De confession protestante, elle accéda au trône suite à la Glorieuse Révolution [1] menée par son époux, le prince hollandais Guillaume III d’Orange. Celui-ci renversa le père de Marie, le roi Jacques II d’Angleterre de religion catholique.
Marie II régna conjointement avec Guillaume III qui régna ensuite seul de 1694 à 1702.
Marie II était en retrait de son époux quand il était en Angleterre même s’il se reposait beaucoup sur elle. Elle agissait néanmoins seule quand Guillaume III était en campagne à l’étranger et elle se révéla être une souveraine ferme et efficace.
Née au palais St. James de Londres [2]. Elle était la fille aînée du duc Jacques d’York et de sa première épouse, Anne Hyde . Le frère de Jacques était le roi Charles II qui gouvernait les royaumes d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande et sa mère était la fille du Lord Chancelier [3] Edward Hyde .
Elle fut baptisée dans la religion anglicane dans la chapelle royale du palais St. James et fut nommée d’après son aïeule Marie 1ère d’Écosse. Le duc et la duchesse d’York eurent 8 enfants mais seules Marie et sa sœur Anne atteignirent l’âge adulte. Par conséquent, Marie resta seconde dans l’ordre de succession au trône anglais derrière son père pendant la plus grande partie de sa jeunesse.
Le duc d’York se convertit au catholicisme en 1668 ou 1669 mais Marie et Anne furent élevées dans la religion anglicane comme le souhaitait le roi Charles II. Elles furent installées dans une résidence particulière au palais de Richmond [4] où elles furent élevées par des gouvernantes à l’écart de leurs parentes comme cela était la coutume pour les familles royales de l’époque. L’éducation, réalisée par des tuteurs privés, se limita en grande partie à la danse, à la musique, au dessin, au français et à l’instruction religieuse. Sa mère mourut en 1671 et son père se remaria en 1673 avec Marie de Modène , une catholique française qui avait seulement 4 ans de plus que Marie.
De l’âge de 9 ans jusqu’à son mariage, Marie écrivit des lettres passionnées à une fille plus âgée, Frances Apsley , la fille du courtisan Allen Apsley . Au fil du temps, Frances devint mal à l’aise avec ces échanges et répondit plus formellement. À l’âge de 15 ans, Marie fut fiancée à son cousin, le stathouder [5] protestant de Hollande, Guillaume d’Orange. Ce dernier était le fils de la sœur du roi Charles II, Marie, princesse royale et il était donc 4ème dans l’ordre de succession derrière Jacques, Marie et Anne. Charles II était initialement opposé à cette union et préférait que Marie épouse l’héritier au trône de France, le dauphin Louis pour former une alliance entre les deux royaumes ; devant l’opposition du Parlement peu favorable à un rapprochement avec la France catholique, il finit par renoncer et accorda sa bénédiction au mariage.
Le duc d’York approuva le mariage du fait des pressions du chef du gouvernement Lord Danby et du roi qui supposa à tort que cela améliorerait la popularité de Jacques au près des protestants. Lorsque Jacques dit à Marie qu’elle allait épouser son cousin, elle pleura tout l’après-midi et tout le lendemain.
Guillaume et une Marie en larmes furent mariés au Palais St. James par l’évêque de Londres Henry Compton le 4 novembre 1677. Marie accompagna son époux dans les Provinces-Unies [6] après 2 semaines d’attente du fait du mauvais temps.
Rotterdam [7] étant inaccessible du fait des glaces, ils furent obligés de débarquer près du petit village de Ter Heijde [8] et de marcher dans la neige avant d’être emmenés par des calèches au Palais d’Honselersdijk [9]. Le 14 décembre, le couple fit son entrée officielle dans La Haye [10] lors d’une grande procession.
La personnalité avenante de Marie la rendit populaire auprès des Néerlandais et son mariage à un prince protestant fut bien reçu en Angleterre. Elle devint dévouée envers son époux mais celui-ci était souvent en campagne et cela poussa la famille de Marie à le considérer comme froid et négligeant. Marie tomba enceinte quelques mois après le mariage mais elle fit une fausse couche lors d’une visite auprès de Guillaume dans la ville de Bréda [11]. Ceci a peut-être altéré de manière permanente sa capacité à avoir des enfants. Elle tomba malade peut-être du fait de fausses couches au milieu de l’année 1678 et au début des années 1679 et 1680. Cette stérilité fut une grande source de déceptions dans sa vie.
À partir de mai 1684, le fils illégitime du roi, James Scott duc de Monmouth, s’installa aux Pays-Bas où il fut reçu avec tous les honneurs par Guillaume et Marie. Monmouth était considéré comme un rival du duc d’York et comme un potentiel héritier protestant qui pourrait évincer Jacques d’York de la succession. Guillaume ne le considérait pas comme une alternative crédible et il supposa à raison qu’il n’avait pas suffisamment de soutiens.
Charles II mourut sans enfants légitimes en février 1685 et le duc d’York devint roi d’Angleterre et d’Irlande sous le nom de Jacques II et de Jacques VII en Écosse. Marie jouait aux cartes quand Guillaume l’informa de l’accession au trône de son père et qu’elle était l’héritière. Lorsque Monmouth assembla une force d’invasion à Amsterdam [12] et fit voile pour les îles britanniques, Guillaume informa Jacques II de son départ et ordonna aux régiments anglais dans les Pays-Bas de rentrer en Grande-Bretagne. La rébellion fut écrasée et Monmouth fut exécuté à la satisfaction de Guillaume mais ce dernier et Marie furent déçus par les décisions suivantes de Jacques II.
Jacques II voulait appliquer une politique religieuse controversée et ses tentatives pour accorder la liberté de religion aux non-anglicans en suspendant les décisions du Parlement par décrets royaux furent mal acceptés. Marie considérait que de telles actions étaient illégales et son chapelain exprima cette opinion dans une lettre écrite à l’archevêque de Cantorbéry William Sancroft en son nom.
Elle fut encore plus déçue quand Jacques II refusa d’intervenir quand le roi Louis XIV envahit la principauté d’Orange [13], appartenant à Guillaume, et persécuta les huguenots qui s’y trouvaient. Dans une tentative pour nuire à Guillaume, Jacques II encouragea le personnel de sa fille à l’informer que son mari avait une relation avec Elizabeth Villiers.
Suivant ces rumeurs, Marie attendit devant la chambre de Villiers et surprit Guillaume sortant tard dans la nuit. Il nia l’adultère et Marie semble l’avoir cru et pardonné. Elizabeth Villiers était la seule maîtresse reconnue de Guillaume mais il est possible qu’à cette occasion, ils se soient rencontrés non pas en amants mais pour échanger des renseignements diplomatiques. Le personnel de Marie fut limogé et renvoyé en Angleterre.
Les hommes politiques et les nobles protestants anglais, déçus par les politiques de Jacques II, prirent contact avec Guillaume d’Orange dès 1686. La popularité de Jacques II s’effondra encore plus en mai 1688 quand il obligea les religieux anglicans à lire dans leurs églises la Déclaration d’indulgence garantissant la liberté de religion des catholiques et des dissidents. Le mois suivant, Marie de Modène donna naissance à un fils Jacques François Stuart qui, à la différence de Marie et d’Anne, sera élevé dans la religion catholique. Certains avancèrent que le garçon n’était pas celui du roi et qu’il avait été emmené secrètement dans la chambre de la reine dans une bassinoire pour remplacer le fils légitime mort-né.
Inquiète, Marie envoya une série de questions à sa sœur pour se renseigner sur les circonstances de la naissance. La réponse d’Anne et les rumeurs continues semblèrent confirmer les soupçons de Marie sur l’illégitimité de son frère et sur le fait que son père conspirait pour mettre en place une dynastie catholique.
Le 30 juin, un groupe de nobles anglais appelé par la suite les sept immortels envoya une invitation secrète [14] à Guillaume et à Marie pour leur demander de renverser Jacques II. Guillaume était initialement réticent peut-être parce que sa femme était l’héritière de la Couronne anglaise et qu’il craignait de lui être subordonné. Selon l’historien Gilbert Burnet, Marie convainquit son époux qu’elle ne s’intéressait pas au pouvoir politique et lui dit qu’ elle ne serait rien de plus que sa femme et qu’elle ferait tout ce qui est en son pouvoir pour le faire roi à vie. Elle lui assura également qu’elle lui obéirait toujours comme elle l’avait promis dans ses vœux de mariage.
Guillaume accepta l’idée d’une invasion et délivra une déclaration qui faisait référence au nouveau-né de Jacques II comme au prétendu prince de Galles. Il lista également les doléances du peuple anglais et avança que son expédition n’avait pour seul but que d’avoir un Parlement libre et légitime. Guillaume et l’armée hollandaise débarquèrent le 5 novembre 1688 à Brixham [15] dans le sud de l’Angleterre. L’armée anglaise se rallia rapidement aux envahisseurs et le 11 décembre, Jacques II tenta de s’enfuir mais fut arrêté. Guillaume autorisa néanmoins Jacques II à quitter le pays car il ne voulait pas en faire un martyr de la cause catholique.
Marie fut irritée par les circonstances entourant le renversement de son père et était partagée entre ses inquiétudes pour lui et la loyauté à son époux ; elle était néanmoins convaincue que les actions de Guillaume, bien que déplaisantes étaient nécessaires pour sauver l’Église et l’État. Lorsque Marie se rendit en Angleterre après le Nouvel-An, elle écrivit sur la joie secrète de son retour dans la mère patrie mais qui fut rapidement jugulée par les mauvaises fortunes de son père. Guillaume lui demanda d’avoir l’air joyeuse lors de leur entrée triomphale dans Londres et elle fut ainsi critiquée par certains pour avoir été insensible à la détresse de son père. Jacques II écrivit également une diatribe pour critiquer sa déloyauté, une action qui affecta profondément la pieuse Marie.
En janvier 1689, le Parlement fut convoqué par le prince d’Orange et discutèrent des événements à venir. Un groupe mené par Lord Danby défendait que Marie devait être le seul souverain car elle était l’héritière légitime tandis que Guillaume et ses partisans refusaient qu’un époux soit le sujet de son épouse.
Guillaume souhaitait régner de plein droit et non comme simple roi consort. Pour sa part, Marie ne souhaitait pas être reine seule car elle considérait que les femmes devaient se soumettre à leurs époux ; elle indiqua mon cœur n’est pas fait pour un royaume et mes penchants me poussent vers une vie paisible.
Le 13 février 1689, le Parlement adopta la Déclaration des droits dans lequel il avançait que Jacques II, en ayant tenté de s’enfuir le 11 décembre 1688, avait abdiqué et que le trône était par conséquent vacant. La Couronne fut donc offerte non pas au fils aîné de Jacques II, Jacques François Stuart, mais à Guillaume III et Marie II en tant que co-monarques. Le seul précédent d’une monarchie conjointe en Angleterre remontait au 16ème siècle quand la reine Marie 1ère avait épousé le prince Philippe d’Espagne. Ce dernier ne resta roi que durant la vie de son épouse et des restrictions étaient placées sur son pouvoir.
À l’inverse, Guillaume souhaitait rester roi même après la mort de sa femme et que l’exercice plein et entier de la puissance royale soit exercé par le prince d’Orange aux noms des dits prince et princesse pendant leur vie commune. La Déclaration fut par la suite modifiée pour exclure non seulement Jacques II et ses héritiers autres qu’Anne du trône mais également tous les catholiques.
Guillaume III et Marie II furent couronnés le 11 avril 1689 par l’évêque de Londres Henry Compton. Habituellement, le couronnement était réalisé par l’archevêque de Cantorbéry mais le détenteur du titre, William Sancroft, refusa de reconnaître le renversement de Jacques II. Ni Guillaume III ni Marie II n’apprécièrent la cérémonie ; elle considérait que ce n’était que vanité et Guillaume la qualifia de papiste.
Le même jour, le parlement d’Écosse, plus divisé que son homologue anglais, déclara finalement que Jacques II n’était plus roi d’Écosse, qu’aucun papiste pourrait être roi ou reine de ce royaume et que Guillaume III et Marie II seraient co-monarques. Le 11 mai, le couple accepta formellement la couronne écossaise.
Même après la Déclaration, Jacques II disposait encore de nombreux soutiens en Écosse. John Graham Lord Dundee leva une armée dans les Highlands écossais [16] et remporta la victoire lors de la bataille de Killiecrankie [17] le 27 juillet. Ses blessures reçues au début de la bataille et les lourdes pertes au sein de ses troupes entraînèrent néanmoins la défaite de son armée lors de la bataille de Dunkeld [18] le mois suivant. Ce fut la seule véritable opposition à l’accession au trône de Guillaume III.
En décembre 1689, l’un des plus importants documents constitutionnels de l’histoire anglaise, la Déclaration des droits fut adopté par le Parlement. Cette loi qui re-confirmait certaines clauses de l’ancienne déclaration des droits, établissait des restrictions sur les prérogatives royales. Elle empêchait, entre autres, le roi de suspendre des lois votées par le Parlement, de lever des taxes ou une armée en temps de paix sans l’accord du Parlement, d’enfreindre le droit de pétition, de nier le droit de porter des armes aux sujets protestants, d’interférer dans les élections législatives, de punir les membres des deux Chambres du Parlement pour ce qui est dit pendant les débats, d’offrir des acquittements excessifs ou d’infliger des châtiments cruels. La Déclaration des droits régla également la question de la succession à la Couronne. Après la mort de l’un des deux co-monarques, l’autre continuerait à régner. La suivante dans l’ordre de succession devenait la sœur de Marie II, la princesse Anne, et ses descendants. Néanmoins, tous les enfants que Guillaume III pourrait avoir d’un mariage à venir seraient intégrés à l’ordre de succession.
À partir de 1690, Guillaume III s’absentait fréquemment du royaume du fait de la guerre de la Ligue d’Augsbourg [19] contre la France ; il quittait l’Angleterre au printemps et rentrait à l’automne. En 1690, il affronta les jacobites [20] en Irlande et Marie II administrait le royaume avec l’aide d’un conseil de 9 membres. Elle n’était pas très désireuse d’assumer le pouvoir et se sentait privée de tout ce qui était cher en moi en la personne de mon époux, laissée parmi ceux qui me sont de parfaits étrangers.
Anne se disputa avec Guillaume et Marie II sur des questions d’argent et les relations entre les deux sœurs se détériorèrent. Guillaume III avait écrasé les jacobites irlandais en 1692 mais il continua à combattre la France dans les Pays-Bas. Lorsque son époux était absent, Marie II gouvernait mais lorsqu’il était en Angleterre, elle se retirait des affaires politiques comme cela était prévu dans la Déclaration des droits et comme elle préférait. Elle se révéla néanmoins être une dirigeante intransigeante et ordonna l’arrestation de son oncle Henry Hyde qui conspirait pour restaurer Jacques II.
En janvier 1692, elle écarta l’influent duc de Marlborough John Churchill pour des faits similaires. Cette décision fit quelque peu baisser sa popularité et elle compliqua les relations qu’elle entretenait avec sa sœur Anne qui était fortement influencée par l’épouse de Marlborough, Sarah. Anne se rendit à la cour avec Sarah en soutien ostensible pour Marlborough ; cela irrita Marie II qui demanda à ce qu’Anne limoge Sarah et libère ses appartements.
Marie II développa de la fièvre en avril ; elle manqua la messe dominicale pour la première fois en 12 ans et ne put se rendre à l’accouchement d’Anne. Après sa convalescence, elle se rendit auprès de sa sœur dont le nouveau-né était mort peu après sa naissance mais au lieu de la réconforter, elle profita de l’occasion pour à nouveau critiquer son amitié avec Sarah, les deux sœurs ne se revirent jamais.
Elle participait souvent aux affaires de l’Église et toutes les questions sur les nominations ecclésiastiques passaient entre ses mains. À la mort de l’archevêque de Cantorbéry [21] John Tillotson en décembre 1694, Marie II souhaitait nommer l’évêque de Worcester [22] Edward Stillingfleet mais Guillaume III annula ce choix et le poste fut confié à l’évêque de Lincoln [23], Thomas Tenison.
Marie II était grande et apparemment en forme ; elle marchait régulièrement entre ses palais de Whitehall [24] et de Kensington [25]. Elle contracta néanmoins la variole à la fin de l’année 1694. Elle renvoya tous ceux qui n’avaient pas déjà été touchés par la maladie pour empêcher la propagation de l’infection. Anne, qui était à nouveau enceinte, envoya une lettre à Marie II pour lui dire qu’elle prendrait tous les risques pour la voir à nouveau mais l’offre fut déclinée par le Groom of the Stole [26] de la reine. Marie II mourut tôt dans la matinée du 28 décembre au palais de Kensington. Guillaume III, qui se reposait de plus en plus sur Marie II, fut dévasté par sa mort et dit à Burnet que du plus heureux, il était maintenant la créature la plus misérable au monde.
Durant un hiver froid au cours duquel la Tamise gela, son corps embaumé fut exposé dans la maison des banquets du palais de Whitehall. Elle fut inhumée le 5 mars dans l’abbaye de Westminster [27]. Pour la première fois, les membres des deux Chambres du Parlement assistèrent à la cérémonie. À cette occasion, le compositeur Henry Purcell écrivit “Music for the Funeral of Queen Mary”.