Lucillianus magister equitum (mort en 363)
Général romain. Beau-père de l’empereur Jovien
Il commande les troupes romaines face aux Sassanides [1] en 350. Il participe par la suite à l’arrestation et à l’exécution du cousin de l’empereur Constance II, le César Gallus.
Durant la guerre civile qui oppose Julien à Constance, Lucillianus commande les forces de ce dernier en Illyrie [2]. Enlevé durant son sommeil, il refuse de rallier Julien et est déchu de son commandement.
Lucillianus est rappelé aux affaires après la mort de Julien, lorsque son gendre Jovien est proclamé empereur. Il reçoit un commandement militaire important en Occident avant d’être assassiné au cours d’une mutinerie en Gaule.
Lucillianus pourrait être originaire de la province de Pannonie [3] comme l’époux de sa fille Charito , l’empereur Jovien. Sa ville natale était peut-être Sirmium [4], dans la province de Mésie supérieure [5], où il était autrefois en poste, et dans laquelle il réside pendant sa retraite forcée entre 361 et 363.
En 350, l’empereur Constance II est aux prises avec l’usurpateur Magnence. L’empereur confie à Lucillianus le commandement de ses forces contre l’Empire sassanide de Chapour II, en guerre contre l’Empire romain depuis 337. À ce titre, Lucillianus qui fut probablement nommé dux Mesopotamiae ou plus vraisemblablement comes rei militaris, défend avec succès la forteresse de Nisibe [6] contre les attaques perses.
En 354, Lucillianus est nommé comes domesticorum [7] du César Gallus, le cousin de Constance chargé par lui d’administrer les provinces orientales de l’Empire. Constance, qui se méfie de Gallus, a en réalité décidé secrètement de le faire arrêter et exécuter et l’a convoqué à cette fin d’Antioche [8] à sa cour de Mediolanum [9]. Lucillianus a pour mission d’accompagner Gallus durant son dernier voyage et de dissiper ses soupçons quant aux intentions de Constance. Gallus est arrêté en chemin à Pétovio [10] par Barbatio, avant d’être condamné à mort à Pola [11] en Istrie [12].
En 358, il se rend aux côtés du général Procope en mission diplomatique auprès de Chapour II. Il est encore présent à la cour du roi sassanide en 359, avant la reprise des hostilités entre Perses et Romains qui se traduit en juillet de cette année par le siège d’Amida [13].
Constance élève en 355 son cousin Julien, le demi-frère de Gallus, à la dignité de César, et lui confie la garde des Gaules, menacées par les incursions de tribus germaniques venues d’outre-Rhin. La reprise des hostilités avec l’Empire perse conduit l’empereur à s’établir sur la frontière orientale et le force à mobiliser ses troupes. Constance demande à Julien de lui faire parvenir 2 de ses légions, ce que ce dernier refuse avant de se faire proclamer Auguste par ses troupes à Lutèce [14]. Lucillianus reste fidèle à Constance, qui refuse de reconnaître Julien comme co-empereur malgré l’envoi d’offres de conciliation. Par conséquent, Julien décide de faire marcher ses troupes vers celles de Constance afin de s’imposer sur le champ de bataille.
Lucillianus est nommé commandant des armées de Constance en Illyrie [15], avec rang de magister equitum [16]. Il établit son quartier général à Sirmium, d’où il compte s’opposer à l’avancée vers l’Est des armées de Julien.
Alors qu’il réside dans la ville de Bononia [17], située au nord de Sirmium, Lucillianus est surpris dans son sommeil et capturé lors d’un raid nocturne des troupes de Julien. Il est amené en état de choc devant le prétendant qui lui offre l’occasion de se soumettre en accomplissant un acte d’adoration [18]. Lucillianus répond avec audace à Julien en remettant en question la sagesse de sa rébellion contre Constance.
Lorsque Constance meurt en novembre 361 et que Julien devint le seul empereur, Lucillianus est déchu de son commandement et prend sa retraite à Sirmium.
Après la mort de Julien au cours de la bataille de Samarra [19] lors de sa campagne contre les Perses en 363, le gendre de Lucillianus, Jovien, commandant de la garde impériale, est désigné comme Auguste par les officiers de l’empereur défunt.
Jovien rappelle son beau-père au service et le nomme commandant des armées romaines dans la préfecture du prétoire d’Italie [20], avec le grade de magister equitum et peditum [21]. Il le charge de se rendre à Mediolanum [22] et d’affirmer son autorité sur les provinces occidentales.
Jovien relève le commandant des armées en Gaule de ses missions sa loyauté envers Julien étant apparemment suspecte et lui choisit pour successeur un général du nom de Malaric. Après le refus de ce dernier, Lucillianus se précipite à Reims [23], capitale de la Gallia Belgica [24], pour revendiquer le poste pour lui-même.
Après son arrivée, Lucillianus conduit une enquête sur l’administration locale car il soupçonne certains fonctionnaires de corruption et de détournement de fonds. Ces derniers s’assurent du soutien et de la protection des soldats. L’un des coupables s’enfuit vers la caserne et convainc des soldats des Batavi [25] que l’empereur Julien est toujours en vie et que Jovien n’est qu’un rebelle.
Une mutinerie s’ensuit au cours de laquelle Lucillianus est assassiné. L’un de ses serviteurs, le futur empereur Valentinien, parvient à s’échapper.
Notes
[1] Les Sassanides règnent sur le Grand Iran de 224 jusqu’à l’invasion musulmane des Arabes en 651. Cette période constitue un âge d’or pour la région, tant sur le plan artistique que politique et religieux. Avec l’Empire romano byzantin, cet empire a été l’une des grandes puissances en Asie occidentale pendant plus de quatre cents ans. Fondée par Ardashir (Ardéchir), qui met en déroute Artaban V, le dernier roi parthe (arsacide), elle prend fin lors de la défaite du dernier roi des rois (empereur) Yazdgard III. Ce dernier, après quatorze ans de lutte, ne parvient pas à enrayer la progression du califat arabe, le premier des empires islamiques. Le territoire de l’Empire sassanide englobe alors la totalité de l’Iran actuel, l’Irak, l’Arménie d’aujourd’hui ainsi que le Caucase sud (Transcaucasie), y compris le Daghestan du sud, l’Asie centrale du sud-ouest, l’Afghanistan occidental, des fragments de la Turquie (Anatolie) et de la Syrie d’aujourd’hui, une partie de la côte de la péninsule arabe, la région du golfe persique et des fragments du Pakistan occidental. Les Sassanides appelaient leur empire Eranshahr, « l’Empire iranien », ou Empire des Aryens.
[2] L’Illyrie est un royaume des côtes de la rive orientale de l’Adriatique, correspondant à peu près à l’Ouest de la Croatie, de la Slovénie et de l’Albanie actuelle. Les Illyriens apparaissent vers le 20ème siècle av. jc. C’est un peuple de souche Indo-Européenne qui comprenait des Dalmates et des Pannoniens. Vers 1300 av. jc ils s’établissent sur les côtes Nord et Est de l’Adriatique. Les Illyriens sont les premiers avec les Grecs, à s’installer dans les Balkans et constituent un immense Royaume. Au 7ème siècle av. jc et 6ème siècle av. jc, l’Illyrie subit une forte héllénisation du fait de ses relations avec les Grecs, qui y ont fondé des comptoirs.
[3] La Pannonie est une ancienne région de l’Europe centrale, limitée au Nord par le Danube et située à l’emplacement de l’actuelle Hongrie, et partiellement de la Croatie et de la Serbie. Les habitants originaux sont les Pannoniens, qui sont envahis par les Celtes et les Boïens au 4ème siècle av. jc. Vers 105 apr. jc, Trajan divise la province en Pannonie supérieure à l’ouest et Pannonie inférieure à l’est. Ces qualificatifs ne sont pas seulement déterminés par le sens du cours du Danube, mais aussi par l’éloignement par rapport à Rome en suivant les itinéraires routiers : le voyageur venant d’Italie rencontre d’abord la Pannonie supérieure, puis la Pannonie inférieure. Le Pannonien Maximien est associé au pouvoir en 285. Les tétrarques réorganisent les provinces pour en améliorer l’administration et la défense : la Pannonie inférieure est divisée en deux : au nord la Valeria, du nom de famille de Dioclétien, avec pour capitale Aquincum ; au sud, la Pannonia Secunda, avec pour capitale Sirmium
[4] Sirmium, aujourd’hui Sremska Mitrovica, dans la province de Voïvodine, en Serbie était une cité romaine située dans la province de Pannonie. Originellement fondée par les Celtes au 3ème siècle av. jc et conquise par les Romains au 1er siècle av. jc, elle fut la capitale économique de la province de Pannonie et l’une des quatre capitales de l’Empire romain au temps de la Tétrarchie.
[5] À la suite des réformes administratives de Dioclétien à la fin du 3ème siècle et de la mise en place de la Tétrarchie (293-324) : la Mésie supérieure est incluse dans le diocèse des Mésies (diocesis Moesiarum), appartenant à la préfecture du prétoire d’Illyrie (Illyricum), placée sous la responsabilité de l’empereur d’Orient, ensuite subdivisée en : province de Mésie première (Moesia prima), formée par l’essentiel de la Mésie supérieure ; province de Dacie aurélienne (Dacia Aureliana), formée en 271/275 sous Aurélien par la partie orientale de la Mésie supérieure et la partie occidentale de la Mésie inférieure ; scindée par la suite en 285 par Dioclétien en Dacie méditerranéenne (Dacia mediterranea) et Dacie ripuaire (Dacia ripensis)
[6] Ville située aux confins des empires romain et perse, passée plusieurs fois de l’une à l’autre domination, située aujourd’hui dans le sud-est de la Turquie
[7] commandant des protecteurs domestiques
[8] Antioche est une ville de Turquie proche de la frontière syrienne, chef-lieu de la province de Hatay.
[9] actuelle Milan
[10] Ptuj (latin Poetovio) est l’une des 11 communes urbaines de Slovénie. Elle est située, sur la Drave, en aval de Maribor, dans la région traditionnelle de Styrie et dans la région naturelle de la plaine pannonienne. C’est l’une des plus anciennes villes de Slovénie. Les premiers peuplements datent de l’âge de la pierre mais la ville fut particulièrement prospère sous l’Empire romain. En 69, c’est là que Vespasien fut proclamé empereur par ses légions. La première mention écrite de Ptuj date de la même année. La cité de Pétovion1 était le camp de base de la Legio XIII Gemina en Pannonie. Ptuj doit son nom à l’Empereur Trajan qui établit la colonie et la nomma Colonia Ulpia Traiana Poetovio. Après la chute de l’Empire romain, Ptuj retrouva ses droits au 10ème siècle.
[11] Pula (en italien : Pola) est une ville et une municipalité située en Istrie, dans le comitat d’Istrie, en Croatie.
[12] L’Istrie est une péninsule de l’Adriatique de forme triangulaire pointée vers le sud, attachée au continent par le nord-est. Sa superficie est de 2 820 km². Son littoral commence au nord-ouest avec le golfe de Trieste, suit une ligne rectiligne nord-ouest/sud-est longue de 242,5 km jusqu’au cap Kamenjak où il s’infléchit et suit une ligne sud-ouest/nord-est longue de 212,4 km jusqu’à la baie de Kvarner. Son territoire est principalement compris en Croatie.
[13] Le siège d’Amida a eu lieu lorsque les Sassanides sous Shapur II ont assiégé la ville romaine d’Amida (Diyarbakır moderne, Turquie) en 359 de notre ère. Dans cette bataille, Ammien Marcellin, historien d’origine grecque d’ Antioche, était un officier de l’armée romaine. Il a décrit le siège dans son travail
[14] Lutèce est la forme francisée du nom employé par les Romains Lutetia ou Lutetia Parisiorum pour désigner la ville gallo-romaine connue aujourd’hui sous le nom de Paris ainsi que son oppidum. Vers 310, Lutèce prend le nom de Paris, par abréviation des mots latins « civitas Parisiorum » ou « urbs Parisiorum » du nom du peuple gaulois qui occupe le site depuis le 3ème siècle av. jc : les Parisii
[15] L’Illyrie est un royaume des côtes de la rive orientale de l’Adriatique, correspondant à peu près à l’Ouest de la Croatie, de la Slovénie et de l’Albanie actuelle. Les Illyriens apparaissent vers le 20ème siècle av. jc. C’est un peuple de souche Indo-Européenne qui comprenait des Dalmates et des Pannoniens. Vers 1300 av. jc ils s’établissent sur les côtes Nord et Est de l’Adriatique. Les Illyriens sont les premiers avec les Grecs, à s’installer dans les Balkans et constituent un immense Royaume. Au 7ème siècle av. jc et 6ème siècle av. jc, l’Illyrie subit une forte héllénisation du fait de ses relations avec les Grecs, qui y ont fondé des comptoirs.
[16] Le maître de cavalerie (magister equitum) était sous la Rome antique le chef d’état-major du Dictateur romain par qui il était nommé. Comme le dictateur, le maître de cavalerie exerce un mandat de 6 mois en cas de troubles graves. Il est entouré de 6 licteurs. Il s’agit d’une magistrature exceptionnelle puisque il faut que le sénat proclame l’état d’exception pour qu’elle soit exercée.
[17] aujourd’hui Banoštor en Serbie
[18] adoratio
[19] La bataille de Samarra a eu lieu en juin 363, lors de l’invasion de l’empire sassanide par l’empereur romain Julien. Après avoir fait marcher son armée jusqu’aux portes de Ctésiphon et avoir échoué à prendre la ville, Julien, se rendant compte que son armée était à court de provisions et en territoire ennemi, a commencé à marcher vers Samarra. La bataille a commencé comme une attaque sassanide contre l’arrière-garde romaine, mais s’est transformée en une bataille majeure. Julien a été blessé pendant la bataille et est décédé plus tard sans avoir choisi de successeur. Après la mort de Julien, les Romains ont élu Jovien comme empereur. Bloqué au plus profond du territoire sassanide et souffrant d’un manque de fournitures, Jovien a été contraint d’accepter les conditions de paix.
[20] La préfecture du prétoire d’Italie était l’une des grandes divisions administratives de l’Empire romain tardif (aussi appelé « Bas-Empire »). Bien que son territoire ait varié au cours des décennies, elle comprenait la péninsule italienne, la Dalmatie, la Pannonie, le Norique, la Rhétie et l’Afrique du Nord romaine. Créée après la mort de Constantin 1er en 337, elle existe jusqu’à son remplacement par l’exarchat de Ravenne (ou d’Italie) en 584. Avec la préfecture des Gaules, elle forme après la mort de Théodose et la partition de l’empire, l’Empire romain d’Occident (Imperium romanum, pars occidentalis).
[21] maître de cavalerie et d’infanterie
[22] Milan
[23] Reims est une commune française qui se situe dans le département de la Marne. La ville est surnommée « la cité des sacres » ou « la cité des rois ». En effet, c’est sur le futur emplacement de la cathédrale Notre-Dame de Reims que Clovis est baptisé par saint Remi et que furent sacrés un grand nombre de rois carolingiens puis capétiens pendant plus de 10 siècles de Louis le Pieux en 816 jusqu’à Charles X en 1825. Outre la cathédrale, le patrimoine culturel et historique de Reims est important ; il comporte de nombreux monuments historiques et façades Art déco.
[24] a Gaule belgique est une des trois parties entre lesquelles, d’après Jules César, la Gaule était divisée lors de la guerre des Gaules (58-51/50 av. jc). Elle correspond à la partie de la Gaule qui était habitée par les Belges. D’après César, elle comprenait le Belgium, région habitée par les Calètes, les Véliocasses, les Bellovaques, les Ambiens et les Suessions ainsi, peut-être, que par les Atrébates et les Viromanduens. D’après César, la Gaule belgique comprenait, d’autre part, la région habitée par les peuples qu’il qualifie de Germains cisrhénans, à savoir : les Condruses, les Éburons, les Caerèses, les Pémanes et les Sègnes. D’après César, la Gaule belgique comprenait, enfin, les régions habitées par les Morins, les Ménapiens, les Nerviens, les Aduatuques, les Trévires et les Rèmes.
[25] Le Batavi était une unité d’infanterie de la fin de l’armée romaine, active entre le 4ème et le 5ème siècle. Il était composé de 500 soldats et était l’héritier de ces groupes ethniques qui ont d’abord été utilisés comme unités auxiliaires de l’armée romaine et plus tard intégrés dans l’Empire romain après la Constitutio Antoniniana. Leur nom est dérivé du peuple des Bataves. Dans les sources, ils sont généralement enregistrés avec les Hérules, et il est probable que les deux unités ont combattu ensemble. Au début du 5ème siècle, deux unités apparentées sont attestées, les Batave seniores et les Batavi iuniores.