Contemporain de Bossuet et de Pascal, considéré comme l’un des principaux fondateurs du quiétisme [1].
Né dans la province de Teruel [2], près de Saragosse [3], Miguel de Molinos part en 1646 pour Valence [4], où il étudie au “Colegio de San Pablos de los jesuitas”. Ses études le mènent à passer un doctorat en théologie. Il est ordonné prêtre le 21 décembre 1652, à l’âge de 24 ans.
Il se singularise déjà par ses dons de prédicateur et donne des exercices spirituels, pratique alors répandue au sein du clergé. En 1662, il entre à la Escuela de Cristo [5]. Les autorités ecclésiastiques de Valence le remarquent et l’envoient à Rome pour soutenir la cause de béatification d’un prêtre du diocèse.
En 1663, il donne la pleine mesure de son talent, d’abord dans la filiale romaine de la Escuela de Cristo, puis dans son enseignement auprès de divers ecclésiastiques comme de simples fidèles sur la pratique de la prière du cœur, l’oraison qui mène à l’apaisement de l’âme.
Sa renommée dépasse alors les limites de la ville éternelle [6]. Une partie de la noblesse, du clergé et jusqu’à certains membres de la curie pontificale [7] sont sensibles à son enseignement et à ses théories.
Il devient le confesseur et le directeur de conscience de nombreux prêtres et religieux. Le futur pape Innocent XI fut, semble-t-il, parmi ses disciples. Il publie divers écrits dont le plus célèbre, promis à un grand succès, est la “Guia Espiritual, Defensa de la Contemplacion” [8]. Molinos y explique comment, pour parvenir à l’union avec la divinité, l’âme doit rester totalement passive jusqu’à trouver le parfait repos en Dieu qui est en latin, d’où le quiétisme dont ses adversaires affubleront ce courant mystique.
Cette attitude de confiance totale en Dieu s’oppose notamment aux pratiques ascétiques et rituelles, allant jusqu’à les considérer comme des obstacles aux desseins de Dieu sur le croyant.
Le Guide Spirituel commence alors à provoquer nombre de conflits au sein même des maisons religieuses. Les Jésuites [9] sont les premiers adversaires des théories de Molinos : mépris pour les œuvres, même sanctifiées par la grâce, inutilité de l’exemple donné par les saints, telles furent les principales objections faites au prêtre espagnol.
Ces polémiques aboutissent logiquement, quoique après une longue période de tolérance vis-à-vis du docteur aragonais, à un procès inquisitorial. Miguel de Molinos est arrêté le 18 juillet 1685 et incarcéré à Rome. Son ouvrage principal est tout d’abord condamné par les tribunaux de l’inquisition espagnole, puis sicilienne. Mais ses bonnes relations avec des membres influents de la curie romaine dont le pape en personne retardent son procès.
Le 28 août 1687, néanmoins, la Congrégation du Saint-Office [10] finit par condamner plusieurs des propositions contenues dans son œuvre. Molinos est obligé d’abjurer publiquement ses erreurs dans l’église dominicaine Sainte-Marie sur la Minerve [11], le 3 septembre 1687.
L’accusé est déclaré hérétique dogmatisant par la bulle Coelestis Pastor du 20 novembre 1687 [12]. Curieusement, celle-ci se base dans sa condamnation beaucoup plus sur la correspondance, voire sur les conversations que Molinos entretenait avec ses fidèles, que sur le Guide spirituel. Il est vrai que l’ouvrage avait reçu l’imprimatur 12 ans plus tôt et avait été encensé par ceux-là même qui sanctionnent à présent son auteur.
Condamné à la prison perpétuelle, Molinos se retrouve en résidence surveillée au sein d’un couvent dans lequel il passe les 11 dernières années de sa vie, revêtu d’un habit de pénitent. C’est là qu’il meurt le 21 décembre 1696.