Le 1er août 1691, l’évêque de Meaux Jacques-Bénigne Bossuet baptise solennellement à Paris, en l’église des Missions étrangères* (Saint-Sulpice), un prince africain de 20 ans du nom d’Anabia. Il reçoit le prénom de Louis, son parrain de baptême n’étant autre que Louis XIV, le Roi-Soleil en personne.
Anabia vient du royaume d’Assinie, à l’ouest de l’actuelle Côte d’Ivoire et à proximité du Ghana*, (anciennement Côte de l’Or). Les lagunes de cette région avaient été repérées dès le 13ème siècle par des marchands de Dieppe qui étaient venus y charger des défenses d’éléphant en vue d’alimenter leur artisanat de l’ivoire, d’où le nom de Côte des Dents puis Côte d’Ivoire donné au littoral et à l’arrière-pays. En 1469, elles avaient été redécouvertes par l’explorateur portugais Soeiro da Costa, lors d’un voyage qui l’avait mené jusqu’au Congo.
Le prince Anabia était arrivé en 1688 à La Rochelle en compagnie d’un autre Assinien du nom de Banga, avec une recommandation du père Gonzalve, un missionnaire dominicain. Les marchands de la Compagnie de Guinée, pensaient que l’Assinie regorgeait d’or, misaient sur Anabia pour ouvrir le royaume à leur commerce. Les missionnaires entrevoyaient de leur côté la christianisation du pays.
À la Cour de Versailles où les dames, à commencer par la marquise de Maintenon, épouse morganatique du roi, aimaient à se faire accompagner d’un domestique africain, Anabia et son compagnon jouirent d’une faveur exceptionnelle. C’est ainsi qu’Anabia entra dans un régiment de cavalerie du roi en qualité d’officier, bénéficiant d’une confortable pension et devenant le premier gradé de couleur de l’armée française.
10 ans après son baptême, Louis Anabia consacra son futur royaume à la Vierge et prit le chemin du retour avec 2 pères dominicains et un représentant de la Compagnie de Guinée, le chevalier d’Amon. Le 24 juin 1701, leur navire mouille à Bassam, à l’ouest du royaume d’Assinie. Les Français construisirent un fort du nom de Saint-Louis, prélude à leur établissement dans la région.
Pour Anabia, le plus difficile restait à faire, à savoir s’emparer du pouvoir et détrôner le roi Akassiny. Après maintes tentatives, il échoua et l’aventure se termina piteusement 2 ans plus tard. La Compagnie de Guinée, constatant que l’Assinie ne possédait guère de métaux précieux, se retira. Les pères dominicains quittèrent à leur tour l’Assinie en mars 1703 après qu’Anabia eût répudié la foi chrétienne et soit revenu à l’animisme.