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Henri de Navarre héritier de la couronne

dimanche 31 mars 2013

Henri de Navarre héritier de la couronne

Durant cette période, une ligue se forme à Paris. Elle est d’origine roturière, composée de bourgeois, et non de nobles. Bien que se ralliant à la première ligue, cette dernière est beaucoup plus radicale. Dotée de sa propre milice, cette ligue a la maîtrise de la ville. Le noyau principal de cette ligue constitue une sorte de société secrète, avec ses réunions régulières, son serment qui lie tous les membres et son argent venant de dons et cotisations. Des personnes membres vont dans les autres régions de France et d’autres noyaux de cette ligue se forment en Touraine, Champagne, Bourgogne notamment.

Pour eux, la perspective d’un roi protestant en France est insoutenable. En effet, leur croyance les porte à croire que le bonheur du peuple est lié à la bénédiction de Dieu sur le roi. Et comment Dieu pourrait-il bénir un roi protestant ? Bien que cette ligue ait une liaison avec la ligue nobiliaire, notamment par l’intermédiaire du sieur de Maineville, cette dernière reste indépendante, peu enclin au respect des hiérarchies. Ainsi leurs relations mutuelles sont plutôt complexes. A leurs yeux, Henri III n’a plus de légitimité. Seuls les États Généraux ont autorité quand aux décisions concernant les impôts. Après 1591, les ligueurs adoptent une position encore plus radicale et souhaitent également une soumission de la noblesse vis à vis du peuple. Le 12 mai 1588 a lieu le soulèvement de la ville de Paris. Celui-ci puise son origine de la conjoncture difficile, qu’elle soit intérieure ou extérieure, de nombreuses insatisfactions et une certaine peur religieuse. A Paris et dans d’autres villes, les prix flambent et la mendicité s’accroît. La hausse des impôts n’arrange rien. Ce mécontentement attend un contexte politique favorable pour s’exprimer au grand jour. Celui-ci arrive car si le Duc de Guise paraît gagner avec l’édit de Nemours, il y a un homme qui est toujours sur son chemin : le duc d’Epernon. Ce dernier, favori du roi, se voit octroyer des charges convoitées par le duc de Guise, notamment le gouvernement de la Normandie. Celui-ci le 26 avril, part pour la Normandie. Il laisse le roi Henri III sans trop de défense. Ce dernier interdit au duc de Guise de rentrer dans Paris, malgré qu’il soit demandé par les ligueurs parisiens. Le 9 mai, le duc de guise passe outre l’interdiction, arrive dans la capitale, acclamé de tous. Henri III souhaite assurer le contrôle militaire de Paris. Il demande aux Suisses d’occuper les endroits stratégiques de la capitale. Les habitants y voient l’expression de la tyrannie royale. Ils ont peur que le duc de Guise ne soit tué.

Les parisiens vont donc s’insurger, mettant en place des barricades avec des tonneaux pleins de terre et des pavés. Le roi demande au duc de Guise de calmer la foule, ce qu’il réussit partiellement à faire. Le 13 mai, Henri III s’enfuit pour rejoindre Chartres. Cette retraite peut paraître comme une fuite honteuse mais peut être également une façon de refuser l’affrontement et le bain de sang qui en aurait découlé. Pour les ligueurs, cette journée du 12 mai 1588 et vécue comme un jour de libération. Si les artisans, marchands, gens de justice sont représentatifs de cette ligue urbaine, on y voit également le procureur général ou les conseillers. On y voit la volonté de retrouver l’union catholique mais également des objectifs plus politiques, principalement de supprimer la toute puissance du roi, appelant aux États Généraux pour remédier aux abus. A partir de 1590, Henri IV s’efforça de rétablir l’ordre et la paix dans son royaume, mais il dû finalement racheter ses possessions aux Ligueurs. Les guerres civiles entraînèrent l’abandon d’une partie des terres, et des épidémies sévirent ; ce fut le déclin de nombreuses régions. En Sologne les troubles entre catholiques et protestants continuèrent et en 1610 le Temple de Romorantin fut incendié.

Le calvinisme d’Henri de Navarre est le principal obstacle à son acceptation comme roi de France en août 1589 car, pour beaucoup de Français, le principe de catholicité du roi est ressenti de fait comme une autre loi fondamentale. Henri IV reconnaît qu’il ne pourra régner en restant calviniste et le dimanche 25 juillet 1593, Henri IV, revêtu d’un manteau et chapeau noir, d’un pourpoint et chausses de satin blanc, assisté de plusieurs princes, grands seigneurs, des officiers de la couronne et autres gentilshommes en grand nombre, précédé des Suisses de sa garde, des gardes du corps écossais et français, de 12 trompettes, est allé, à 8 heures du matin, dans la grande église de Saint-Denis pour se convertir à la foi catholique et romaine. Les rues étaient tapissées et jonchées de fleurs, le peuple répétait mille fois : Vive le Roi ! A l’entrée de l’Église étaient l’archevêque de Bourges, assis sur une chaise, couverte de damas blanc, aux armes de France et de Navarre ; le cardinal de Bourbon, plusieurs évêques l’attendaient avec la croix, le livre des Évangiles et l’eau bénite. Le soir, tous les villages d’alentour étaient éclairés par un feu de joie.

Le 27 février 1594, dans la cathédrale de Chartres, Henri, roi de Navarre, devient roi de France sous le nom d’Henri IV et obtient l’absolution du pape Clément VIII le 17 septembre 1595. Contrairement à la tradition, le nouveau souverain n’a pu se faire sacrer à Reims car la ville est entre les mains de ses ennemis, la famille de Guise. Il n’empêche qu’avec ce sacre, les Français commencent à entrevoir la fin des guerres religieuses entre catholiques et protestants qui ont ensanglanté le pays pendant une génération.

Henri IV va témoigner d’un sens politique assez rare en faisant fi de tout esprit de revanche et beaucoup de ralliements s’opèrent au prix de sévères tractations politiques et financières. Ils montrent que le rétablissement de l’ordre royal est autant une affaire de marchandage qu’un produit des victoires de l’armée royale, peu influentes en 1589, plus décisives contre les Espagnols en Bourgogne en 1595 et en Picardie en 1597. Il négocie la soumission d’une trentaine de villes ligueuses validant des traités qui détaillent minutieusement tous les privilèges politiques, judiciaires, militaires et surtout fiscaux. A l’inverse, le roi réprime sévèrement pour l’exemple Amiens, accusée de complicité avec les troupes d’invasion des Pays Bas espagnols. Les grands nobles ligueurs prennent grand soin de monnayer leur soutien contre pensions et charges. Le rachat du royaume aux gentilshommes aurait ainsi coûté 32 millions de livres, soit une année de recette fiscale.

Il ne lui restera plus qu’à renvoyer les troupes espagnoles qui étaient entrées en France sous prétexte de défendre la cause catholique. Le roi veut s’imposer, aussi bien aux huguenots qui n’admettent pas son abjuration, qu’aux catholiques qui doutent de sa sincérité. Après de longues, difficiles et laborieuses négociations, enfin, le 13 avril 1598, le roi signe à Nantes un édit de pacification. Dans un souci de réalisme commandé par les échecs de pacifications antérieures comme celle de l’édit de Beaulieu de 1576, le texte reflète le déséquilibre qui existe entre le catholicisme, religion de la très grande majorité des sujets, et le calvinisme dont les adeptes ne représentent que 7% de la population.

Celui-ci, qui est qualifié dès le préambule d’irrévocable, assure que la religion catholique demeure la religion d’état, et accorde aux membres de la religion réformée la liberté de conscience comme l’égalité civile. Le culte réformé est autorisé dans 2 lieux par bailliage principal et, si ce n’est dans la ville, au moins dans ses faubourgs. Les écoles, les universités et les hôpitaux sont ouverts aux réformés. Tout comme les charges et dignités qui leur sont désormais accessibles.

Une Chambre de l’Édit, composée de 10 conseillers catholiques et de 6 réformés est créée au Parlement de Paris, pour juger des affaires qui concernent les protestants. Les ministres de ce culte sont rémunérés par l’État, qui finance de même les écoles. Les protestants, avec l’accord du roi, peuvent demeurer organisés en parti et tenir des assemblées politiques, comme des synodes sur des questions religieuses. Enfin, les huguenots reçoivent, en gage de leur sécurité, des places de sûreté parmi lesquelles on compte les villes fortifiées que sont Grenoble, Saumur, Montauban, Nîmes, Montpellier, La Rochelle.

Les princes d’Europe qui s’en tiennent au précepte “Cujus regio ejus religio”, qui implique un seul roi et une seule foi, sont outrés. Le pape Clément VIII se dit crucifié. “Il est temps que nous tous, saouls de guerre, devenions sages à nos dépens”. Ce voeu du roi, après 38 ans de guerres civiles, ne suffit pas à convaincre le Parlement de Paris à enregistrer l"Édit.

Henri IV le convoque au Louvre et le somme : “Je suis plus catholique que vous, fils aîné de l’église ; aucun de vous ne l’est, ni ne peut l’être. Vous êtes mon bras droit, mais quand la gangrène s’y met, le gauche le coupe. J’ai fait le soldat. Aujourd’hui je parle en roi, et je veux être obéi". Il l"est enfin le 25 février 1599. Le parlement de Rouen est le dernier qui entérine l"Édit de Nantes en 1609. Un an avant la mort du roi. Le christianisme romain demeure religion d’État, ce qui signifie que son culte public doit être rétabli dans tous les bourgs et villes du royaume et que les huguenots doivent restituer tous les biens ecclésiastiques dont ils se sont emparés pendant les troubles. Ils reçoivent cependant un certain nombre de privilèges fondant une liberté religieuse limitée. Le principe de la liberté de conscience étant proclamé par l’édit de Nantes, ils ne sont pas obligés d’assister au culte catholique, ni de subir la visite du curé auprès des malades et des agonisants, ni d’acquitter une taxe spécifique. Mais ils doivent payer la dîme, cet impôt d’environ 1/12ème sur les récoltes, versée au bénéfice de l’Église romaine. Ils doivent également respecter les fêtes chômées du calendrier catholique.

Mais, les calvinistes sont loin d’avoir obtenu une totale liberté de culte public. Celui-ci n’est possible que dans les lieux où il était effectif de 1596 à août 1597 et là où il avait été autorisé par l’édit de Poitiers en 1577. Par bailliage, la circonscription judiciaire de base de la monarchie, les protestants peuvent bénéficier d’une ville ou de deux. Leur choix est cependant limité par toutes les concessions acceptées par Henri IV dans ses négociations antérieures pour faciliter le ralliement des Ligueurs. Le culte public est interdit dans la capitale et jusqu’à 5 lieues autour d’elle, ainsi que dans la plupart des villes épiscopales. La vente de livres protestants n’est autorisée que dans les lieux d’exercice du culte public et les cimetières doivent être différenciés. L’autorité royale valide néanmoins tout le système presbytéro-synodal, française, basée sur les consistoires coiffés. Et le roi s’engage aussi à verser 45 000 écus par an pour assurer le salaire des pasteurs. Ils obtiennent l’accès à tous les emplois, spécialement aux offices royaux, ce qui leur ouvre les carrières de l’administration royale. Cette clause, hautement symbolique, satisfait particulièrement les huguenots. Car dans la tradition monarchique, les offices étant interdits aux hérétiques, les admettre à la fonction publique revient en quelque sorte à les laver de l’accusation d’hérésie. Ce raisonnement, l’Église catholique et de nombreux fidèles ne l’acceptent évidemment pas.

L’équité judiciaire est assurée par la création de chambres mi-parties dans les parlements de Paris, dans ceux de Bordeaux et Grenoble, ainsi qu’à Castres pour le parlement de Toulouse. Les justiciables calvinistes sont assurés d’y trouver une magistrature mixte. Ils obtiennent le droit de créer des établissements scolaires et d’assistance dans les villes où un culte public est autorisé et s’additionne au droit d’envoyer les enfants protestants dans tous les collèges de ville, les universités, les hôpitaux et institutions de charité.

Pour garantir l’avenir, les huguenots obtiennent des privilèges militaires sous la forme de places de sûreté. Le roi confie aux huguenots pour 8 ans la garde des villes qu’ils tenaient en août 1597, soit environ 150 places. Un peu moins de la moitié de ces villes reçoivent des garnisons dont le roi nomme le gouverneur et qu’il finance à hauteur de 180 000 écus par an. Les autres sont des villes plus petites qui se défendent par elles-mêmes grâce à leur milice bourgeoise. La plupart de ces places de sûreté sont naturellement situées dans le croissant huguenot qui regroupe le Poitou, l’Aunis, La Saintonge, la Guyenne, le Languedoc et le Dauphiné. Toutefois, L’article 82 de l’édit principal interdit toute assemblée non autorisée ainsi que la levée de troupes ou de taxes. Même si l’article 43 du brevet du 30 avril admet le principe d’un conseil provisoire chargé de superviser la mise en application de l’édit. Ce n’est donc que progressivement que le roi laisse se développer une structure politique de représentation du parti calviniste.

En préparant l’édit de Nantes, tous les négociateurs et Henri IV lui-même se sont plutôt situés dans la logique d’une recherche de concorde, c’est-à-dire d’établissement de règles permettant une coexistence pacifique transitoire, le temps de fonder les conditions politiques et religieuses capables de permettre une réconciliation des frères séparés au sein d’une même Église chrétienne. D’où une profonde ambiguïté autour de ce compromis imposé par l’impasse de la solution militaire. Chaque confession, prenant acte de l’absolue nécessité de passer de l’engagement guerrier au militantisme religieux, nourrit les plus grands espoirs sur son potentiel de prosélytisme. En acceptant d’abandonner la violence destructrice pour une dynamique spirituelle, les plus zélés de chaque parti ne perdent pas de vue le sens final de ce qui reste une bataille.

Replacer l’édit de Nantes dans le grand débat sur la souveraineté qui a accompagné les guerres civiles après la poussée absolutiste du premier 16ème siècle revient à souligner la dualité de son enracinement. D’un côté, le succès de l’édit de Nantes se nourrit de l’affirmation de la suprématie du pouvoir royal qui dicte ses arbitrages, ce qui relève de l’idéal absolutiste défendu par Jean Bodin en 1576. De l’autre, la pacification résulte d’une négociation avec un corps privilégié donnant à la loi un statut contractuel, ce qui renvoie plutôt au modèle de la monarchie tempérée souvent invoqué dans les justifications des prises d’armes. Le risque majeur pour l’édit de Nantes réside dans la difficulté à faire vivre la synthèse fragile entre des philosophies politiques divergentes. Henri IV est souvent obligé de rechercher un équilibre entre des thèses opposées. La démarche royale préfigure d’ailleurs le côté contradictoire du règne réparateur du premier roi Bourbon. En effet, fonder une stratégie de concorde religieuse à la fois sur l’établissement d’une minorité, dotée de privilèges politiques et militaires, et sur le poids d’une autorité royale prépondérante, introduit une contradiction qui ne demande qu’à s’exacerber. Cette solution, livre le calvinisme aux tentations contestataires de la noblesse, contient en germe le risque de remise en cause de l’édit par tout régime en quête d’absolutisme. Comme les autres paix de religion de la seconde moitié du 16ème siècle, l’édit de Nantes repose sur le principe d’une certaine sécularisation du politique. Contrairement à l’approche des Ligueurs qui conservent une vison théocratique de la monarchie dans laquelle la défense du christianisme romain doit inspirer toute la législation royale, les Politiques ont été obligés, dans leur désir d’éviter la guerre civile perçue comme le pire des dangers pour un État, de glisser de l’humanisme érasmien à une perception plus autonome du champ politique.

La radicalisation des problèmes et les déceptions nées des échecs de l’irénisme* conciliaire font que ce n’est plus le rétablissement de l’unité religieuse qui prime dans la mission du Prince mais d’abord la restauration de la paix civile, grâce à l’acceptation solutions juridiques de coexistence pacifique.

La reprise en main du royaume devait, nécessairement, s’appuyer sur un certain nombre de forces politiques. Apparemment, trois groupes coexistèrent : le parti protestant, le groupe des catholiques royalistes, celui des catholiques ligueurs ralliés à temps, composé des parlementaires parisiens et des puissances “féodales", princes et grands nobles redoutables par leurs clientèles. Il existait entre ces groupes un consensus politique, l’urgence de la paix et de la reprise des affaires et un support social commun (propriétaires seigneuriaux et acquéreurs d’offices). Enfin, la bourgeoisie d’affaires se retrouvait à la fois dans le camp protestant, catholique et parlementaire. Les divergences de détail restaient innombrables, les oppositions fondamentales profondes. Mais, momentanément, le dénominateur commun de la paix intérieure incarnée par Henri IV, ressenti comme une nécessité étatique par tous ceux qui étaient sensibles au “bien public”, allait dans le sens de l’action royale. Le gouvernement de Henri IV représente donc une coalition de riches, regroupant provisoirement tous les détenteurs de grandes fortunes, ce qui explique la présence d’un entourage des plus composites. On y trouve le fidèle Sully, entré en 1596 au Conseil des finances, grand voyer et grand maître de l’artillerie en 1599.

Il n’occupe pas encore la première place au Conseil. À ses côtés, l’autre personnage protestant de marque est Barthélemy de Laffemas qui, dès 1596, exposait ses vues mercantilistes à l’assemblée des notables de Rouen. Face aux protestants, Villeroy, rallié de 1594, est chargé des affaires étrangères. Il est secondé par le président Jeannin, négociateur du traité de Vervins. Ainsi s’établit un premier équilibre des forces, les catholiques détenant le gage capital de la direction de la politique extérieure, qu’ils infléchissent souvent dans un sens pro espagnol. L’économie et les finances reviennent aux protestants.

Le personnage de premier plan est Pomponne de Bellièvre, chancelier en 1599, l’ancien conseiller du Sénat de Savoie est devenu, pour un temps, une sorte de Premier ministre, marquant l’accord avec les Parlements. À l’hétérogénéité de cet entourage politique correspond celui de la cour. Le mariage florentin, acte non seulement financier, mais aussi d’engagement politique catholique, a renforcé le groupe italien déjà solidement implanté depuis Catherine de Médicis. Pourtant le raffinement de l’ancienne cour des Valois est singulièrement compromis par l’arrivée en force des anciens chefs de guerre, bretteurs, querelleurs, avides au jeu. Henri IV s’entoure d’un sérail mêlé, où dominent les Gabrielle d’Estrées, Jacqueline de Bueil, Charlotte des Essarts, la marquise de Verneuil, toutes sensibles aux intrigues politiques. Cohabitant, sans trop de difficultés, avec ces aimables pécheresses, la cohorte des réformateurs religieux, tribu fort bien traitée, tente, non sans succès, d’influencer le roi. Parmi eux, la figure exceptionnelle d’un François de Sales ou d’un Bérulle annonce le “renouveau” de l’Église de France. Il est difficile de qualifier cette politique.

Elle est faite de pardons, de générosités calculées au plus juste, d’achats de consciences, tragi-comédie qu’interrompt parfois un indispensable coup de force du maître. La finesse narquoise du prince excelle à ces jeux subtils qui, cependant, l’impatientent de plus en plus. Partout “loeuvre" progresse. Au-dehors, Lyon, deuxième ville du royaume, restait très exposée. De plus, l’une des grandes voies royales de l’empire espagnol, conduisant de Milan aux Flandres par l’intermédiaire de la Franche-Comté, longeait la France.

Une promenade militaire, amplement justifiée par la non restitution du marquisat de Saluces et les incessantes intrigues savoyardes, aboutit au traité de Lyon en 1601. La Bresse, le Bugey, le Valromey et le pays de Gex parurent aux contemporains une médiocre compensation à l’abandon du marquisat de Saluces. Mais Lyon était désormais mieux protégée, et la route espagnole occidentale coupée. À l’intérieur, Sully procédait aux trop classiques mesures de rétablissement des finances : annulation des lettres de noblesse accordées entre 1578 et 1598, économies, ventes d’offices, mais aussi diminution progressive des tailles entérinée par le règlement de 1604. En même temps, il réussissait à reconstituer l’intégrité du domaine royal, plus ou moins démantelé aux époques précédentes. L’essentiel du règne se trouve cependant ailleurs. Les gouverneurs de province, dont les guerres de la Ligue avaient révélé le danger, voient se restreindre leurs prérogatives. Doublés par des lieutenants généraux, quelques-uns regimbent. En 1602, il fallut exécuter le maréchal de Biron, gouverneur de Bourgogne, puis, plus tard, ramener à raison le duc de Bouillon. L’un était catholique, l’autre protestant. La grande nouveauté est la systématisation du procédé d’envoi de commissaires départis, ancêtres des intendants. La monarchie centralisatrice s’installe.

Sur le plan économique, Henri IV fait appel à Olivier de Serres. En 1601, 20 000 mûriers sont plantés dans les jardins des Tuileries. Mieux encore et ceci témoigne d’une conception nouvelle de l’action administrative le chapitre “sériciculture” du Théâtre d’agriculture d’Olivier de Serres est tiré à part, à raison de 16 000 exemplaires, un par paroisse. En 1599, Laffemas fait venir l’ingénieur hollandais Humfroy Bradley. En 12 ans, la petite Flandre du bas Médoc et la partie aval des marais poitevins sont asséchés. Les édits mercantilistes se succèdent, tout comme fleurissent les essais d’industries nouvelles. Tapisserie des Gobelins, verrerie de Melun, soierie de Dourdan, dentelles de Senlis, draperies de Reims et de Senlis. Le but est clair, diminuer les importations coûteuses d’étoffes de luxe, faire du pays un exportateur de ces mêmes produits. En 1602, Laffemas devient contrôleur général du commerce. Les corporations elles-mêmes n’échappent pas à la réglementation, limitée, il est vrai, par les privilèges et les monopoles accordés aux artisans et aux manufacturiers novateurs par l’édit de 1597 sur l’extension des maîtrises et des corporations.

L’équilibre précaire des forces antagonistes ne pouvait durer longtemps. Dès 1602, les signes de crise se multiplient. En fait, les ultras des deux bords s’accommodaient d’autant plus mal de l’état de choses existant qu’il ne manquait pas, dans l’Europe, de boutefeux intéressés. La paix avec l’Espagne faillit être rompue en 1604 Henri IV céda. Mais l’allié hollandais, déçu, réclama un soutien financier accru. Expéditions internes préventives, accroissement de l’effort d’équipement militaire français, exigences financières des alliés de l’intérieur et de l’extérieur ne pouvaient que compromettre les effets du redressement financier. Dès 1603, il faut de nouveau recourir aux expédients. Villeroy passe au second plan tandis que s’impose l’autorité bougonne de Sully. Gouverneur du Poitou en 1604, il prend la première place au Conseil l’année suivante.

Sa mission est de trouver de l’argent. Le plus spectaculaire des expédients est, toujours en 1604, la création de la paulette, concession majeure accordée aux parlementaires. Face à l’instabilité de la situation extérieure, face aux dangers intérieurs, le renforcement de la bureaucratie royale et la diminution des pouvoirs traditionnels, il fallait lâcher du lest. La garantie donnée par l’édit de la Paulette aux propriétaires d’offices devenus propriété privée, constituait la concession indispensable. Le renforcement de l’autorité royale, inscrite dans les faits, correspond bien à l’évolution de la personnalité du souverain. En 1604, Henri a 51 ans. Il éprouve, après 8 ans d’exercice du pouvoir, une sorte d’impatience devant l’accumulation des obstacles. Il s’accommode de plus en plus mal des réticences, discute moins, ordonne plus. Bellièvre perd son poste de chancelier en 1605, quitte le Conseil en 1607. L’étoile de Sillery, l’adversaire de Sully, monte. C’est vraisemblablement le signe de la nécessité qu’éprouve le roi de donner des gages. Le rappel des Jésuites, en 1603, procède de cette même optique, tout comme le choix du père Coton comme confesseur. La pression financière s’accentue. Les réserves sont constituées au prix d’acrobaties financières discutables. Plus que jamais, les grands financiers se tiennent dans l’ombre du trône, dont ils sont l’un des plus sûrs soutiens. Les dépenses non politiques diminuent, l’effort mercantiliste se ralentit.

Contrainte à un jeu d’équilibre constant entre deux idéologies toujours prêtes à s’affronter, toujours méfiantes, s’appuyant sur une coalition temporaire d’intérêts provisoirement attachés au même maître, la royauté n’a guère la possibilité d’avoir une action profonde sur le pays. Composer d’un côté, imposer de l’autre, à tour de rôle ; la victime de cette nécessité est le peuple des campagnes.

Le monde urbain, surtout le parisien, en souffre moins. Au relâchement du mercantilisme créateur correspond une véritable politique de rénovation urbaine. La sensibilité artistique du roi n’est probablement guère en cause. Il cherche, tout simplement, à relancer la construction. D’où le plan grandiose de la place Royale, conçue primitivement pour les ouvriers d’une manufacture de soie et de fils d’argent ; d’où encore l’aménagement de la place Dauphine, la construction du pont Marchant 1608, du pont Neuf en 1609 et des lotissements des bords de Seine. Parallèlement, la vogue des châteaux privés s’exaspère. La grande vague de pierre qui s’apprête à recouvrir la France débute. Le fragile équilibre politique paraît s’être traduit par un abandon partiel de la masse rurale aux politiques économiques rurales nouvelles, résumées entre autres par la métairie. Il convient donc de ramener l’importance des mesures prises par la royauté en faveur des paysans à de plus justes proportions ; ce sont des mesures de circonstances destinées à pallier les effets des abus les plus criants : abaissement de la taille, restitution des communaux aux paysans, encouragements divers. En même temps, la reprise du mouvement démographique s’amorce. Ainsi, dans le comté nantais, le règne correspond au redressement de la courbe de natalité rurale, en baisse depuis les années 1560-1570. Dans le Languedoc, même reprise démographique. La tendance à la reprise paraît donc nette, mais d’ampleur variable de région à région. Finalement, l’activité royale permet la paix, la création d’embryons d’industries de luxe plus ou moins solides, la mise en chantier de quelques grands travaux de communication, canal de Briare, routes royales bordées d’ormes. La paysannerie peut d’autant moins apprécier ces réalisations que la royauté, s’appuyant sur les forces nobiliaires et bourgeoises en pleine crise de réadaptation structurelle, est obligée de composer avec elles.

L’écart de fait, sinon institutionnel, entre les deux groupes, a provisoirement diminué à la suite de la pénétration de la noblesse terrienne par une bourgeoisie en plein essor. Il ne fait cependant pas de doute que la bourgeoisie s’installe dans l’État, et surtout par les offices.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de histoire du 16ème siècle/ Le 16ème siècle en France (archives Ljallamion, petit mourre, encyclopédie imago mundi, l’histoire, ect....)