En 406, les Carthaginois, sous le commandement d’Hannibal de Giscon et d’Himilcon II, tentent de prendre l’intégralité de la Sicile et s’emparent notamment d’Agrigente [1], désertée par ses défenseurs. Un jeune Sicilien de 25 ans, Denys, profite alors de l’indignation générale pour se faire connaître.
À l’assemblée syracusaine, il réclame la condamnation immédiate et sans procès des généraux responsables de la chute d’Agrigente. La proposition étant illégale, il est mis à l’amende, aussitôt payée par l’un de ses riches amis, Philistos. Denys peut donc garder la parole. Il entraîne la conviction du peuple. Les stratèges sont destitués et un nouveau collège est nommé à leur place, parmi lesquels figure Denys.
Il rappelle derechef les citoyens bannis lors du coup de force d’Hermocrate. Envoyé à Géla [2] pour stopper l’avance carthaginoise, il s’allie avec le Lacédémonien [3] Deixippos, commandant une garnison à proximité. Il se rend également populaire en saisissant et en revendant les biens des riches. L’argent collecté lui permet d’augmenter la solde de ses soldats. Rentré à Syracuse, il obtient de l’assemblée la destitution de ses collègues et se fait nommer “stratêgos autokratôr,” doté des pleins pouvoirs. Cependant, le peuple lui refuse une garde personnelle, jugée tyrannique. Il met alors en scène un faux attentat contre sa personne, à l’instar du tyran athénien Pisistrate. Ses troupes lui accordent alors 600 gardes du corps, chiffre bientôt porté à 1 000. Il renforce également sa position en épousant la fille d’Hermocrate.
Sa lutte contre les Carthaginois n’est pas aisée. Au printemps 405, il échoue à protéger Géla et Camarina [4], 2 cités voisines, et doit donner l’ordre d’évacuer. En somme, il ne fait guère mieux que les stratèges qu’il avait fait destituer au départ. De riches Syracusains en profitent pour tenter de le renverser. Une première tentative échoue grâce aux gardes du corps de Denys. Les forces rebelles menées par les aristocrates syracusains maintiennent malgré tout le siège de la forteresse dans laquelle Denys s’est réfugié. Cependant, il parvient à faire échouer la conspiration en faisant appel aux Spartiates. Les aristocrates parviennent tout juste à s’enfuir dans la forteresse d’Etna.
Profitant d’une épidémie de peste dans les rangs des Carthaginois, il conclut avec ces derniers une première trêve, par laquelle il leur laisse la partie occidentale de l’île. En outre, Messine, Catane, Naxos et les Sikèles doivent être « autonomes », c’est-à-dire hors de l’hégémonie de Syracuse.
Cependant, le traité conforte la domination de Denys sur Syracuse. Il en profite pour fortifier l’île d’Ortygie [5], au large de Syracuse, où il bâtit un palais fortifié pour lui-même. Il entoure également Syracuse d’une enceinte.
Il encourage la production d’armes et en renforce son armée. Il recrute également des ingénieurs pour inventer de nouvelles armes, comme le gastrophète, ancêtre de l’arbalète. L’oxybèle, sorte de grosse arbalète remontée par treuil, et tirant de grosses flèches (600 à 800 g) qui peuvent percer une file d’homme et sur le même principe, mais avec un projectile différent, le lithobolos envoie des boulets de pierre sur l’ennemi.
Il se constitue également une clientèle en distribuant par lots les terres confisquées à ses ennemis. Mercenaires et esclaves deviennent ainsi de nouveaux citoyens. Il craignait durant toute sa vie un complot contre lui, ainsi, il se faisait raser par ses propres filles, avec des coquilles de noix ou d’escargot, craignant qu’on tente de l’assassiner.
Ainsi renforcé, il décide de restaurer l’hégémonie syracusaine et met le siège devant la cité sikèle d’Herbessos. Cependant, les Syracusains se soulèvent et s’allient aux conjurés réfugiés dans Etna. Il doit promettre son départ pour temporiser et en profite pour recruter des mercenaires campaniens, grâce auxquels il mate la rébellion. Il récupère par trahison les cités de Naxos et Catane, dont les habitants sont réduits en esclavage.
Leontinoi [6] se rend et ses habitants sont déportés à Syracuse, où ils reçoivent ensuite la citoyenneté. En 399, Messine et Rhégion se décident à prendre les armes contre Denys, sans succès. Le tyran tente alors de se concilier Rhégion par voie matrimoniale, mais son offre essuie un échec. Il épouse alors une jeune aristocrate de Locres [7], ce qui isole encore davantage Rhégion, puis une aristocrate syracusaine.
Il reprend alors son combat avec Carthage. Sa première action est de faire saisir les biens des Carthaginois présents à Syracuse et les bateaux carthaginois mouillant dans le port. Il est imité par les autres cités siciliennes, ce qui lui permet de se faire passer pour le champion du panhellénisme.
Au printemps 397, il s’empare de la place forte de Motyè, principale base militaire carthaginoise. La ville est rasée et pillée, et les Grecs ayant combattu avec les Carthaginois sont crucifiés. Cependant, les Carthaginois ont le temps de lancer une contre-attaque. Le général Himilcon, à la tête de renforts, prend pied en Sicile à Panormos. Sa flotte prend ensuite Messine, qui est entièrement rasée. Denys est finalement vaincu au large du cap Tauroménion par Himilcon. Ce dernier commence alors le siège de Syracuse, mais une nouvelle épidémie affaiblit ses troupes, permettant à Denys de reprendre l’initiative. Les Carthaginois sont alors repoussés, permettant au tyran d’augmenter son influence jusqu’aux îles de l’Adriatique et à la côte italienne. La guerre contre Carthage reprend entre 383 et 378, puis en 368, sans changement significatif des territoires.
Il meurt en 367, en fêtant son premier prix au concours de tragédie à Athènes. Denys le Jeune, son fils, lui succède à la tête de la cité.