Fils de Jean-François Campra, un chirurgien violoniste originaire de Graglia [1] dans le Piémont, et installé à Aix-en-Provence. C’est son père qui lui apprend les bases de la musique. Puis il reçoit, malgré son tempérament indépendant et colérique, sa formation musicale et religieuse et bien sûr générale, de la part des enseignants de cette cathédrale, spécialement du maître de musique et compositeur Guillaume Poitevin, maître des enfants de chœur qui constituent la maîtrise, et maître du chœur professionnel de la cathédrale Saint-Sauveur à Aix-en-Provence [2]. La maîtrise de cette cathédrale d’Aix est à l’origine de la vocation de plusieurs musiciens, comme Laurent Belissen . Le cardinal Grimaldi accorde au jeune Campra la tonsure cléricale en 1672. Il devient prêtre le 4 mai 1678.
En 1679, il fait un bref passage par Toulon et revient dans le chœur de Saint-Sauveur d’Aix. En 1681, il est surpris à enfreindre les règles qui sont imposées, aux enfants de la maîtrise aussi bien qu’aux choristes adultes. Le règlement interdit en effet “de faire ny d’adcister aux opérats qui se font dans la ville.” La ville compte alors trois, voire quatre salles de jeu de paume qui peuvent à l’occasion se transformer en salles de théâtre. On ne sait si Campra a assisté simplement à des représentations théâtrales ou s’il y a pris part, comme musicien ou acteur ; toujours est-il qu’il risque le renvoi pur et simple. Ses maîtres se montrent toutefois bienveillants et le conservent avec eux. Le 27 mai 1681, il reçoit le bénéfice de la chapellenie [3] du Saint-Esprit, où il ne demeure pas longtemps, partant pour Arles. Reçu au chapitre de Saint-Trophime [4] le 22 août13, il dirige les enfants de chœur de la cathédrale.
En 1683 il obtient le poste de maître de musique de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse [5]. En 1684 il participe au concours de musique organisé par les États de Languedoc [6] à Montpellier à la suite de la mort soudaine du maître de musique Jean Granouilhet de La Sablière ; les Etats lui préfèrent finalement André Mallet, mais lui accordent un défraiement important et l’invitent à venir faire chanter à la session suivante de 1685. De 1694 à 1700, il est maître de musique de Notre-dame de Paris. Il produit donc d’abord de la musique sacrée et se fait une réputation par ses motets.
En 1690, alors que le vice-amiral de Tourville arme une flotte, Campra est réquisitionné pour s’engager à bord d’un vaisseau du roi et y servir en qualité de mousquetaire.
Campra, ne désirant pas quitter son emploi de maître de musique à la cathédrale de Toulouse, refuse la demande, mais se voit contraint par un exempt de se rendre à Toulon pour y embarquer à bord du navire Le Sérieux. Ordre auquel Campra refuse à nouveau de se plier.
Le recruteur du vice-amiral, le chevalier de Juliard, ordonne l’arrestation et la mise en détention du musicien. Il est écroué à Toulouse et ne doit sa libération qu’à une intervention de l’archevêque de Toulouse, Jean-Baptiste-Michel Colbert de Villacerf.
Celui-ci réclame son musicien et l’élargissement de Campra est prononcé. Pourtant, quelques jours plus tard, le 23 février 1690, de Juliard ordonne sous trois jours le retour de Campra à Toulon. L’archevêque dépose alors une plainte auprès de Louis Phélypeaux de Pontchartrain, secrétaire d’État à la Marine.
Un procès est organisé, au cours duquel de Juliard se défend en affirmant les raisons selon lesquelles Campra lui-même voulait se rendre à Toulon et en avait été empêché : “Campra, libertin, a rendu mère une jeune fille abusée ; il a déclaré à M. de Juliard qu’il lui fallait faire une campagne pour se soustraire au courroux des parents de sa victime, et a supplié cet officier de l’enrôler. Un homme, ami du chevalier, a entendu la confession de Campra et jure sur l’Évangile que l’enseigne dit vrai.” De Juliard avouera ultérieurement la fausseté de cette déclaration. Il mourra quelques mois plus tard, le 10 juillet 1690, à la bataille de Bevezier [7].
Malgré sa dette vis-à-vis de l’archevêque, ses relations avec le chapitre de Saint-Étienne de Toulouse se détériorent en raison de son penchant pour la boisson et sa réputation d’homme dépravé. C’est ainsi qu’en 1691, une délibération de ce même chapitre l’oblige à lui soumettre ses créations avant de les interpréter. Campra ne peut accepter l’affront et profite d’un congé de quatre mois, en 1694, pour être élu à l’unanimité maître de musique à Notre-dame de Paris, exempté de l’épreuve d’admission, et publie, l’année suivante son premier livre de motets. Dès lors, il ne quittera plus Paris.
Il commence en 1697 à se tourner vers le théâtre avec L’Europe galante, opéra-ballet, et se voit bientôt obligé de renoncer à la charge qu’il exerce à Notre-dame.
Campra démissionna de son poste à la cathédrale de Paris le 13 octobre 1700 et donna à l’Académie royale de musique [8] son “Hésione”, qui obtiendra un vif succès. Il en deviendra l’inspecteur général.
Il est alors engagé par le prince de Conti François Louis de Bourbon , en tant que maître de sa musique. À partir de 1715 à la mort de Louis XIV, Campra, soutenu par le Régent Philippe d’Orléans, occupa des postes importants à l’Académie royale de musique. Il la dirigera à partir de 1732. Il obtint ensuite un des deux postes de sous-maître de la musique de la Chapelle royale [9].
Avec L’Europe galante, Campra s’affirme comme le vrai créateur de l’opéra-ballet, genre musical créé à l’origine par Pascal Collasse dans le Ballet des saisons. À partir de 1720, on constate qu’en tant que compositeur, il se consacra essentiellement à la musique religieuse. Il continua tout de même à produire quelques partitions pour la scène.
Le 6 avril 1726, André Campra est reçu pour frère servant d’armes dans l’Ordre royal, militaire et hospitalier de Saint-Lazare de Jérusalem [10], dont le Grand Maître est, depuis 1720, le fils du Régent, Louis d’Orléans . Le 21 décembre 1722 et le 24 mars 1724, les compositeurs Jean-Baptiste Morin , créateur de la cantate [11] française, puis Charles-Hubert Gervais , ami personnel du Régent Philippe d’Orléans, étaient eux-mêmes devenus membres de cet Ordre.
André Campra meurt à Versailles le 29 juin 1744, à l’âge de 83 ans. Son testament le montre, assez curieusement, pauvre, infirme, isolé dans un petit appartement versaillais, en compagnie de ses deux domestiques. Il lègue la plupart de ses biens à son domestique et à sa cuisinière.
Lorsqu’il mourut, son œuvre, bien vivante et largement diffusée en province, elle se maintint encore au répertoire pendant plus de vingt ans.