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L’histoire pour le plaisir

Michel Bourtzès

vendredi 29 septembre 2023, par lucien jallamion

Michel Bourtzès (vers 930/935 - après 996)

Général byzantin

Il se distingue lors de la prise d’Antioche [1] en 969 mais tombe en disgrâce auprès de l’empereur Nicéphore II Phocas.

Rancunier, Bourtzès joint ses forces aux conspirateurs qui assassinent Phocas quelques semaines plus tard.

Bourtzès réapparaît avec un rôle civil important lors de la guerre entre Basile II et le rebelle Bardas Sklèros. Il passe d’abord du côté des rebelles avant de revenir dans le camp impérial.

Malgré ces changements de partis, il est renommé doux [2] d’Antioche par Basile, un poste qu’il occupe jusqu’en 995, date à laquelle il en est congédié pour ses échecs dans la guerre contre les Fatimides [3].

Michel Bourtzès est le premier membre important de la famille Bourtzès [4]. Il grimpe dans la hiérarchie à la fin de l’année 968 quand il est nommé patrice [5] et stratège [6] du petit thème [7] de Mauron Oros [8] et est chargé de diriger les forces assiégeant la cité d’Antioche.

À la fin de l’automne 969, agissant contre les ordres de Nicéphore de ne pas attaquer la ville en son absence, Bourtzès parvient à persuader un habitant de la ville de céder une des principales tours des murailles. Celle-ci est promptement occupée. Bourtzès parvient ensuite à défendre cette « tête de pont » contre les attaques répétées des défenseurs de la ville 3 jours durant. Il finit par recevoir des renforts de la part de Pierre Phocas qui s’emparent de la ville.

Malgré son rôle déterminant dans la prise d’Antioche, Bourtzès ne bénéficie d’aucune récompense. Vexé d’avoir été désobéi ou, selon d’autres récits, pour avoir incendié et détruit la majorité de la ville, l’empereur Nicéphore Phocas le congédie de son poste. Il nomme Eustathe Maleinos , l’un de ses proches, comme premier gouverneur d’Antioche.

Au moment de la mort de Tzimiskès, le pouvoir impérial revient aux empereurs légitimes, les jeunes frères Basile II et Constantin VIII. Toutefois, au vu de leur jeunesse et de leur inexpérience, le gouvernement continue d’être exercé par le puissant parakimomène [9] Basile Lécapène. Un remaniement général de la plupart des postes militaires importants en Orient s’ensuit.

C’est à ce moment que Bourtzès est nommé commandant des troupes en Syrie [10] et siège à Antioche. Il semble avoir été le premier duc d’Antioche. Dès son arrivée, il lance un raid important dans la Syrie détenue par les Fatimides. Il atteint Tripoli [11] avant de repartir vers Antioche avec un butin important.

Toutefois, au printemps, Bardas Sklèros qui vient d’être nommé duc de Mésopotamie et était l’un des principaux partisans de Tzimiskès, se révolte et se proclame empereur dans son quartier-général de Mélitène [12].

Bourtzès reçoit l’ordre de mener ses forces au nord pour rejoindre l’armée d’Eustathe Maleinos, le gouverneur de Cilicie [13] et empêcher les rebelles de traverser la chaîne de l’Anti-Taurus [14]. Laissant son fils à Antioche, Bourtès obéit et se dirige vers le nord. Néanmoins, dans la bataille qui s’ensuit près de la forteresse de Lapara, les forces loyalistes sont mises en déroute.

Selon les chroniqueurs, Bourtzès est le premier à battre en retraite. Peu après, il fait défection et rejoint Sklèros.

Les deux forces se retrouvent dans une bataille impromptue qui se termine par une sanglante défaite pour les rebelles. Cela conduit Bourtzès a changé à nouveau de camp et à rejoindre l’armée impériale, maintenant dirigée par Bardas Phocas.

À la différence de l’ensemble des autres chefs militaires à s’être révolté contre lui, Basile II continue d’accorder sa confiance à Bourtzès en lui laissant l’importante position de duc d’Antioche de 990 à 995.

En novembre 989, Bourtzès remplace Léon Phocas, le fils de Bardas, qui s’est soumis à l’empereur seulement quelques mois plus tôt. De cette position, Bourtzès conduit la défense de la frontière impériale alors que les combats contre les Fatimides dirigés par Manjutakin reprennent.

En 992, il réprime une rébellion de la population musulmane de Laodicée [15], le port d’Antioche et déporte les rebelles en Anatolie [16]. Toutefois, dans la même année, il subit une première défaite puis une deuxième lors de la bataille des gués de l’Oronte [17], près d’Apamée [18], le 15 septembre 994.

Ces échecs ainsi que les accusations selon lesquelles il aurait exacerbé le conflit en emprisonnant l’ambassadeur fatimide conduisent Basile II à douter de ses capacités. En 995, tandis que les forces byzantines d’Orient ont été affaiblies par leurs défaites, les Fatimides assiègent Alep [19], le principal vassal arabe des Byzantins.

Basile lui-même doit interrompre ses opérations contre la Bulgarie [20] et se retourne vers l’Orient. Il lance une campagne éclair pour libérer la ville. C’est à cette époque qu’il congédie Bourtzès de son poste et le remplace par Damien Dalassène .

Rien n’est connu à propos de Michel Bourtzès après cette date.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Jean-Claude Cheynet et Jean-François Vannier, Études prosopographiques, Publications de la Sorbonne, 1986 (ISBN 978-2-85944-110-4)

Notes

[1] Antioche est une ville de Turquie proche de la frontière syrienne, chef-lieu de la province de Hatay.

[2] duc

[3] Les Fatimides (également appelés Obeydides ou Banu Ubayd depuis le manifeste de Bagdad ont formé une dynastie califale arabe chiite ismaélienne d’ascendance alide qui régna, depuis l’Ifriqiya (entre 909 et 969) puis depuis l’Égypte (entre 969 et 1171), sur un empire qui englobait une grande partie de l’Afrique du Nord, la Sicile et une partie du Moyen-Orient. Issus de la branche religieuse chiite des ismaéliens pour laquelle le calife doit être choisi parmi les descendants d’Ali, cousin et gendre du prophète de l’islam Mahomet, les Fatimides considèrent les Abbassides sunnites comme des usurpateurs de ce titre. L’établissement de leur califat débute au Maghreb, grâce à l’appui des Berbères Kutama, grande tribu qui était établie à l’est de l’actuelle Algérie qui vont renverser le pouvoir local aghlabide. Après un intermède en Ifriqiya, ils finiront par s’établir dans la ville du Caire qui pendant leur règne prendra un essor considérable.

[4] originaire de la région du haut Euphrate. Cette famille devient l’un des clans majeurs de l’aristocratie militaire byzantine durant le 11ème siècle

[5] Patrice est un titre de l’empire romain, créé par Constantin 1er. Dans les années 310-320, Constantin abolit le patriciat romain, vieille distinction sociale qui avait ses racines au début de la république romaine. Le titre de patrice est désormais accordé par l’empereur à des personnes de son choix, et non plus à des familles entières. Dès son apparition, le titre de patrice permet à son titulaire d’intégrer la nobilitas, comme le faisait déjà le patriciat républicain. Le titre était décerné à des personnages puissants mais non membres de la famille impériale ; il vient dans la hiérarchie immédiatement après les titres d’Auguste et de César. Ce titre fut ensuite conféré à des généraux barbares au service de l’empire. Le titre fut encore porté par des notables gallo-romains au 6ème siècle. Sous les Mérovingiens, le titre de patrice était donné au commandant des armées burgondes. Les papes l’ont notamment décerné à plusieurs reprises pour honorer des personnages qui les avait bien servis. Le titre fut également conservé dans l’Empire byzantin, et son importance fut même accrue au 6ème siècle par Justinien 1er, qui en fit la dignité la plus haute de la hiérarchie aulique. C’était une dignité accordée par brevet. Dans les siècles suivants, elle fut progressivement dévaluée par la création de nouveaux titres. La dignité de patrice disparut à Byzance au 12ème siècle.

[6] Un stratège est un membre du pouvoir exécutif d’une cité grecque, qu’il soit élu ou coopté. Dans l’Empire byzantin, à partir du 7ème siècle, un stratège est le commandant d’un thème et de son armée. Il est le détenteur des pouvoirs civils et militaires au sein de cette province. Le terme de monostratège désigne un stratège qui a autorité sur plusieurs thèmes.

[7] Les thèmes ont constitué des divisions administratives de l’Empire byzantin. À la fin du 7ème siècle, les anciennes divisions administratives (provinces et diocèses) de l’Empire byzantin sont remplacées progressivement par les thèmes, circonscriptions à la fois administratives et militaires, qui combinent la tradition romaine des soldats-paysans (stratiotes) et l’expérience faite dès le 6ème siècle avec la création des exarchats (de Ravenne et de Carthage) et les réformes d’Héraclius. Le stratège, qui dirige le thème, obtient la totalité des pouvoirs civils, militaires et fiscaux.

[8] Les Montagnes Noires

[9] Parakimomène était un titre porté par un haut dignitaire du palais des empereurs byzantins. Il était conféré par édit impérial, c’est-à-dire que le titulaire était révocable au gré du souverain. C’était l’une des 10 charges palatiales par édit, et la plus haute, qui étaient tout spécialement réservées aux eunuques. C’était un responsable chargé tout particulièrement d’assurer la protection du souverain pendant la nuit (portant d’ailleurs une arme), et en qui celui-ci devait avoir toute confiance. À partir du 9ème siècle, plusieurs titulaires de cette charge jouèrent un rôle politique de premier plan.

[10] La Syrie fut occupée successivement par les Cananéens, les Phéniciens, les Hébreux, les Araméens, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Arméniens, les Romains, les Nabatéens, les Byzantins, les Arabes, et partiellement par les Croisés, par les Turcs Ottomans et enfin par les Français à qui la SDN confia un protectorat provisoire pour mettre en place, ainsi qu’au Liban, les conditions d’une future

[11] Le nom de la cité proviendrait du grec Tripolis. Elle aurait été nommée ainsi du fait de sa séparation en trois parties distinctes par les commerçants venant de Tyr, Sidon et Aradis. À partir de 1070, Tripoli est sous la domination de la famille Banû ’Ammâr, qui s’est rendue indépendante des califes fatimides d’Égypte. En 1102, lors de la première croisade, la ville est assiégée par Raymond IV de Saint Gilles et défendue par le cadi Fakhr al-Mulk ibn-Ammar. Le siège dure près de 10 ans, infligeant de lourds dégâts à la ville, qui tombe aux mains des croisés en 1109. Elle est ensuite, durant le temps des croisades, la capitale du comté de Tripoli, l’un des principaux États francs du Levant.

[12] Malatya est une ville de Turquie, préfecture de la province du même nom. La population de Malatya est principalement turque, mais la ville accueille aussi une minorité arménienne et kurde. Il s’agit de l’ancien emplacement de Mélitène, fort et chef lieu de la province romaine de l’Arménie. Mélitène fut un grand centre du christianisme monophysite. Byzantine, la ville tombe aux mains des Arabes au 7ème siècle. Basile 1er l’isole mais ne réussit pas à la prendre. Reprise par les Byzantins en 934, la cité est ensuite intégrée aux possessions de Philaretos Brakhamios, serviteur arménien de l’empire qui prend son autonomie à la mort de Romain IV Diogène, en 1071. Après sa chute en 1085, Mélitène est défendue par son lieutenant Gabriel contre les Seldjoukides, qui assiègent la cité en 1097. L’arrivée des Croisés les oblige cependant à lever le siège et à quitter la région. Malgré l’alliance avec Baudouin du Bourg, comte d’Édesse, Mélitène est prise en 1103 par les Danichmendides. Militène fut le siège du patriarcat jacobite de 1094 à 1293.

[13] La Cilicie est une région historique d’Anatolie méridionale et une ancienne province romaine située aujourd’hui en Turquie. Elle était bordée au nord par la Cappadoce et la Lycaonie, à l’ouest par la Pisidie et la Pamphylie, au sud par la mer Méditerranée et au sud-est par la Syrie. Elle correspond approximativement aujourd’hui à la province turque d’Adana, une région comprise entre les monts Taurus, les monts Amanos et la Méditerranée.

[14] L’Anti-Taurus est un massif montagneux de Turquie. La ville importante la plus proche est Niğde, au nord-ouest. Il constitue le prolongement oriental des monts Taurus de Cilicie, et culmine à 3 756 m (mont Demirkazık) ; plusieurs sommets dépassent les 3 000 m.

[15] Lattaquié est une ville de Syrie, chef-lieu du gouvernorat homonyme. Cette ville est établie sur un site très anciennement occupé, proche de l’ancienne Ougarit. La cité qui fut un chef-lieu de satrapie sous le royaume séleucide portait alors le nom de Laodicée de Syrie ou Laodicée de la mer parce qu’elle a été refondée par Séleucos 1er qui a donné à la ville le nom de sa mère Laodicé et de sa fille.

[16] L’Anatolie ou Asie Mineure est la péninsule située à l’extrémité occidentale de l’Asie. Dans le sens géographique strict, elle regroupe les terres situées à l’ouest d’une ligne Çoruh-Oronte, entre la Méditerranée, la mer de Marmara et la mer Noire, mais aujourd’hui elle désigne couramment toute la partie asiatique de la Turquie

[17] La bataille des gués de l’Oronte s’est déroulée le 15 septembre 994 entre l’Empire byzantin et ses alliés hamdanides commandés par Michel Bourtzès contre les forces du califat famitide de Damas sous les ordres du général turc Manjutakin. La bataille se solde par une victoire fatimide

[18] Apamée, actuellement Qal`at al-Madhīq est un site archéologique en Syrie, située près de l’Oronte, à 55 km au nord-ouest de Hama.

[19] Alep est une ville de Syrie, chef-lieu du gouvernorat d’Alep, le gouvernorat de Syrie le plus peuplé, situé dans le Nord-Ouest du pays. Pendant des siècles, Alep a été la ville la plus grande de la région syrienne et la troisième plus grande ville de l’Empire ottoman

[20] Le Premier Empire bulgare désigne un État médiéval chrétien et multiethnique qui succéda au 9ème siècle, à la suite de la conversion au christianisme du Khan Boris, au Khanat bulgare du Danube, fondé dans le bassin du bas Danube. Le Premier Empire bulgare disparut en 1018, son territoire au sud du Danube étant réintégré dans l’Empire byzantin. À son apogée, il s’étendait de l’actuelle Budapest à la mer Noire, et du Dniepr à l’Adriatique. Après sa disparition, un Second Empire bulgare renaquit en 1187.