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Mejēj II Gnouni

jeudi 27 mai 2021, par ljallamion

Mejēj II Gnouni

Gouverneur byzantin d’Arménie de 630 à 635

L'Arménie perse au 5ème siècleIssu de la famille arménienne des Gnouni [1]. À partir de 622, l’empereur byzantin Héraclius 1er, en guerre contre l’empire sassanide [2] depuis 614, entreprend des campagnes en Arménie [3] pour prendre les Perses à revers. Dans les années qui suivent, Héraclius prend petit à petit le contrôle de l’Arménie, jusqu’au mois de juin 629 quand les Perses demandent la paix. Peu avant, en 628 à Gandzak [4] où il hivernait, il avait élevé un de ses partisans arméniens, Mejēj Gnouni, à la dignité de stratège [5].

En 628, le nouveau roi sassanide Kavadh II nomme Varaz-Tiroç II Bagratouni marzban [6] de la partie d’Arménie restée perse, tandis qu’Héraclius nomme Mejēj Gnouni gouverneur de la partie byzantine de l’Arménie, avec la mission de rétablir en Arménie l’orthodoxie grecque.

Mejēj incite donc le clergé arménien et son patriarche Ezra à abandonner le rite arménien et à revenir à l’orthodoxie religieuse en faisant explicitement adhésion aux formules chalcédoniennes [7], sous peine de voir la partie byzantine de l’Arménie détachée du catholicossat [8] de Dvin [9] et placée sous la juridiction d’un patriarche nommé par Byzance [10].

Un concile de réconciliation entre l’Église orthodoxe grecque et l’Église apostolique arménienne, organisé à Théodosiopolis [11], semble aboutir et les discussions entre Grecs et Arméniens prennent fin par l’adhésion à une formule de foi, imposée par l’empereur.

Cette formule est en tout conforme à la profession de foi des Arméniens, mais y passe sous silence le concile de Chalcédoine. La réconciliation est solennellement consacrée par la célébration d’une messe où les Grecs peuvent admettre le Catholicos à la communion orthodoxe en 632.

Rival de Varaz-Tiroç, Mejēj Gnouni calomnie ce dernier auprès du perse Rôstahm, commandant de l’Azerbaidjan [12], allant même jusqu’à demander le rappel du marzban, faute de quoi la guerre reprendrait entre Byzance et la Perse.

Il envoie également son frère Garikhpet ou Varaz-Gnel se saisir de Varaz-Tiroç, mais ce dernier s’enfuit et se réfugie à Byzance, où Héraclius reconnaît la calomnie dont il a été victime et l’élève à la dignité de patrice [13]. Malheureusement compromis dans un complot contre l’empereur, Varaz-Tiroç est exilé dans une île lointaine en 635.

Mejēj Gnouni emprisonne un autre “naxarar” ayant pris part au complot, Davit’ Saharouni, et l’envoie à Byzance, mais ce dernier brise ses fers, revient en Arménie et rallie les contingents arméniens de l’armée, surprend Mejēj Gnouni et le tue, ainsi que Varaz-Gnel

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de René Grousset, Histoire de l’Arménie des origines à 1071, Paris, Payot, 1947 (réimpr. 1973, 1984, 1995, 2008)

Notes

[1] La famille Gnouni est une famille de la noblesse arménienne, prétendant descendre des rois d’Urartu. Selon l’historien arménien Moïse de Khorène, ils descendraient d’anciens rois d’Assyrie, prétention qu’ils partagent avec la famille Arçrouni. À la cour des rois d’Arménie, ils possèdent la charge héréditaire de hazarapet (« sénéchal »)

[2] Les Sassanides règnent sur le Grand Iran de 224 jusqu’à l’invasion musulmane des Arabes en 651. Cette période constitue un âge d’or pour la région, tant sur le plan artistique que politique et religieux. Avec l’Empire romano byzantin, cet empire a été l’une des grandes puissances en Asie occidentale pendant plus de quatre cents ans. Fondée par Ardashir (Ardéchir), qui met en déroute Artaban V, le dernier roi parthe (arsacide), elle prend fin lors de la défaite du dernier roi des rois (empereur) Yazdgard III. Ce dernier, après quatorze ans de lutte, ne parvient pas à enrayer la progression du califat arabe, le premier des empires islamiques. Le territoire de l’Empire sassanide englobe alors la totalité de l’Iran actuel, l’Irak, l’Arménie d’aujourd’hui ainsi que le Caucase sud (Transcaucasie), y compris le Daghestan du sud, l’Asie centrale du sud-ouest, l’Afghanistan occidental, des fragments de la Turquie (Anatolie) et de la Syrie d’aujourd’hui, une partie de la côte de la péninsule arabe, la région du golfe persique et des fragments du Pakistan occidental. Les Sassanides appelaient leur empire Eranshahr, « l’Empire iranien », ou Empire des Aryens.

[3] L’Arménie perse désigne l’Arménie sous la domination perse, de 428 à 646 puis de 1639 à 1828. Cette partie de l’Arménie historique est divisée en 1747 entre khanat d’Erevan, khanat de Nakhitchevan et khanat du Karabagh. Elle disparaît définitivement avec le traité de Turkmanchai, qui l’annexe à la Russie.

[4] Gandja est la deuxième plus grande ville de la république d’Azerbaïdjan. Elle était nommée Elizavetpol de 1804 à 1918 et Kirovabad de 1935 à 1990. Quand l’Azerbaïdjan a pris son indépendance en 1991, le nom historique, Gandja, a été restauré

[5] Un stratège est un membre du pouvoir exécutif d’une cité grecque, qu’il soit élu ou coopté. Il est utilisé en grec pour désigner un militaire général. Dans le monde hellénistique et l’Empire Byzantin, le terme a également été utilisé pour décrire un gouverneur militaire. Dans la Grèce contemporaine (19ème siècle jusqu’à nos jours), le stratège est un général et a le rang d’officier le plus élevé.

[6] Classe de margraves ou les commandants militaires en charge des provinces frontalières de l’empire sassanide de Perse (Iran) entre le 3ème et 7ème siècles

[7] Le concile de Chalcédoine est le quatrième concile œcuménique et a eu lieu du 8 octobre au 1er novembre 451 dans l’église Sainte Euphémie de la ville éponyme, aujourd’hui Kadıköy, un quartier chic de la rive asiatique d’Istanbul. Convoqué par l’empereur byzantin Marcien et son épouse l’impératrice Pulchérie, à partir du 8 octobre 451, le concile réunit 343 évêques dont 4 seulement viennent d’Occident.

[8] Le titre de catholicos est un titre équivalent à celui de patriarche porté par des dignitaires de plusieurs Églises orthodoxes orientales, notamment les Églises de la tradition nestorienne et les Églises monophysites, en particulier l’Église apostolique arménienne.

[9] Dvin ou Dwin est une ancienne capitale de l’Arménie. Elle est située sur le territoire de l’actuelle communauté rurale de Dvin, dans le marz d’Ararat. La ville de Dvin est fondée au 4ème siècle par le roi d’Arménie Khosrov III Kotayk. La ville est située dans la région d’« Aïrarat », et plus précisément dans la province de Vastan Hayots. Khosrov III fait construire la citadelle et le palais royal sur une colline. Par la suite, la ville attire de nombreux habitants de la ville voisine d’Artachat qui vont donc habiter à Dvin. En 470, le Catholicossat est déplacé de Vagharchapat à Dvin. Elle devient officiellement capitale du pays, ou plutôt « centre administratif » sous les dominations perse et arabe. Elle est détruite en 893 à cause d’un tremblement de terre, mais elle est reconstruite au Moyen Âge et devient un lieu de commerce florissant.

[10] Byzance est une ancienne cité grecque, capitale de la Thrace, située à l’entrée du Bosphore sous une partie de l’actuelle Istanbul. La cité a été reconstruite par Constantin 1er et, renommée Constantinople en 330, elle est devenue la capitale de l’Empire romain, puis de l’Empire romain d’Orient et enfin de l’Empire ottoman à partir de 1453 date de la prise de la ville par les Turcs. Elle fut rebaptisée Istanbul en 1930.

[11] l’actuelle Erzurum

[12] Pays du Caucase situé sur la ligne de division entre l’Europe et l’Asie. Sa capitale est Bakou, sa langue officielle est l’azéri et sa monnaie est le manat. Du 7ème au 10ème siècles, la région connaît un essor politique, sous les Sajides, les Chirvanchahs, les Salarides, les Ravvadides et les Cheddadides. Au 12ème siècle, après l’effondrement de l’Empire seldjoukide, les Atabegs d’Azerbaïdjan règnent depuis leur capitale de Nakhitchevan, puis d’Ardabil, et enfin de Tabriz, sur l’Azerbaïdjan iranien actuel et sur l’Arran (l’Azerbaïdjan moderne). Leur territoire est ensuite conquis par le Khwarezmchahs Jalal ad-Din au 13ème siècle, dont l’État succombe ensuite aux Mongols. Au 13ème siècle, l’Empire mongol des Khulaguides est fondé, avec sa capitale à Tabriz.

[13] Patrice est un titre de l’empire romain, créé par Constantin 1er. Dans les années 310-320, Constantin abolit le patriciat romain, vieille distinction sociale qui avait ses racines au début de la république romaine. Le titre de patrice est désormais accordé par l’empereur à des personnes de son choix, et non plus à des familles entières. Dès son apparition, le titre de patrice permet à son titulaire d’intégrer la nobilitas, comme le faisait déjà le patriciat républicain. Le titre était décerné à des personnages puissants mais non membres de la famille impériale ; il vient dans la hiérarchie immédiatement après les titres d’Auguste et de César. Ce titre fut ensuite conféré à des généraux barbares au service de l’empire. Le titre fut encore porté par des notables gallo-romains au 6ème siècle. Sous les Mérovingiens, le titre de patrice était donné au commandant des armées burgondes. Les papes l’ont notamment décerné à plusieurs reprises pour honorer des personnages qui les avait bien servis. Le titre fut également conservé dans l’Empire byzantin, et son importance fut même accrue au 6ème siècle par Justinien 1er, qui en fit la dignité la plus haute de la hiérarchie aulique. C’était une dignité accordée par brevet. Dans les siècles suivants, elle fut progressivement dévaluée par la création de nouveaux titres. La dignité de patrice disparut à Byzance au 12ème siècle.