Nathalie Alexeïevna . Il ne tarde pas à rencontrer, en 1703, Marthe Skavonskra , ancienne paysanne catholique d’origine lituanienne, domestique et maîtresse de son ami Alexandre Menchikov . Il se marie avec elle en 1712, celle-ci se convertissant à l’orthodoxie et prenant le nom de Catherine. Déjà mère d’un enfant de Pierre, elle donna à l’empereur six autres enfants.
En 1711, il marie son fils Alexis à Charlotte de Brunswick-Wolfenbüttel , belle-sœur de l’empereur Charles VI , se rapprochant ainsi des Habsbourg, qui avait réuni les possessions autrichiennes et espagnoles.
Nommé gouverneur de Moscou par son père, en 1708, Alexis se désintéresse cependant de sa fonction, et prend le parti, avec sa mère, des opposants aux réformes de Pierre le Grand.
En 1712 Pierre le grand déplaça la capitale russe à Saint Pétersbourg et continua de prêter une attention particulière à la construction rapide de la ville.
Depuis le 10ème siècle, la Russie avait changé par trois fois de capitale : Kiev, Vladimir puis Moscou, respectant chaque fois le principe qui veut qu’une métropole soit éloignée le plus possible de frontières potentiellement franchissables par des voisins irascibles.
Mais Pierre qui voulait en finir avec les désagréables souvenirs de Moscou et son vieux Kremlin, ne s’arrêtât pas à ces considérations. Il voulait un emplacement sur une mer ouverte par tous les temps ainsi qu’une liaison fluviale vers l’intérieur du pays. Les russes du18ème siècle ne voyaient que des inconvénients à la situation de la nouvelle capitale. Outre le fait que c’était une "ville frontière" sur un territoire depuis peu hors de dangers, le paysage était désolant. Aucune forêt touffue, un paysage plat, un immense marais boueux mais gelé par un hiver sans fin, une lumière blanchâtre, des saisons inexistantes : quelques jours de printemps et d’automne ! Ajoutons à ce portrait peu avenant : des inondations terribles provoquées par les vents violents venant du golfe de Finlande refoulant la mer dans les eaux de la Neva. Néanmoins cet emplacement présentait des avantages militaires et commerciaux nécessaires à l’ouverture de la Russie.
En effet, le trafic des marchandises pouvait continuer une grande partie de l’année grâce aux liaisons fluviales rejoignant cet accès sur la Baltique.
Par la Neva et le lac Ladoga à l’est, le Volkhov au sud, les routes liquides ou glacées selon la saison, compensaient largement le manque évident de voies terrestres carrossables. Les routes n’étaient que des fondrières, où on était souvent obligé de poser un "plancher" de pavés de bois pour faire circuler les chariots.
Dans un premier temps l’île d’Ostrov ou île Basile fut choisie comme centre de la future capitale, et découpée en canaux rectilignes afin de drainer les marécages et de servir de quais aux bateaux. On y construisit le bâtiment des "Douze-collèges" destiné à abriter l’administration.
Sur la rive sud de la Néva s’établit le quartier industriel avec des chantiers navals. Les travaux commencés en 1715 par l’architecte hollandais J-B Homann, furent poursuivis après 1717, par le français Leblond s’attachant à concilier les exigences militaires de Pierre avec l’esthétisme.
Rapidement on réalisa que le principal inconvénient et non le moindre, de ce centre ville réparti sur trois îles, résidait dans sa difficulté d’accès en période de formation ou de fonte des glaces. D’immenses blocs dérivant sur le fleuve et rendant la traversée dangereuse voire impossible.
On transféra donc le centre-ville sur la rive sud de la Néva et la forteresse devenue inutile devint une prison d’état. Le quartier destiné à l’industrie devint alors un quartier résidentiel. On y implanta le palais d’hiver et les nobles reçurent l’ordre de faire construire autour leurs résidences personnelles.
Cette nouvelle implantation qualifiée de "versaillaise" comprenait principalement trois grandes prospekt [19] en éventail convergeant vers l’Amirauté. La plus célèbre et la plus grande était la "Nevsky Prospekt" conduisant au monastère Saint Alexandre Nevsky, du nom du vainqueur d’une bataille sur la Néva contre les suédois en 1240.
Pierre fit également construire le palais de Peterhof, avec un jardin d’été et une série de bassins et fontaines lui rappelant les splendeurs de Versailles. Avant tout il fit bâtir en priorité un petit palais au bord de la mer : Monplaisir, dont le plan fut dessiné par lui et la construction supervisée par l’allemand Braunstein.
Certes la construction et le peuplement de cette nouvelle ville n’allât pas sans difficultés et oppositions de toutes natures. Dans un oukase de 1714 on interdit sur tout le territoire sous peine d’amende, toutes les constructions en pierre, en briques et bien entendu en bois à cause des incendies. Les maçons et charpentiers russes convergèrent donc vers St Pétersbourg pour trouver du travail.
Chaque navire et chaque charette arrivant sur le site devait joindre à son chargement quelqu’il soit, un lot conséquent de briques. Quand aux nobles, boyards et hauts fonctionnaires, c’est uniquement sur ordre et en rechignant qu’ils vinrent avec leurs familles sur les bords de la Néva. Ils durent faire construire leurs demeures en briques ou en pierres en fonction du nombre d’âmes [20] dont ils étaient propriétaires et du montant de leur fortune. Les commerçants et artisans furent soumis à des règles strictes sur leur implantation : on créa des rues des canonniers, des fondeurs ou des tapissiers et une rue de la noblesse, la Dvorianskaïa.
Quand la guerre avec la Suède fut finie en 1721 la Russie fut déclarée un empire et Pierre le grand proclamé empereur le 2 novembre 1721. Il fut rapidement reconnu comme tel par les rois de Pologne, de Prusse et de Suède. En 1724, il couronna sa seconde femme Catherine du titre d’impératrice.
En attendant, il continua ses réformes politiques et économiques. Il réorganisa le gouvernement en établissant un Sénat en tant que établissement de gouvernement le plus élevé et 10 semi ministères des kollegii. Il présenta un nouvel impôt local, qui lui permit de mener une politique étrangère active et d’amplifier la fabrication nationale et le commerce. Il organisa une armée régulière russe et mis sur pied une marine russe.
Il fit face à l’opposition de beaucoup de politiques russes et réprima brutalement toutes les rébellions envers son autorité, dont la révolte importante d’Astrakhan [21] en 1705 et celle des Bachkirs en 1707.
En 1716, Pierre le Grand somma Alexis Petrovitch, son fils issu de son premier mariage, de choisir entre l’adoption sincère des nouvelles idées ou la renonciation au trône. Mais ce dernier profita d’un séjour de son père au Danemark pour fuir chez son beau-frère Charles VI à Naples.
Pierre lance un peu tardivement à sa recherche Viéssélovski, Roumiantsoff et Tolstoï qui le retrouveront un an plus tard.
Commencent alors des pressions sur le tsarévitch pour qu’il revienne de son plein gré, puis devant son entêtement, des pressions informelles mais sérieuses incitent l’empereur Charles VI à abandonner la protection du tsarévitch.
Alexis fuit encore : le Tyrol, puis Naples au château de Saint Elme. Les limiers le rattrapent et discutent de nouveau, l’assurant du pardon paternel. Ils achètent l’abandon d’Euphrosine et le vice-roi de Naples, pressé de se débarrasser de l’hôte encombrant fait également pression sur Alexis. Devant la volonté déterminée de son fils d’épouser Euphrosine enceinte, Pierre accepte le mariage. Alexis fléchit et revient presque confiant à Moscou en janvier 1718, il fut immédiatement enfermé à la forteresse Pierre-et-Paul.
Le 14 février 1718, Pierre reçoit son fils en audience et devant ses manifestations de remords, lui promet le pardon à condition qu’il renonce au trône et qu’il lui explique ce qui s’est passé avant et pendant sa fuite. Pressé de questions par son père, Alexis terrorisé dénoncera les membres de son entourage, sa propre mère et quelques boyards. Il redira les mêmes accusations à la cathédrale de la Dormition, devant les Saintes Ecritures. Euphrosine n’arrivera à St Pétersbourg qu’en mai.
Pierre l’obligea à dénoncer ses complices dans sa fuite, et fit parler la maîtresse d’Alexis, Euphrosine, celle-ci impliquant dans un complot de trahison tout le clan des Lopoukhine, l’évêque de Kiev, le capitaine Glébov, cinquante religieuses et des centaines de boyards. Tous sont soupçonnés d’avoir voulu renverser Pierre en faveur d’Alexis.
Alexis subit alors des "auditions" ressemblant à s’y méprendre à des tortures. Pierre désigne une haute cour de justice de 127 personnes et assistera lui-même aux supplices de son fils qui finit par avouer tout et n’importe quoi.
Le 24 juin, la cour condamne à mort Alexis Petrovitch. Le 26 juin 1718 le tsarévitch est retrouvé mort dans son cachot. Quant à Pierre Tolstoï , son aide lui valut d’être nommé à la tête de la Chancellerie secrète, comparable au Cabinet noir en France, mais avec des pouvoirs redoutables de police.
Le 24 janvier 1722, il crée la Table des rangs [22] afin de réduire le pouvoir des boyards. Le rang de noblesse n’était plus alors simplement héréditaire, mais déterminé par la fonction officielle de la personne, permettant ainsi éventuellement à des roturiers fidèles d’être anoblis en étant nommés à des positions supérieures. La Table demeura en vigueur jusqu’à la chute du tsarisme en 1917.
La résolution d’occidentaliser la Russie, qui ne se démentira jamais, n’est pas une vue de l’esprit, mais la claire conscience que seule la modernisation de son empire, qui en est encore au stade du Moyen Âge, pourra lui permettre de s’imposer dans le concert des nations européennes. Un détail est significatif à cet égard : en Russie, on datait encore les années en partant de la « création du monde » Pierre le Grand, le 1er janvier 1700, décide d’adopter le calendrier chrétien « julien ».
Le tsar va accélérer l’évolution de la société russe, caractérisée par la disparition de l’aristocratie princière et des boyards et leur remplacement par une noblesse de service issue des fonctions militaires et civiles et récompensée par l’attribution de domaines et de serfs. La caste des marchands devient de plus en plus importante, et elle sera encore plus prospère lorsque les conquêtes du tsar lui auront ouvert de nouveaux débouchés commerciaux.
Vis-à-vis du clergé, Pierre 1er mène une double action : il écarte les opposants conservateurs et favorise la promotion d’éléments médiocres mais tout acquis au pouvoir ou tout au moins incapables de s’opposer à ses innovations.
Pierre le Grand, conscient des retards de la Russie dans le domaine juridique tenta en 1700 de moderniser le code de 1649 en y incorporant les oukases promulgués depuis. Il réunit pour ce faire une première commission qui n’aboutit pas. Une seconde commission réunie en 1714 ne parvint pas non plus à rédiger un corps de lois suffisamment clair. En 1720, Pierre le Grand réunit une troisième commission dont le but était de rédiger un code général de lois russes sur le modèle suédois, puis danois. Ce fut à nouveau un échec.
Son règne connut par ailleurs l’adoption du décompte des années du calendrier julien, la simplification de l’alphabet cyrillique, l’introduction des chiffres arabes et la publication du premier journal en langue russe.
L’Église orthodoxe russe était fortement opposée aux réformes de Pierre. Elle les estimait néfastes pour la survie des vieilles traditions russes et dangereuses pour sa puissance. Après la mort du patriarche Adrien en 1700, Pierre ne nomma pas de successeur, et en janvier 1721, il établit le Saint Synode [23] pour régir l’Église, ce qui fut par ailleurs l’étape finale de ses réformes.
En 1707, Pierre 1er passe à l’offensive et attaque les armées suédoises en Pologne ; Charles XII se décide alors à pénétrer en Russie, franchit la Vistule et se dirige sur Moscou. Les troupes du tsar reculent en livrant de durs combats et en faisant le vide derrière elles. Arrêté près de Moguilev [24] en juillet 1708, le roi de Suède essaie de susciter contre le tsar une coalition, mais il n’obtient que le concours des cosaques révoltés de l’Ukraine, dirigés par Yvan Mazeppa . Pierre 1er le devance et bat l’armée royale à Dobroïe, tandis qu’une armée de secours est défaite à Lesnaya [25], laissant entre les mains des Russes les vivres qu’elle apportait.
Aussi, Charles XII pénètre-t-il dans le grenier ukrainien pour y faire subsister ses troupes, mais là encore Pierre 1er a pris les devants et a fait transporter toutes les récoltes dans les magasins de Poltava. Le roi de Suède fait le siège de la ville [26], mais il manque de vivres et de munitions. Le tsar laisse l’armée suédoise s’épuiser et, le 8 juillet 1709, il attaque et remporte une victoire qui a dans toute l’Europe un retentissement considérable.
Durant les années suivantes, Pierre réalise son rêve : ouvrir une large fenêtre maritime par la prise de la Livonie, de l’Estonie et de la Courlande. Le traité de Nystad [27], signé le 10 septembre 1721 entre la Russie et la Suède, confirmera à Pierre le Grand la possession de la Livonie, de l’Estonie avec Ösel (Sarema), de l’Ingrie, d’une partie de la Carélie et d’un district de la Finlande avec Vyborg.
Ces conquêtes orientent définitivement la politique russe vers les puissances européennes grâce au développement de ses activités maritimes ; cependant, sa vocation d’État continental, se développant grâce à la colonisation paysanne vers l’est (Sibérie) et le sud (steppes de l’Asie centrale), ne disparaît pas pour autant.
Siège du gouvernement dès 1713, Saint-Pétersbourg est dotée d’une fonderie de canons, d’une manufacture d’armes, d’une académie des Sciences.
Une flotte de guerre importante est lancée sur la Baltique, mais elle coûte cher et présente encore de nombreux défauts. L’armée russe, par contre, devient la plus importante d’Europe après la française, passant de 100 000 hommes en 1709 à 200 000 en 1725, à la fin du règne. Si le haut commandement est allemand, les officiers sont russes.
Mais l’absence d’un système d’éducation oblige Pierre à recourir à des étrangers, surtout à des Allemands, ce qui heurte ses sujets. Quelques écoles d’enseignement général et quelques écoles spéciales seront bien créées, mais en trop petit nombre. D’autre part, le tsar ne réussit pas à établir un système de gouvernement centralisé et cohérent, l’état social et moral de la Russie à cette époque ne le permettant pas. Il en résulte un manque de coordination entre les diverses institutions et une anarchie dans la fiscalité.
Tout repose en définitive sur le tsar, auquel tout aboutit. Ce régime autocratique qui mate toutes les rébellions , émeutes d’Astrakhan, soulèvement des cosaques du Don et du Kouban en 1707-1708, intrigue des boyards groupés autour du tsarévitch Alexis, domestique la noblesse et le clergé, dépend trop de la personnalité du souverain.
En Russie, tout progrès commercial ou industriel était entravé par le système du monopole d’État. Dans ce domaine encore, Pierre le Grand s’efforce d’adapter des institutions modernes à des structures féodales.
Après son second voyage en Europe en 1716/1717, conseillé par un Silésien, le baron Luberas, il autorise les particuliers à créer des fabriques et rend libre tout le commerce intérieur en 1719. Il encourage l’industrie privée en accordant les privilèges nobiliaires aux fabricants en 1721, en leur imposant la main-d’œuvre des prisonniers en 1719, en créant des « conseils de commerce » dans les ports et les centres urbains de l’empire, des agences commerciales en Europe et jusqu’en Extrême-Orient. Mais la faiblesse de la main-d’œuvre libre et de l’instruction professionnelle limite les résultats.
Néanmoins, l’industrie enregistre de nombreuses réussites ; la guerre suscite l’établissement d’une zone métallurgique dans la région de l’Oural, riche en mines de fer et en forêts. Le tsar y crée une fonderie et une fabrique de canons et une douzaine d’usines qui sont pour moitié propriété de l’État. Les industries du bois sont prospères ainsi que les pêcheries d’esturgeons, de sterlets, de harengs, etc.
Un commerce actif se développe, notamment à Saint-Pétersbourg et à Astrakhan. Aux foires de Moscou, d’Irbit ou d’Astrakhan, où se pressent Européens et Orientaux, les Russes vendent des bois de construction, des cuirs, des céréales, du lin, du bétail et achètent des produits manufacturés. Les échanges s’intensifient principalement avec la Perse et avec la Chine par la Sibérie.
La Russie reste pourtant un pays essentiellement agricole. La colonisation progresse lentement vers les steppes du Sud et du Sud-Est, mais les guerres freinent cette expansion et favorisent la désertion des serfs et des paysans libres. Aussi les grands propriétaires se plaignent-ils du manque de main-d’œuvre et, pour y remédier, transforment-ils de plus en plus des paysans libres en serfs attachés à la glèbe. L’aggravation du régime du servage, plaie de la Russie des deux siècles suivants, date de cette époque.
En 1722, la descendance de Pierre le Grand ne comporte plus que trois filles, dont deux nées hors mariage, une petite-fille et un seul petit-fils.
L’empereur qui a fait tuer son fils Alexis promulgue une loi selon laquelle le souverain régnant devait désigner lui-même son successeur, à l’encontre de la tradition russe qui voulait que la succession légale soit le fils aîné. Il réussit à marier Anna Petrovna , sa fille née hors mariage de sa seconde femme et alors âgée de 16 ans et demi, avec Charles Frédéric de Holstein Gottorp , qui avait échoué à prendre la succession de son oncle Charles XII de Suède à sa mort en 1718, et avait alors quitté la Suède, devenant commandant des troupes de la Garde à Saint-Pétersbourg. Le contrat de mariage stipulait qu’Anna et Charles Frédéric devaient abandonner toute prétention au trône de Russie, et Pierre obtient à la suite de cette clause le droit de nommer son successeur.
De ce mariage naquit le futur Pierre III de Russie en 1728 ; Anna mourut peu après, à l’âge de 20 ans. Cependant, frappé d’une nouvelle crise d’urémie, le tsar mourut en janvier 1725 sans avoir désigné d’héritier. La garde proclama impératrice Martha Skavronskaya, que l’empereur avait fait couronner impératrice l’année précédente et qui monta sur le trône en tant que Catherine 1ère de Russie.
Elle mourut deux ans plus tard laissant le trône au fils du défunt tsarévitch et de la défunte Charlotte de Brunswick Wolfenbüttel, Pierre II de Russie . Trop jeune pour gouverner, celui-ci laisse d’abord les rênes du pouvoir à la famille Dolgoroukov qui prend le contre-pied de la politique de Pierre le Grand et de Catherine 1ère avant de s’emparer du pouvoir et de poursuivre l’œuvre de Pierre, en étant notamment conseillé par Menchikov, qui avait été nommé chef du gouvernement par Catherine 1ère. À la mort de Pierre II, sa cousine Anna Féodorovna , fille du tsar Ivan V de Russie, frère de Pierre le Grand, s’empara du pouvoir.
Les guerres contre le roi de Suède Charles XII, en particulier, ont fait de la Russie, à la suite de la paix de Nystad, en 1721, la première puissance de l’Europe du Nord. L’ouverture d’une façade maritime sur la mer Baltique en est le signe le plus visible, de même que la fondation de Saint-Pétersbourg, sur le même littoral, est la démonstration la plus éclatante de l’européanisation de la Russie voulue par Pierre le Grand. Avec son urbanisme et son architecture inspirée des grandes capitales occidentales, la ville est devenue la capitale des tsars en 1715.