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Prosper Jolyot de Crébillon dit Crébillon père

jeudi 26 décembre 2024, par lucien jallamion

Prosper Jolyot de Crébillon dit Crébillon père (1674-1762)

Auteur dramatique français

Il fut le grand rival de Voltaire .


Fils de Melchior Jolyot, notaire, greffier en chef de la chambre des comptes [1] de Bourgogne [2] et de Bresse [3] à Dijon [4], Prosper Jolyot de Crébillon commença ses études au collège de Jésuites des Godrans [5] dans sa ville natale, puis au collège de Pontlevoy [6] le 20 juillet 1690 et les poursuivit au collège Mazarin à Paris [7].

Suivant le vœu de son père, il fut reçu avocat et trouva un emploi de clerc chez un procureur nommé Prieur. Le 31 janvier 1707, il épousa discrètement à la campagne une jeune fille de médiocre bourgeoisie, Marie-Charlotte Péaget, fille d’un maître-apothicaire de la place Maubert [8], alors enceinte de 8 mois et qui donna naissance le 14 février à un fils, Claude Prosper qui fut lui-même écrivain. Le couple eut ultérieurement un second garçon, qui mourut en bas âge.

Le procureur Prieur, fils d’un ami de Scarron, fut frappé du goût de Crébillon pour le théâtre et l’exhorta à écrire des pièces. Crébillon hésita longtemps et finit par présenter une tragédie, “La mort des enfants de Brutus”, qui fut refusée. Cet échec le découragea mais, toujours poussé par son procureur, il composa une nouvelle tragédie, Idoménée, qui fut représentée en décembre 1705 et remporta un assez grand succès. Crébillon devint l’auteur tragique du moment, entre le règne de Racine, qui était mort en 1699, et celui de Voltaire, qui n’avait pas encore paru, au grand désespoir de Boileau.

Après Idoménée, Crébillon donna “Atrée et Thyeste” en 1707, pièce remarquable, l’une des plus connues de l’auteur, “Électre” en 1708, “Rhadamiste et Zénobie” en 1711, qui remporta un très grand succès et passa pour son chef-d’œuvre, “Xerxès” en 1714, “Sémiramis” en 1717. Les deux dernières pièces furent accueillies froidement : Xerxès eut une seule représentation et Sémiramis, seulement sept. Crébillon en conçut un profond découragement et renonça au théâtre.

Ayant perdu son père, mort insolvable, il se débattit alors dans des difficultés d’argent, résultat de sa prodigalité, de son incurie, de son goût de l’indépendance et des plaisirs et de sa tendance à la rêverie. Il perdit sa femme en 1711, ne trouva pas le secours qu’il attendait chez ses amis, et se jeta dans la misanthropie. Il vivait dans un grenier, entouré de chiens, de chats et de corbeaux, fumant sans cesse et ne voyant personne que son fils. Dans cette solitude, il s’occupait à composer dans sa tête, car il avait une excellente mémoire, des romans qu’il négligeait ensuite de coucher sur le papier. Il faisait d’ailleurs de même pour ses tragédies, qu’il composait dans sa tête et n’écrivait qu’au dernier moment.

En 1726, Crébillon donna avec succès une nouvelle tragédie, “Pyrrhus” en 1726, qui appela de nouveau l’attention sur lui. On l’élut à l’Académie française [9] en 1731 et à l’Académie de Rouen [10] en 1754. Il innova dans la forme en composant son discours de réception en alexandrins. En 1733, il fut nommé censeur royal de librairie pour les belles-lettres et l’histoire, puis en 1735 censeur royal des spectacles. En 1745, Madame de Pompadour lui fit attribuer une pension de 1 000 livres et une place de bibliothécaire du roi.

Ces faveurs visaient principalement à susciter un rival à Voltaire, qui avait déplu en lançant des poèmes galants célébrant les amours de Louis XV et de la favorite, et dont la réputation reposait alors avant tout sur ses tragédies. Les adversaires de Voltaire pressèrent Crébillon de donner de nouvelles tragédies. En définitive, il acheva et fit représenter son “Catilina” en 1748, avec une grande magnificence. La cabale en assura le succès pendant 20 représentations, mais celui-ci ne se soutint pas quand la pièce fut imprimée, ni surtout quand Voltaire eut fait représenter “sa Rome sauvée” sur le même sujet. En 1754, la dernière tragédie de Crébillon, “Le Triumvirat”, fut accueillie froidement.

À sa mort en 1762, il laissa l’ébauche d’un“ Cromwell”. Les comédiens de Paris organisèrent en son honneur un service funèbre auquel assistaient, avec les membres de l’Académie et beaucoup de littérateurs, un grand nombre de comédiens et comédiennes, au scandale de l’Église. Un mausolée fut commandé au sculpteur Jean-Baptiste Lemoyne pour l’église Saint-Gervais [11], où il ne fut toutefois jamais placé.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Simone Gougeaud-Arnaudeau, Crébillon le Tragique (1674-1762), Espaces littéraires, L’Harmattan, 2013.

Notes

[1] Dans l’Ancien Régime, une Chambre des comptes est une cour souveraine devant laquelle les personnes ou organisations chargées de la gestion du domaine du roi ou d’un prince doivent déposer leurs comptes où ils sont audités par des maîtres qui vérifient la conformité des recettes et des dépenses. La Chambre des comptes s’assure de la conservation du domaine de la Couronne. En cas de contentieux entre le maître chargé d’étudier les comptes qui lui sont soumis et l’officier les ayant présentés, le litige est porté devant un juge. La particularité de la Chambre des comptes, en France, c’est que les comptes des deniers publics sont rendus devant un juge, même en l’absence d’un contentieux.

[2] La Bourgogne est une région historique et culturelle située au centre-est de la France. Elle est constituée des départements de la Côte-d’Or, de la Nièvre, de la Saône-et-Loire et de l’Yonne. Ses habitants sont appelés les Bourguignons et sa capitale est Dijon. Après la mort de Charles le Téméraire en 1477 et la guerre de Succession de Bourgogne, le duché de Bourgogne est rattaché au royaume de France et devient un gouvernement général, le gouvernement de Bourgogne. En 1542, apparaît la généralité de Bourgogne, une des 17 recettes générales créées par le roi Henri II. Outre l’ancien duché, elle inclut à partir de 1601 la plupart des provinces savoyardes de la rive droite du Rhône et par la suite la souveraineté de Dombes, qui lui est rattachée en 1781.

[3] Dès 1266, à la suite de l’héritage de Philippe 1er de Savoie de Renaud V de Baugé ou Bagé, la Savoie a autorité sur toute la Bresse (la principale héritière Sibylle de Baugé étant déjà la pupille de Philippe). De la fin du règne de Philippe 1er au traité de Paris de 1355, les comtes de Savoie n’ont cessé, comme en Bugey, pendant une période de guerre, de mettre en place sur l’ensemble de son territoire une politique administrative, financière, sociale et architecturale, affermissant les réformes initiées par Pierre II de Savoie. La Bresse est annexée au comté de Savoie lorsque Sibylle de Baugé, seule héritière, l’apporte en dot lors de son mariage en 1272 avec le futur comte de Savoie Amédée V. Bâgé en sera la capitale jusqu’à cette date avant que Bourg (devenu officiellement Bourg-en-Bresse seulement en 1955), place également fortifiée, de 3 400 habitants, lui ravisse le rôle de centre administratif et devienne en 1321 le centre du bailliage de Bresse. À partir du 15 juin 1322, la Bresse sera remise en apanage aux héritiers du comté de Savoie. Après 1350, en l’absence des comtes de Savoie et de leurs enfants, la Bresse et le Bugey sont administrés par des gouverneurs et lieutenants généraux, qui y commandent en temps de guerre et de paix. Ceux-ci devaient rendre compte de leurs actions au chancelier et au conseil de Savoie. Leurs charges étaient révocables au bon vouloir du prince. Parmi eux, on compte Jacques de La Baume, lieutenant général de Bresse de 1438 à 1440 et Jean de La Baume en 1536. Le 17 janvier 1601, par le traité de Lyon signé entre le duc Charles-Emmanuel 1er de Savoie et le roi Henri IV, la Bresse est rattachée au royaume de France, ainsi que le Bugey, le pays de Gex et le Valromey, en échange du marquisat de Saluces qui rentre dans le giron des États de Savoie.

[4] Dijon est une commune française, préfecture du département de la Côte-d’Or. Elle se situe entre le bassin parisien et le sillon rhodanien, sur l’axe Paris-Lyon-Méditerranée, à 310 kilomètres au sud-est de Paris et 190 kilomètres au nord de Lyon. Capitale historique du duché de Bourgogne, ville aux cent clochers sous l’Ancien Régime, héritière d’un riche patrimoine historique et architectural, Dijon est une cité touristique dont l’attrait est renforcé par la réputation gastronomique de la région. Le parlement de Bourgogne, transféré de l’Hôtel des ducs de Bourgogne de Beaune à Dijon, fait de la cité une ville parlementaire, où la noblesse de robe édifie des hôtels particuliers. Dijon subit des troubles religieux, de 1530 à 1595. Après la Contre-réforme, de nouvelles églises et chapelles de monastères sont construites.

[5] En 1581, Odinet Godran, président au Parlement de Dijon, fait don de son hôtel particulier aux Jésuites et permet ainsi la construction d’un collège qui portera son nom et recevra nombre d’élèves comme : Jacques-Bénigne Bossuet, Georges-Louis Leclerc de Buffon, Jean-Philippe Rameau. En 1708, il s’agit de la première bibliothèque publique qui ouvre à Dijon, grâce au don de Pierre Févret. Après l’expulsion des Jésuites en 1763, le collège devient royal. Le premier bibliothécaire sera ainsi Charles Boullemier, qui aura la lourde charge de réunir les bibliothèques jésuite et publique, soit l’équivalent de 16 000 volumes, puis, de classer et d’intégrer les 25 000 ouvrages des confiscations révolutionnaires. Parmi ces derniers figurent les célèbres manuscrits de l’abbaye de Cîteaux, qui font de la bibliothèque le premier fonds ancien de Bourgogne

[6] Quand le collège ouvre en 1644, le premier élève inscrit est François Boisgauthier. On accueille désormais des jeunes laïcs dans le premier internat. À partir de 1648, les élèves n’ont qu’un mois de vacances (18 septembre au 19 octobre). On remplace aussi les études et les classes par des lectures ou des jeux, et les promenades sont plus fréquentes. Les élèves prennent leurs repas au réfectoire avec les moines et consomment le même repas. Les élèves vont écouter le prêche après le repas à la paroisse. Les élèves étant trop serrés dans les classes, on les agrandit à partir de 1698.

[7] Le collège des Quatre-Nations est un ancien collège de l’université de Paris situé quai de Conti et abritant aujourd’hui le siège de l’Institut de France. En 1661, dans son testament, le cardinal Mazarin dédie une partie de sa grande fortune à la fondation d’un collège, destiné à l’instruction gratuite de soixante gentilshommes des quatre nations réunies à l’obédience royale par le traité de Westphalie (1648) et le traité des Pyrénées (1659). À sa mort, Mazarin souhaite être inhumé, comme son prédécesseur le cardinal de Richelieu l’avait fait à la Sorbonne, dans la chapelle du collège. Il lègue également l’ensemble de ses ouvrages à la bibliothèque du nouvel établissement (la bibliothèque Mazarine) qui devra être ouverte à tous les gens de lettres deux fois par semaine.

[8] La place Maubert, est une place située dans les quartiers de la Sorbonne et Saint-Victor du 5ème arrondissement de Paris.

[9] L’Académie française, fondée en 1634 et officialisée le 29 janvier 1635, sous le règne de Louis XIII par le cardinal de Richelieu, est une institution française dont la fonction est de normaliser et de perfectionner la langue française. Elle se compose de quarante membres élus par leurs pairs. Intégrée à l’Institut de France lors de la création de celui-ci le 25 octobre 1795, elle est la première de ses cinq académies. La mission qui lui est assignée dès l’origine, et qui sera précisée le 29 janvier 1635 par lettres patentes de Louis XIII, est de fixer la langue française, de lui donner des règles, de la rendre pure et compréhensible par tous, donc d’uniformiser cette dernière. Elle doit dans cet esprit commencer par composer un dictionnaire : la première édition du Dictionnaire de l’Académie française est publiée en 1694 et la neuvième est en cours d’élaboration. L’Académie française rassemble des personnalités marquantes de la vie culturelle : poètes, romanciers, dramaturges, critiques littéraires, philosophes, historiens et des scientifiques qui ont illustré la langue française, et, par tradition, des militaires de haut rang, des hommes d’État et des dignitaires religieux.

[10] L’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen est une société savante née de la transformation officielle, le 17 juin 1744, par lettres patentes de Louis XV, de réunions d’amis férus de botanique dans un petit jardin du faubourg Bouvreuil. Elle est placée sous l’égide de Fontenelle et de Le Cornier de Cideville. Les statuts de cette société savante dont l’abbé Legendre fut le premier bienfaiteur furent renouvelés et confirmés au Parlement le 10 février 1757. Le premier directeur en fut Guillaume-François Tiphaigne de La Roche. Supprimée en 1793, l’Académie fut rétablie, en 1803, par les soins du préfet du département, le comte Beugnot et avec le concours de Defontenay, le maire de Rouen. L’Académie récupéra ses archives et ses registres le 29 juin 1803 mais non sa bibliothèque ou son jardin. De nouvelles lettres patentes approuvèrent, le 1er juin 1804, son nouveau règlement qui fut confirmé le 10 juin 1828. Reconnue d’utilité publique par un décret du 12 avril 1852, l’Académie a joué un rôle déterminant dans le développement du mouvement des idées à Rouen en l’absence d’université jusqu’en 1965.

[11] L’église Saint-Gervais-Saint-Protais de Paris, généralement connue sous le nom d’église Saint-Gervais, est située sur la place Saint-Gervais, dans le quartier Saint-Gervais, auxquels elle donne leurs noms, dans le 4ème arrondissement, à l’est de l’Hôtel de Ville.