Philippe III le Bon (1396-1467)
Duc de Bourgogne de 1419 à 1497
Fils de Jean sans Peur, Philippe épouse Michelle de France fille de Charles VI qui lui donne les villes de la Somme, le Boulonnais [1] et la Picardie [2]. Mécène fastueux, il protégea les grands artistes flamands. Après le meurtre de son père en 1419, il s’allia à Henri V d’Angleterre et contribua à faire reconnaître le fils de ce dernier comme héritier du trône de France par le traité de Troyes en 1420 [3]. Contrairement à son père, Jean sans Peur n’a plus guère d’espoir d’accéder au trône de France. N’oublions pas que son règne coïncide avec la guerre de Cent Ans, qui oppose l’Angleterre à la France.
Philippe le Bon était partisan d’une politique de paix et il espérait réconcilier les deux parties malheureusement sans succès.
C’est à Philippe le Bon que revient le titre d’unificateur des Pays-Bas [4]. Dès le début, il se propose d’étendre son influence sur les régions néerlandaises. Pour atteindre cet objectif, il espérait pouvoir faire appel à son neveu Jean IV duc de Brabant qui avait épousé Jacqueline de Bavière, comtesse de Hainaut [5] Hollande [6] Zélande [7].
Toutefois, ces relations familiales ne suffirent pas à garantir le contrôle de l’autorité bourguignonne. Les États de Brabant [8], craignant pour leur autonomie, tentèrent par tous les moyens de contrecarrer les plans de Philippe le Bon. Il ambitionna alors de jouer le premier rôle au niveau européen. En 1420, Jacqueline de Bavière se sépara de Jean IV et se remaria avec un prince anglais. Ce dernier espérait devenir le nouveau comte de Hainaut Hollande Zélande et en 1425 il lança ses troupes dans la conquête. Mais son armée fut défaite, et il se retira en Angleterre.
Le comte Jean III de Namur , sans héritier, vendit ses droits à Philippe le Bon en 1420 et à sa mort en 1429, Namur [9] rejoignit les possessions de la maison de Bourgogne. Jean IV de Brabant meurt en 1427, et son frère Philippe de Saint-Pol lui succéda, celui-ci meurt à son tour, en 1430, sans descendance et parmi les différents candidats à la succession, les États brabançons donnèrent la préférence à Philippe le Bon, venu auprès d’eux plaider sa cause.
En 1428, Philippe le Bon obligea Jacqueline de Bavière, à le reconnaître comme héritier. A la mort de celle-ci en 1436, ces 3 comtés furent annexés à la maison de Bourgogne. Il chercha à régner sur le plus grand nombre de territoires possible et pour montrer que sa puissance égalait celle des rois, il créa l’ordre de la Toison d’or [10]. Son autorité grandissante inquiéta ses voisins français et allemands. Pris dans l’étau franco-allemand, il se vit contraint, par le traité d’Arras en 1435 [11], de soutenir les Français face aux Anglais. En échange, Philippe le Bon fut déchargé des obligations qui incombent à tout vassal du roi de France. Sa puissance européenne fut, de ce fait, explicitement reconnue.
En 1441, Elisabeth de Görltiz , duchesse de Luxembourg [12], fit de Philippe le Bon son successeur et a sa mort en 1451, le Luxembourg s’ajouta à la liste de ses États. A cette date, toutes les régions belges, à l’exception de la principauté de Liège [13], furent donc réunies sous sa seul souveraineté ; ce qui fit de lui le grand-duc du Ponant [14].
Les différents territoires des Pays-Bas furent donc regroupés au sein d’une union personnelle, dirigées par un seul souverain, mais néanmoins les régions gardèrent leurs institutions propres. Philippe le Bon voulu créer un état fort avec une plus grande cohésion. Pour cela, le Grand Conseil des ducs de Bourgogne jouera ce rôle d’institution centralisatrice. Celui-ci est présidé par le chancelier Nicolas Rolin. L’uniformité de la jurisprudence jouera également un rôle important par la possibilité d’introduire un recours contre les jugements des échevinages auprès du Grand Conseil ducal, limitant la portée des jugements des tribunaux urbains.
Pour affermir son pouvoir dans les villes et les régions, il chercha à s’attirer la sympathie des responsables locaux, en distribuant présents ou titres de noblesse. Bruges [15] et Gand [16] résistèrent aux attaques portées contre leur autonomie. La première se souleva en 1436-38 et Gand en 1453. Néanmoins, les deux villes durent se soumettre au souverain, fort de sa domination sur les campagnes voisines.
Sur le plan financier, Philippe le Bon tenta de s’assurer le contrôle des revenus. Il réussit à faire verser une grande partie des revenus des villes et communes au trésor public. Il dota également les diverses régions d’une monnaie commune. Ses tentatives pour lever une taxe sur le sel échouèrent cependant. Le sel constituait à cette époque un moyen de conservation indispensable et grever ce produit d’une taxe aurait assuré à Philippe le Bon une rentrée financière stable. Devant la violence de l’opposition à ce projet il renonça.
En favorisant la prospérité de ses fiefs, il consolide sa puissance et mène sa politique économique en concertation avec les régions. Les 30 dernières années de son règne furent largement favorables aux habitants des anciens Pays-Bas.
Malgré le traité d’Arras, Philippe le Bon réussit à sauvegarder les relations économiques que ses fiefs entretenaient avec l’Angleterre, et conclura quelques accords commerciaux. En 1440, la maison de Bourgogne fut en paix avec ses voisins. La position de Philippe le Bon fut unanimement reconnue. Le titre de roi, consécration de sa politique, lui sera refusé par l’empereur germanique, qui craignait trop la puissance de Philippe pour accéder à sa demande.
Il mourut le 15 juin 1467, son fils Charles le Téméraire lui succéda.
Notes
[1] Le Boulonnais est une région naturelle maritime et bocagère située sur le littoral de la Manche, dans le département du Pas-de-Calais. La principale ville du territoire est Boulogne-sur-Mer, suivie de plusieurs villes de sa banlieue
[2] La Picardie fut entre 1477 et 1790, une province du royaume de France, en même temps qu’un territoire géographique et culturel, situé au nord-ouest de la France et bordé par la Manche. La province de Picardie n’émergea réellement qu’à la fin du Moyen Âge (fin du 15ème iècle), lorsqu’elle devint la marche frontière entre les Pays-Bas bourguignons et le royaume de France. Un gouvernement de Picardie fut alors créé, qui disparut à la Révolution française.
[3] Le traité de Troyes est le traité marquant la suprématie anglaise (l’Angleterre, cependant, possédait à l’époque la Guyenne et la Normandie) au cours de la guerre de Cent Ans.
[4] Les Pays-Bas bourguignons sont le nom donné, a posteriori, aux provinces des Pays-Bas historiques acquises par les ducs de Bourgogne de la maison de Valois-Bourgogne puis par les Habsbourg, entre les 14 et 16ème siècle. Leur territoire couvre actuellement la majeure partie des Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg et des Hauts-de-France. Au sein de l’État bourguignon, ils sont plus fréquemment qualifiés de « pays de par-deçà », pour les distinguer des « pays de par-delà », les possessions plus méridionales de Bourgogne et Franche-Comté, avant que ne se développent les appellations « Dix-Sept Provinces », « pays bas » et « Belgica » (voire « Bourgogne », après l’annexion du duché proprement dit par la France). Ces territoires sont officiellement unis par la Pragmatique Sanction que leur confère Charles Quint en 1549. En 1555, ils sont légués à Philippe, roi des Espagnes à partir de 1556, et forment les Pays-Bas espagnols.
[5] Le comté de Hainaut ou Hainau est un ancien comté qui relevait du Saint Empire romain germanique, qui se trouvait en bordure du royaume de France.
[6] Le comté de Hollande portait alors un nom différent, celui de Frise Occidentale. Ce n’est qu’à la fin du 11ème siècle qu’un de ses descendants s’intitulera comte de Hollande. Cette région était alors très différente de ce qu’elle est actuellement, car envahie par des marais où peu de gens vivaient. Seules les zones littorales de dunes et le long des vallées fluviales étaient habitées
[7] Le comté de Zélande était l’une des Dix-Sept Provinces. Il forme aujourd’hui avec la Flandre zélandaise la province de Zélande. Le territoire a toujours été un pion dans la compétition entre ses voisins plus puissants, les comtés de Hollande, de Hainaut et de Flandre. En 1323, lors du traité de Paris entre la Flandre et le Hainaut/Hollande, le comte de Flandre a renoncé à ses revendications sur la Zélande et a reconnu le comte de Hollande comme comte de Zélande. Néanmoins, elle est restée un état indépendant, passant successivement sous l’autorité des comtes de Hollande, des ducs de Bourgogne, puis des Habsbourg d’Espagne.
[8] Le Brabant est une région géographique à cheval sur la Belgique et les Pays-Bas. Il couvre une surface de 11 308 km². Le titre de duc de Brabant a été créé lorsque l’empereur Frédéric Barberousse éleva en 1183/1184 le landgraviat de Brabant en duché en faveur de Henri 1er de Brabant. En 1190, Henri 1er succède à son père Godefroid III de Louvain comme duc de Basse-Lotharingie (Lothier), mais sans autorité territoriale ou judiciaire en dehors de ses propres comtés. À partir de 1288, les ducs de Brabant deviennent aussi ducs de Limbourg.
[9] Le comté de Namur est un ancien comté qui relevait du Saint Empire romain germanique, qui se trouvait entre l’évêché de Liège, le duché de Brabant et le comté de Hainaut. Il comprenait les villes de Namur, Charleroi, Givet, Bouvignes, Mariembourg et Fleurus.
[10] L’ordre de la Toison d’or, dit aussi la Toison d’or ou la Toison, est l’ordre de chevalerie le plus élevé et prestigieux de l’Espagne, fondé à Bruges (ville de l’État bourguignon) le 10 janvier 1430 par Philippe le Bon, duc de Bourgogne, à l’occasion de son mariage avec Isabelle de Portugal. Son premier chapitre se tient à Lille l’année suivante, en 1431, le port du collier devenant obligatoire le 3 décembre 1431. Le nom de l’ordre est inspiré du mythe grec de la Toison d’or, complété par l’histoire biblique de Gédéon (en référence à sa force spirituelle, comme indiqué sur la somptueuse tapisserie qui ornait les lieux de réunion des chapitres à partir de 1456). Dès lors l’ordre de la Toison d’or sera placé sous le patronage des deux personnages.
[11] Le traité d’Arras fut signé en 1435 entre le roi de France, Charles VII, et le duc de Bourgogne, Philippe le Bon ; il mit fin à la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons.
[12] Le duché de Luxembourg est une ancienne principauté du Saint-Empire romain germanique. Il était beaucoup plus étendu que l’actuel grand-duché, puisqu’il regroupait l’actuel grand-duché, la province belge de Luxembourg, une partie de la province de Liège (environs de Saint-Vith) telle qu’on la connaît aujourd’hui, les alentours de Montmédy et de Carignan ainsi que ceux de Thionville jusqu’à Marange-Silvange en France (région Grand Est), ainsi que la région comprenant Bitburg, Neuerburg, Kronenburg, Manderscheid et Schleiden dans l’Eifel, mais aussi les localités d’Igel, aux portes de Trèves, et de Sarrebourg sur la rive droite de la Moselle (Land de Rhénanie-Palatinat) en Allemagne.
[13] La principauté épiscopale de Liège était un État du Saint Empire romain, compris dans le Cercle de Westphalie, ayant pour capitale la ville de Liège. C’est en l’an 985 que naît la principauté épiscopale. C’est à cette date que Notger, déjà évêque de Liège depuis 972, devient prince-évêque en recevant le comté de Huy. Cet État a existé pendant plus de 800 ans, jusqu’à la révolution liégeoise en 1789.
[14] de l’Occident
[15] Bruges est une ville de Belgique située en Région flamande, chef-lieu et plus grande ville de la province de Flandre-Occidentale. Bruges apparaît au 10ème siècle en tant que place forte du comté de Flandre. En 1134, un raz-de-marée a pour conséquence bénéfique d’ouvrir un bras de mer, le Zwin, donnant un accès direct à la mer pour la ville, ce qui entraîne un développement urbain spectaculaire entre le 12ème et le 15ème siècle, avec le creusement de nombreux canaux. Forte de son indépendance communale symbolisée par son beffroi, Bruges devient une plaque tournante portuaire, commerciale et financière centrale dans l’Europe du Moyen Âge, reliant les pays de la mer du Nord et de la Baltique à la Méditerranée. Les riches marchands brugeois traitaient avec ceux de toute l’Europe.
[16] Gand est une ville belge néerlandophone, située en Région flamande au confluent de la Lys et de l’Escaut. C’est le chef-lieu de la province de Flandre-Orientale et depuis 1559 le siège de l’évêché de Gand. Capitale de l’ancien comté de Flandre, grande cité drapière et commerçante, puis ville natale de Charles Quint, elle connut à partir du 12ème siècle, et plus encore du 14ème au 16ème siècle, une période de floraison tant économique que culturelle. En 1500, Jeanne de Castille y donna naissance à Charles Quint, futur empereur romain germanique et roi d’Espagne. Quoique natif de Gand, celui-ci prit des mesures brutales pour réprimer la révolte de Gand en 1539, exigeant que les notables de la ville défilent pieds nus avec une corde autour du cou : depuis cette époque, les Gantois sont surnommés Stroppendragers (les « garrotés »). La congrégation de Saint-Bavon fut dissoute, son monastère rasé et remplacé par une caserne ducale. Seuls quelques édifices de l’ancienne abbaye échappèrent à la démolition. La fin du 16ème et le début du 17ème siècle se traduisirent par des bouleversements liés à la guerre de Quatre-Vingts Ans. Face à la menace des troupes espagnoles, des états généraux des Dix-Sept Provinces se tiennent à Gand en 1576. Il en résulte un acte de pacification qui affirme l’autonomie nationale contre les ministres et les troupes espagnoles. Don Juan d’Autriche est obligé d’accepter la pacification de Gand. Cependant, la minorité calviniste, organisée en un parti d’une grande efficacité, s’empare du pouvoir par la force. En 1577, les calvinistes s’appuient sur le programme du prince d’Orange qui promet la restauration des libertés communales. Les vieilles magistratures municipales retrouvèrent leurs prérogatives, les chartes confisquées réapparurent et les métiers siégèrent derechef à la Collace. Gand est pour un temps une république calviniste. Mais bientôt les Espagnols, conduits par Alexandre Farnèse, reprirent la ville, la convertissant définitivement au catholicisme. Les conflits de la guerre de Quatre-Vingts Ans mirent un terme au rayonnement international de Gand. La ville est prise en 1678 par Vauban