Né à la Rochelle [1], fils de René Ferchault qui est conseiller au présidial [2] de La Rochelle, fonction surtout honorifique, meurt le 20 août 1684.
René Antoine fréquente le collège jésuite [3] de Poitiers [4]. En 1699, lui et Jean Antoine s’installent à Bourges [5] pour poursuivre leurs études auprès de leur oncle, le chanoine Gabriel Bouchel. René Antoine étudie en particulier le droit et les mathématiques. À 20 ans, il publie plusieurs mémoires de géométrie.
La famille Ferchault possède des terres en Vendée, dans le canton de Pouzauges [6]. Jean Ferchault, le grand-père de René Antoine, receveur des douanes à Luçon [7], achète dans les années 1620, une partie de la seigneurie de Réaumur [8]. Cette seigneurie est aujourd’hui transformé en Manoir des Sciences [9]. Le Manoir des Sciences de Réaumur permet de découvrir les différents travaux du scientifique.
En 1703, il arrive à Paris où il continue ses études de mathématiques et s’adonne avec ardeur à la physique. C’est son cousin, Charles-Jean-François Hénault qui le reçoit et, connaissant son goût et ses aptitudes pour les mathématiques, l’introduit auprès de Jean-Paul Bignon , alors président de l’Académie des sciences [10]. Le 12 mars 1708, il devient élève géomètre à l’Académie.
Ses travaux lui valent d’être élu en 1708 à l’Académie des sciences grâce à un mémoire de géométrie, il s’intéresse avec persévérance aux développements des arts et métiers.
Dès le 19 mai 1708, il lit devant l’Académie une communication sur un problème de géométrie, Manière de trouver une infinité de lignes courbes nouvelles, en faisant parcourir une ligne quelconque donnée, par une des extrémités d’une ligne droite donnée aussi, et toujours placée sur un même point fixe, où il utilise une méthode mise au point par Louis Carré . Il présente l’année suivante deux autres mémoires portant sur le même sujet. Il est considéré comme le créateur de la notion de développée imparfaite.
En novembre 1709, il présente un mémoire intitulé “De la formation et de l’accroissement des coquilles des animaux tant terrestres qu’aquatiques, soit de mer, soit de rivières. Ce travail, où il précise le mode de croissance des coquilles de mollusque”, inaugure ses recherches sur les invertébrés.
Il présente en 1710 plusieurs mémoires consacrés aux invertébrés, sur la soie des araignées, les écrevisses, les guêpes...
La mort de Louis Carré lui permet d’obtenir le titre de pensionnaire mécanicien à l’Académie des sciences, le 14 mai 1711. Il participe dès lors activement à toutes les activités de l’Académie.
La même année, il fait connaître, les moyens par lesquels les étoiles de mer, les orties de mer, beaucoup de coquillages et d’autres mollusques ou zoophytes, que l’on croyait invariablement fixés au rocher qui les a vus naître, exécutent leur mouvement progressif de locomotion par mode de translation.
Il a retrouvé, en 1711, un coquillage dont le suc fournit une teinture analogue à la pourpre des Anciens ou pourpre de Tyr.
Ses communications se succèdent : en 1712, il s’intéresse aux coquillages, à la reproduction des écrevisses et aux algues.
Réaumur est en outre l’auteur de la première méthode botanique à laquelle on ait pu donner le nom de système.
En 1711 et 1712, il donne des descriptions minutieuses des fleurs et graines de plusieurs espèces d’algues marines appartenant au genre Fucus et à quelques autres. Plus tard, en 1727, il s’intéresse aux algues bleues de genre Nostoc
En 1712, il a constaté les phénomènes curieux de la reproduction des pattes des crustacés comme les écrevisses, les homards et les crabes, qui régénéraient leurs membres perdus ou qui leur avaient été enlevés.
Sur la côte du Poitou [11], il se livrait, en 1715, à des observations intéressantes sur la reproduction d’un mollusque ressemblant à une limace et portant le nom de lièvre ou chat marin.
Plus tard, en 1717, il examina la formation même des perles dans les moules d’eau douce et rechercha si l’on ne pourrait point forcer les coquillages d’en produire.
En 1723, la lumière que répandent quelques coquillages et principalement les dails ou pholades [12] fut l’objet de ses observations sur la phosphorescence.
Après avoir opposé des difficultés en 1727, Réaumur eut le mérite de mettre hors de doute en 1742 ce qui avait été entrevu par Jean-André Peyssonnel , à savoir que les coraux et les madrépores [13] ne sont pas des plantes, mais le travail d’une classe d’animalcules ayant de l’analogie avec les méduses et les anémones de mer.
Dès le début de ses recherches, il se passionne pour les invertébrés et notamment les insectes. En 1710, il écrit un mémoire intitulé “Examen de la soie des Araignées” dans lequel il étudie une proposition de François Xavier Bon de Saint Hilaire , président de la Cour des comptes de Montpellier [14], et qui s’intéresse à la possibilité d’utiliser la soie d’araignée à la place de celle produite par le ver à soie. Réaumur montre que la soie d’araignée est plus onéreuse à produire tout en étant moins belle.
En 1713, il se consacre à la botanique. Parallèlement à ses propres recherches, il est chargé par l’Académie de faire paraître une Description des Arts et Métiers. En 1711, il fait paraître ses deux premières études, sur la fabrication de l’ardoise et des fausses perles, puis, l’année suivante, sur les techniques utilisées pour la fabrication de miroirs, et, en 1713, sur le travail du doreur. Ces premières évaluations de l’artisanat français, où il propose souvent des améliorations techniques, sont rassemblées et publiées par l’Académie de 1761 à 1782 en 18 volumes.
Réaumur a également décrit avec précision, en 1714, l’action singulière de la torpille [15] et l’organe qu’elle met en jeu pour exercer des effets électriques.
En 1716, il apprit à connaître, chez l’ablette, la substance singulière nacrée qui donne l’éclat aux écailles des poissons et s’occupa alors de la formation et de l’accroissement de leurs écailles.
Une belle volière, construite à grands frais, lui permit de multiplier ses travaux sur les gallinacés et de préparer les matériaux de ses ouvrages sur les oiseaux.
En 1718, Réaumur lance un inventaire des rivières aurifères de France.
Puis l’Académie le charge de la direction de la collection « Description des divers arts et métiers ».
C’est dans cette série que s’insèrent ses premières observations en métallurgie, intérêt activement soutenu par le Régent, Philippe d’Orléans qui constate l’importation d’acier croissante du royaume. Il présente à l’Académie, entre 1720 et 1722, dix mémoires consacrés à ce sujet. Il y écrit de nombreux articles dont l’article pour convertir le fer forgé en acier en 1722, qui amène la France à fabriquer ce métal qu’elle importait jusqu’alors. Il démontre le premier que l’acier contient du carbone. Par ses découvertes, Réaumur est sans doute le fondateur de la sidérurgie scientifique.
En décembre 1721, le Régent le récompense pour ses recherches qui ouvrent une solution pratique à l’économie nationale en lui attribuant 12 000 livres de rente annuelle, dont il fera cadeau à l’Académie.
Esprit opposé à la spécialisation, il étudie et fait progresser l’histoire naturelle, la biologie, il invente l’incubation artificielle des oeufs, la physique avec le thermomètre à alcool et s’intéresse à de nombreuses disciplines différentes, Réaumur est un observateur remarquable des matériaux du vivant : il est fasciné par la nacre et les fils d’araignées. En particulier, il approuve la nature animale et non végétale des coraux et madrépores. Par la multiplicité de ses intérêts il propose aussi bien une manière d’éteindre les incendies et un moyen de mettre les carrosses en état de se tirer des ornières
Il s’intéresse à la fabrication de l’acier et tente d’améliorer la médiocre production française. Le premier, il démontre que l’acier n’est pas du fer épuré, comme on le pensait jusqu’alors. Grâce à ses recherches il démontre la possibilité de transformer la fonte en acier.
En 1724, il se lance dans la métallographie [16]. Suivant pas à pas les progrès de la métallurgie, il fonde les bases de la sidérurgie scientifique dès les premières années de la décennie 1720 et la métallographie en 1724.
Il vulgarise la possibilité de transformer la fonte en acier dès 1722. Il publie en 1722 “L’Art de convertir le fer forgé en acier et L’Art d’adoucir le fer fondu”. Familier de la mise au point des fours, il écrit sur l’art du verrier et invente en 1729 un verre blanc opaque, nommé « porcelaine de Réaumur » qui n’est qu’un verre dévitrifié par chauffage et refroidissement.
Il met au point un procédé économique de fabrication du fer-blanc [17] en 1725 et prend même la direction d’une usine. Tout d’abord, il préconise de choisir les feuilles d’acier assez souple, de les décaper avec une solution acide, puis de les frotter au sable avant de les étamer. Il indique également que le bain d’étain doit être recouvert d’une couche de suif pour limiter la formation d’impuretés.
Réaumur s’est également penché de 1727 à 1729 sur la fabrication de la céramique et de la porcelaine. Il découvrit le moyen de fabriquer du verre dévitrifié à base d’opaline, le verre blanc opaque connu depuis sous le nom de porcelaine de Réaumur. Il donna le procédé singulier de transformer le verre commun en cette sorte de porcelaine dans le mémoire qu’il lut à l’Académie des sciences en 1739.
Il s’est aussi intéressé à la fabrication des câbles et cordages pour la marine. Réaumur présente en juillet 1723 à l’Académie Fabrique des ancres, avec des notes et des additions de Henri Louis Duhamel du Monceau . Cet ouvrage est publié en 1761 dans les Descriptions des Arts et Métiers
La difficulté des mesures physiques est un aiguillon pour ses recherches physiques. En 1725, il fait paraître son “Explication des principes établis par M. de Réaumur” pour la construction des thermomètres dont les degrés soient comparables.
Réaumur expose, dans un mémoire de 1730, l’idée du premier thermomètre comparable à alcool, qui immortalisera son nom. L’anglais Robert Hooke avait déjà eu l’idée d’un thermomètre à alcool avec la température de congélation de l’eau comme graduation zéro. Réaumur a calibré son thermomètre de 0 à 80, entre le point de congélation de l’eau et le point d’ébullition de l’esprit-de-vin* (alcool), qu’il confondait avec le point d’ébullition de l’eau.
Ses travaux sur la régulation thermique lui ont permis de mettre au point un incubateur artificiel nommé four à poulets ainsi qu’un moyen de conserver les œufs par enduction d’un corps gras en 1753.
Dans la pratique expérimentale, l’usage du thermomètre de Réaumur est un progrès notable avant le thermomètre centigrade.
Il s’élève contre les expériences de Buffon et rejette le principe de la génération spontanée. En 1742, Il devient membre de l’Académie royale des sciences et des lettres de Berlin.
Parmi les travaux de Réaumur, il faut mentionner les mémoires publiés en 1749 et en 1751 sur l’Art de faire éclore et d’élever en toute saison des oiseaux domestiques de toutes espèces, soit par le moyen de la chaleur du fumier, soit par le moyen du fer ordinaire où il exposait ses recherches relatives à l’incubation artificielle des œufs d’oiseaux.
En 1752, dans 2 mémoires consacrés à ses Observations sur la digestion des oiseaux, il décrit la différence qui a lieu pour le phénomène de digestion entre les oiseaux de proie, dont l’estomac n’agit sur les aliments que par un dissolvant, le suc gastrique, et les oiseaux granivores, chez lesquels un gésier musculeux très puissant exerce une pression assez forte pour écraser mécaniquement des corps durs.
Son dernier mémoire, en 1756, concernait la forme des nids d’oiseaux.
En plus de ses enquêtes approfondies sur les arts et métiers, Réaumur couvre toutes les facettes de la physique et de l’histoire naturelle de son temps, qui incluent ce qui deviendra la géologie, la physique appliquée, la biologie... ou plus précisément l’éthologie, la physiologie, la génétique, l’entomologie...
Réaumur constitue un très riche cabinet de curiosités où il tente, non seulement d’obtenir un exemplaire de chacune des espèces, mais surtout d’avoir des informations sur son habitat et ses mœurs. Pour Réaumur, le cabinet n’est pas un lieu simplement voué à l’entassement des collections mais doit être avant tout un outil scientifique à part entière.
Ses collections ornithologiques sont plus réduites que ses collections de coquillages, probablement à cause des difficultés de préservation des peaux d’oiseaux, notamment des attaques des insectes. Mais elle constitue la plus riche d’Europe. Ses collections d’oiseaux sont connues grâce à l’œuvre de son neveu, conservateur du cabinet de Réaumur.
En 1757, il meurt à l’âge de 74 ans, alors qu’il est encore en pleine activité. Il était Commandeur et intendant de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis
À la mort de Réaumur, Buffon réussit à obtenir ses collections et à les intégrer dans le Cabinet du roi, dépendant du Jardin du roi, bien que Réaumur les ait léguées à l’Académie.