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L’histoire pour le plaisir

Aniaba ou Anabia

vendredi 6 novembre 2020, par ljallamion

Aniaba ou Anabia

Prince d’Assinie

Issu du peuple Ehotilé [1] il fut envoyé en France en mai 1688, à l’époque de l’arrivée des Français sur cette côte ouest-africaine. Converti au catholicisme, avec Louis XIV comme parrain, il passera une dizaine d’années en France avant de retourner en Afrique.

Aniaba était venu en France pour apprendre son métier de futur Roi, il est devenu en peu de temps une personnalité emblématique à Versailles. Il apprit les langues classique et excellait en latin. Doté d’un don de guérison, il fut surnommé “le nègre sorcier de Versailles”.

En novembre 1687, le chevalier d’Amon et Jean-Baptiste du Casse sont reçus à Aboisso [2] par le roi Zéna de Krindjabo [3], capitale du royaume du Sanwi [4]. Ramené en France comme valet par un marchand, avec un dénommé Banga et sur les conseils d’un certain Hyon, marchand de perles de la rue du Petit-Lion [5], il entre dans la cathédrale Notre-Dame de Paris et est saisi d’une grande émotion religieuse qui attira alors l’intérêt de la Cour auprès de laquelle, probablement encouragé par son entourage, il se représente comme héritier présomptif de la couronne d’Assinie [6].

Présenté à Jacques-Bénigne Bossuet, il lui fit valoir être d’une famille chrétienne d’Ispahan [7], fuyant une irruption, ce qui lui valut le sobriquet de “chevalier tartare”. Il fut par la suite, le 1er août 1691, baptisé par Bossuet dans l’église des Missions Étrangères [8], parrainé par Louis XIV dont il reçoit le prénom, il profite des meilleurs précepteurs, devient officier d’un régiment de cavalerie avec une rente annuelle de 12 000 livres.

Un ordre religieux, l’Ordre de l’Étoile-Notre-Dame, est même créé en 1701 à son intention. À cette occasion, il fait don à Notre-Dame de Paris [9] d’un tableau exécuté par le peintre du roi, Augustin-Oudart Justinat , où il est représenté en présence du roi de France et de Bossuet, et remet au peintre un diplôme.

À la mort du roi Zéna, la Cour résolut de renvoyer Aniaba prendre possession de ses États, aidée par la Compagnie de Guinée [10] qui espérait en tirer bénéfice. Accompagné de missionnaires et de marchands de la Compagnie, il partit le 19 avril 1701 pour arriver le 5 juillet. À leur arrivée, ils furent reçus par le nouveau roi Akasini, et Aniaba ne bénéficia d’aucune marque de respect.

Après explications, les marchands purent toutefois obtenir du roi son accord à la construction d’une forteresse, le fort Saint-Louis [11], et permission au père dominicain Godefroy Loyer , préfet apostolique [12], d’évangéliser. Il en tira une relation de voyage publiée en 1714.

Plusieurs sources expliquent de façon différente qu’il n’ait eu absolument aucun pouvoir une fois revenu chez lui : La version officielle était qu’il était héritier mâle d’un pouvoir dont la transmission était matrilinéaire, ce qui est le cas à Krindjabo, centre du Royaume du Sanwi. Il ne pouvait donc en aucun cas hériter d’un quelconque pouvoir.

Particulièrement doué, il aurait été toutefois d’un statut social très inférieur, peut-être un esclave, poussé à se présenter en France sous le meilleur jour, afin de pousser la France à investir cette partie de l’Afrique.

Une possibilité intermédiaire suggère que, bien qu’apparenté à la famille royale, il était trop éloigné du trône pour avoir le moindre droit à régner. Par la suite, une grande incertitude plane sur son sort.

N’ayant donc aucun droit à la succession, il aurait malgré tout été adopté par les nouveaux souverains Essouma de son village, mais sans aucun pouvoir

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de histoire de Aniaba, un Assinien à la cour de Louis XIV, Henriette Diabaté, coll. Grandes Figures africaines, 1975, Paris.

Notes

[1] Les Eotilé ou Bétibé sont une population d’Afrique de l’Ouest vivant au sud-est de la Côte d’Ivoire, dans 52 villages dont 50 dans le Département d’Adiaké (Akounoungbé, Assomlan, Adiaké, Abiaty, Etuéboué, Epelmlan, N’Galiwa, Etuessika, Melekoukro, M’Braty, Kakoukro lagune, Adiaké Kakoukro...) et 2 de Grand-Bassam (Vitré 1 et vitré 2). Ils sont le plus ancien peuple de l’Est de la Côte d’Ivoire. Les Eotilé appartiennent au groupe ethnique Akans. La langue originelle des Eotilé de Côte d’Ivoire est le betiné. Mais cette langue est en voie de disparition chez ce peuple au profit de l’agni

[2] Aboisso est une ville située dans le sud-est de la Côte d’Ivoire, à 116 km à l’est d’Abidjan. Aboisso est la capitale de la région du Sud-Comoé, c’est l’une des localités proches de la frontière du Ghana. Le peuple dominant et propriétaire coutumier des terres est l’ethnie Agni Sanwi appartenant au groupe Akan venu de l’actuel Ghana. Cette ville fait partie du Royaume du Sanwi et le nom Aboisso semble provenir de Eboué Nyansou qui, en langue Agni, signifie sur la pierre. La ville d’Aboisso est sur le cours inférieur du fleuve Bia. Les premières explorations de la Côte d’Ivoire réalisées par Marcel Treich-Laplène sont parties d’Aboisso.

[3] Krindjabo est une localité du sud-est de la Côte d’Ivoire et appartenant au département de Aboisso, dans la Région du Sud-Comoé. La localité de Krindjabo a été chef-lieu de commune jusqu’en 2012 où elle fut supprimée. La localité a été le centre du Royaume du Sanwi.

[4] Le Royaume du Sanwi est une organisation sociale traditionnelle installée sur l’actuel territoire ivoirien vers la fin du 17ème et au début du 18ème siècle ayant pour capitale Krindjabo. Le nom Krindjabo signifie en langue agni « sous le Krindja », un gros arbre situé au centre du village.

[5] La rue Tiquetonne est une rue du 2e arrondissement de Paris. Elle est presque entièrement construite dès le 14ème siècle, son côté impair était en grande partie occupé par l’hôtel de Bourgogne. Celui-ci fut loti par François 1er en 1543, la rue Française en garde le souvenir. Elle est citée sous le nom de « rue du Petit lion » dans un manuscrit de 1636 dont le procès-verbal de visite, en date du 22 avril 1636, indique qu’elle est « orde, boueuse, avec plusieurs taz d’immundices ». Alexandre Dumas y fait habiter son célèbre D’Artagnan.

[6] sud de l’actuelle Côte-d’Ivoire

[7] Ispahan ou Isfahan est une ville d’Iran, capitale de la province d’Ispahan. Elle est située à 340 kilomètres au sud de la capitale, Téhéran. Ispahan a été capitale de l’empire perse sous la dynastie des Safavides entre le 16ème siècle et le 18ème siècle. La ville est bien irriguée et sa verdure offre un contraste bien particulier avec les étendues désertiques qui l’entourent. Les travaux entrepris sous le chah Abbas faisant d’Ispahan une vitrine de l’architecture et de l’art safavide extrêmement raffiné, ainsi que les nombreux monuments islamiques construits entre le 11ème et le 19ème siècle, font d’Ispahan un des joyaux du Moyen-Orient.

[8] Les Missions étrangères de Paris (MEP) sont une société de vie apostolique catholique domiciliée à Paris ayant pour but le travail d’évangélisation dans les pays non chrétiens, spécialement en Asie. À ce titre, elle ne constitue, au sens canonique du terme, ni une congrégation ni un ordre, pas plus que ses membres ne sont considérés comme des religieux. L’objectif de cette société est l’évangélisation des peuples, par la fondation d’églises et le développement d’un clergé local sous la juridiction d’évêques. Afin de recruter et de former des missionnaires volontaires, une maison fut fondée en 1663 rue du Bac à Paris, où elle est toujours située actuellement. Connue sous le nom de « Séminaire des Missions étrangères », elle reçut l’approbation du pape Alexandre VII et la reconnaissance légale du gouvernement français.

[9] La cathédrale Notre-Dame de Paris, communément appelée Notre-Dame, est l’un des monuments les plus emblématiques de Paris et de la France. Elle est située sur l’île de la Cité et est un lieu de culte catholique, siège de l’archidiocèse de Paris, dédiée à la Vierge Marie. Commencée sous l’impulsion de l’évêque Maurice de Sully, sa construction s’étend sur plus de 2 siècles, de 1163 au milieu du 14ème siècle.

[10] La Compagnie de Guinée est une société fondée au 17ème siècle qui a joué un rôle dans le commerce triangulaire. Elle fusionne en 1748 avec la société Grou et Michel, des négociants nantais. Créée en 1684 par Louis XIV, la Compagnie de Guinée est l’une des plus importantes sociétés de la traite négrière et du commerce triangulaire entre Nantes et l’île de Saint-Domingue. Sa création en 1684 et sa réforme en 1701 traduisent l’impatience de Louis XIV devant les résistances des colons de Saint-Domingue, pour la plupart des flibustiers ou des petits planteurs de tabac, à se lancer dans le commerce d’esclaves et la culture du sucre. Elle n’obtiendra que des résultats modestes dans ce domaine, tandis que les négociants jacobites irlandais du port de Saint-Malo puis de Nantes, soutenus par le Roi, sont les vrais organisateurs de la traite négrière. La compagnie de Guinée permet cependant d’installer la domination française sur les côtes d’Afrique, alors que l’Angleterre est devenue une puissance ennemie, par ailleurs moins agressive dans la traite négrière après la Glorieuse Révolution de 1688. Louis XIV réduit en 1685 la concession territoriale de la Compagnie du Sénégal fondée en 1674, pour établir la Compagnie de Guinée, dont il choisit les membres. Elle est chargée de faire pendant vingt ans, « le commerce des nègres, de la poudre d’or et de toutes les autres marchandises » sur les côtes d’Afrique, de la rivière de Sierra Leone jusqu’au cap de Bonne-Espérance.

[11] Le fort Saint-Louis est un établissement français créé par la compagnie de Guinée sur la côte d’Assinie (sud-est de l’actuelle Côte-d’Ivoire). Il ne dura que de 1701 à 1704. Il est considéré comme le premier vrai établissement français en Côte-d’Ivoire. Le fort est nommé d’après le roi Louis XIV. Les Français possédaient déjà un petit établissement sur un cordon littoral en Assinie, formé par un des canaux de la grande lagune d’Aby, mais qui était « tombé il y a quelque temps ». En 1692, la compagnie menée par Tibierge avait obtenu un accord de principe du roi d’Assinie

[12] Une préfecture apostolique est une forme de juridiction catholique proche du vicariat apostolique. À la différence du vicaire apostolique qui est évêque titulaire, le préfet apostolique est simple prêtre. C’est, selon la définition du droit canon, une portion déterminée du peuple de Dieu qui, selon des circonstances particulières, n’a pas encore été constituée comme diocèse et qui est confiée au soin pastoral d’un préfet apostolique qui la gouverne au nom du souverain pontife. En pratique ce type de territoire se trouve en zone de mission, où le christianisme ou le catholicisme ne sont pas encore enracinés. Le préfet n’est pas obligé, comme l’évêque ou le vicaire apostolique, d’effectuer des visites ad limina.