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L’histoire pour le plaisir

Lóegaire mac Néill

lundi 15 juillet 2024, par lucien jallamion

Lóegaire mac Néill (5ème siècle)

Haut-Roi d’Irlande semi-légendaire

Les ard rí étaient traditionnellement intronisés sur la colline de Tara. La Lia Fáil (photo) était supposée crier le nom du roi légitime lorsque celui-ci posait son pied sur elle.Fils de Niall Noigiallach ancêtre des dynasties Uí Néill [1]. L’hagiographe [2] du 7ème siècle Tírechán fixe son règne de la période 427 à 463 mais beaucoup des dates associées à Lóegaire sont basées sur la construction chronologique artificielle liée à la venue de Patrick d’Irlande en 432 et l’on estime désormais qu’il est mort à la fin de la décennie 480.

Lóegaire mac Néill est associé avec 3 éléments de la mythologie irlandaise : l’arrivée de Patrick, le tribut en bétail [3] et la Fête de Tara [4].


Selon l’hagiographe de Muirchú moccu Mactheni, qui écrit vers 700, Lóegaire un grand roi, féroce et païen, un empereur des barbares dominait l’Irlande à l’époque de l’arrivée de Patrick. Une nuit, alors que le roi célèbre une fête païenne à Tara, et qu’il est interdit à quiconque d’allumer un feu avant lui, comme c’est aussi la veille de Pâques, Patrick allume un feu sur une colline qui est visible de Tara. Les druides de Loégairé prédisent au roi que l’autre feu doit être éteint cette nuit là car autrement il ne pourra plus jamais l’être.

Loégairé convoque Patrick qui couvre de honte les druides et les conseillers du roi par une série de miracles spectaculaires et violents. Plusieurs tentatives de meurtres à son encontre sont faites par le roi et ses suivants mais Patrick avertit Loégairé qu’il doit accepter la foi nouvelle ou mourir.

Ayant pris le conseil de son peuple, le roi se soumet, et Patrick lui déclare Puisque tu as résisté à mon enseignement et été offensant envers moi, les jours de ton propre règne se poursuivront, mais aucun membre de ta postérité ne sera jamais roi. Cette malédiction est une explication a posteriori du statut marginal du Cenél Lóegairi [5].


Le récit de Muirchú diffère de celui de Tírechán, qui dit que Lóegaire reste païen en dépit des miracles de Patrick. Il aurait reçu l’ordre de son défunt père ne pas accepter la foi, mais de recevoir une sépulture de guerrier sur la colline de Tara, en gardant les bras, le visage tourné vers le Leinster [6].

L’hostilité de Loégairé envers le royaume de Leinster est également relevé par les chroniques d’Irlande [7], qui relèvent que ses activités militaires concernent principalement cette province. Dans son testament Niall Noigiallach lègue divers attributs de la royauté à ses fils et Loégairé hérite juste de la guerre.


Loégairé intervient dans le domaine juridique de deux façons notables : Tírechán le montre agissant en tant que juge avec Patrick dans un différend au sujet d’un héritage, et le prologue du code de lois dit Senchas Már précise que Loégairé convoque conjointement les meilleurs hommes d’Irlande, dont Patrick, afin de discuter de l’harmonisation de leurs lois.


La royauté Loégairé est reconnue par les chroniques d’Irlande, qui indiquent qu’il tenait la fête de Tara. C’est probablement à l’origine un rituel païen célébré uniquement par le roi de Tara, un rite qui plus tard au Moyen Âge sera considéré comme une proclamation d’un droit à la Royauté d’Irlande. Loégairé est universellement reconnu comme roi d’Irlande par toutes les listes royales, mais à une date tellement précoce que ni lui ni aucun autre souverain ne peut avoir exercer une telle autorité. Loégairé doit avoir régné sur le Connacht [8], car d’après Tírechán, c’est dans la résidence royale de Rathcroghan [9] que Patrick rencontre les filles du roi.


Selon la tradition, Loégaire succède à son cousin-germain Dathi mac Fiachra comme ard ri Érenn [10] d’Irlande en 428 ou en 445 ou 454/456 et il règne environ 30 ans. La fête païenne de Tara est célébrée en 454. Les Annales d’Ulster [11] précisent que le roi serait mort 7 ans 7 mois et 7 jours après cette cérémonie.

La saga médiévale du Bóroma [12], raconte le lourd tribut que doit payer le Leinster à l’ard ri Érenn en réparation d’une ancienne trahison. Loégairé envahit le Leinster afin d’exiger l’hommage et il est capturé après sa défaite à la bataille de Áth Dara. Il est cependant libéré sur la promesse d’abandonner l’hommage et invoque les éléments comme caution de son serment. Cependant 3 ans plus tard il revient au Leinster et saisit le bétail. En conséquence de quoi, il meurt tué par les éléments [13]. Il existe d’autres versions de sa mort : un récit indique qu’il meurt à la suite d’une malédiction de Patrick alors qu’un autre précise qu’une prophétie annonce sa mort entre l’Irlande et la Bretagne. Ainsi, pour se soustraire à son sort, il ne va jamais en mer, mais la prophétie se réalise quand il meurt entre deux collines nommées Eiriu et Albu.


Selon les généalogies, Lóegaire mac Néill eut trois épouses : Angas, fille de Tassach Uí Liathain puis Ne, fille de Scoth Noe (Breton) et Muirecht, fille d’Eochu Muinremar de Dal Riata [14].

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Philip Irwin « Lóegaire mac Néill (fl. 5th cent.) », Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, 2004.

Notes

[1] Les Uí Néill étaient une grande dynastie irlandaise. Il signifiait les « descendants de Niall Noigiallach », et se rapportait à un groupe de parenté irlandais. Les Uí Néill n’étaient ni une tribu, ni une confédération de tribus, mais une dynastie, c’est-à-dire qu’ils étaient composés, dès le 6ème siècle, de quelques douzaines de personnes réparties sur un vaste territoire au nord et au centre de l’Irlande. Ils devinrent à partir de la seconde moitié du 6ème siècle la dynastie dominante de la moitié nord de l’Irlande. Ses diverses branches donnèrent un certain nombre de hauts rois d’Irlande entre les 7ème et 11ème siècles.

[2] L’hagiographie est l’écriture de la vie et/ou de l’œuvre des saints. Pour un texte particulier, on ne parle que rarement d’« une hagiographie », mais plutôt d’un texte hagiographique ou tout simplement d’une vie de saint. Le texte hagiographique étant destiné à être lu, soit lors de l’office des moines soit en public dans le cadre de la prédication. Un texte hagiographique recouvre plusieurs genres littéraires ou artistiques parmi lesquels on compte en premier lieu la vita, c’est-à-dire le récit biographique de la vie du saint. Une fresque à épisode est également une hagiographie, de même qu’une simple notice résumant la vie du bienheureux. Par rapport à une biographie, l’hagiographie est un genre littéraire qui veut mettre en avant le caractère de sainteté du personnage dont on raconte la vie. L’écrivain, l’hagiographe n’a pas d’abord une démarche d’historien, surtout lorsque le genre hagiographique s’est déployé. Aussi les hagiographies anciennes sont parsemées de passages merveilleux à l’historicité douteuse. De plus, des typologies de saints existaient au Moyen Âge, ce qui a conduit les hagiographes à se conformer à ces modèles et à faire de nombreux emprunts à des récits antérieurs.

[3] vieil irlandais : bóroma

[4] Tara est un site archéologique d’Irlande dans le comté de Meath. Dans la mythologie celtique irlandaise, Tara est la capitale mythique de l’Irlande, située dans la cinquième province de Mide, dans le centre du pays : c’est la colline des rois. Le récit Suidigud Tellach Temra (« Fondation du domaine de Tara ») expose la suprématie de la ville sur le reste de l’île. Elle voisine d’autres sites archéologiques majeurs, dont Brú na Bóinne.

[5] une dynastie du royaume de Brega dont Loégairé est l’ancêtre éponyme

[6] Le Leinster est une des quatre provinces traditionnelles de l’Irlande. Recouvrant la partie orientale de l’île

[7] Les Chroniques d’Irlande est le nom moderne donné à une présumée collection d’annales ecclésiastiques, ayant enregistré les événements en Irlande entre les années 432 et 911. Plusieurs annales anciennes, existant encore maintenant, rapportent les événements dans le même ordre et avec des mots identiques jusqu’en 911, date à partir de laquelle elles poursuivent des narrations différentes.

[8] Connacht ou Connaught est une province de la République d’Irlande située à l’ouest sur la côte atlantique. La province comprend les cinq comtés de Galway, Leitrim, Mayo, Roscommon et Sligo. Après la première intervention des barons anglo-normands en Irlande Guillaume du Bourg reçoit vraisemblablement le titre de « seigneur de Connaught » mais il ne peut pas prendre possession de son domaine qui demeure entre les mains des Uí Conchobair jusqu’en 1224/1235. À cette date Richard Mor de Burgh se prévalant des droits de son père réclame l’investiture sur le Connacht. Il reçoit l’appui de son parent Hubert de Burgh qui est « Justicier d’Irlande » et qui l’autorise à effectuer une levée féodale parmi les barons normands pour conquérir le Connacht à partir de 1227. Après avoir vaincu Felim mac Cathal Crobderg Ua Conchobair roi de Connacht issu des Uí Conchobair qui ne conserve plus comme vassal du roi d’Angleterre que cinq cantons de son ancien royaume Richard de Burgh se proclama seigneur de Connaught en 1235.

[9] dans l’actuel comté de Roscommon

[10] Le Ard rí Érenn désigne, dans la mythologie celtique et l’histoire médiévale de l’Irlande, le souverain qui règne sur la totalité de l’île. Ard rí signifie « roi suprême » et « Érenn » provient de la déesse Ériu, véritable personnification du pays

[11] Les Annales d’Ulster sont des chroniques de l’histoire médiévale irlandaise. Les entrées couvrent la période allant de 431 à 1540. Celles allant jusqu’à l’année 1489 furent compilées à la fin du 15ème siècle par le scribe Ruaidhri Ó Luinín, sous le patronage de Cathal Óg Mac Maghnusa, sur l’île de Belle Isle sur le lac Lough Erne, dans la province d’Ulster. Les entrées plus tardives furent rajoutées par d’autres auteurs.

[12] c’est-à-dire le tribut en bétail

[13] le soleil le brûle, la terre l’engloutit, et le vent qui est son souffle se retire de lui

[14] Le Dal Riada était un royaume scot situé sur la côte nord-est de l’Irlande et la côte ouest de l’Écosse.