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Jehan Titelouze ou Jean Titelouze

mercredi 17 avril 2024, par lucien jallamion

Jehan Titelouze ou Jean Titelouze (vers 1563-1633)

Organiste et compositeur français

Il est considéré comme le fondateur de l’école française d’orgue [1] et a passé l’essentiel de sa carrière comme organiste [2] et chanoine [3] de la cathédrale Notre-Dame de Rouen [4]. Il passe pour être un des organistes les plus talentueux de son temps, improvisateur doué, expert en facture orgues, poète à ses heures et en relation avec les théoriciens de son temps.

Fils et neveu de ménétrier [5], il a probablement été initié à la musique par sa famille, mais le détail de son éducation musicale n’est pas connu. Il a pu être éduqué dans l’important collège des Jésuites de Saint-Omer [6], fondé en 1568, ou dans le collège des Bons-Enfants.

On sait seulement qu’il embrasse la prêtrise, peut-être après des études de théologie au collège Saint-Bertin, et qu’en 1585 il est un des quatre organistes remplaçants à la cathédrale de Saint-Omer [7], après le départ d’Adrien Balle ; c’est peut-être la nomination de Liévin Baes à la place d’Adrien Balle qui le décide à partir pour Rouen.

Sa carrière rouennaise commence à l’église Saint-Jean, où il est engagé comme organiste en 1585. Bien qu’engagé à la cathédrale Notre-Dame dès 1588, il assure donc un double service jusqu’en 1589, remplacé cette année-là par Jaspar Petit, et garde longtemps le contact avec cette église : il lui fournit en 1600 des livres de musique apportés de Paris et expertise en 1603 les réparations de l’orgue faites par le facteur [8] Crespin Carlier.

Le décès de l’organiste François Josseline survenant le 13 avril 1588, Titelouze est nommé organiste de la cathédrale Notre-Dame de Rouen 2 jours après.

Comme souvent dans ce genre d’emploi, Titelouze est appelé à jouer dans des occasions particulières, comme pour le jour de la fête de saint Étienne à Saint-Étienne-la-Grande-Église [9].

Le 3 août 1604, il obtient l’enregistrement par le bureau des finances de Rouen des lettres de naturalité qui lui avaient été octroyées le 24 janvier 1595 et qui empêcheront donc le roi d’exercer son droit d’aubaine sur ses biens à son décès.

Il reçoit enfin plusieurs dignités ecclésiastiques : le 2 avril il obtient du grand vicaire de l’archevêque de Rouen [10] les lettres patentes qui le font chanoine prébendé de Baillolet.

Il jouit d’une maison canoniale, qui subit des réparations en 1629 et il est à l’occasion délégué pour représenter le chapitre, comme lors des États provinciaux de 1617. Le 29 juin 1610, il reçoit encore la cure de Londinières [11], vacante par le décès de Louis Duval.

Connu bien au-delà de Rouen, Titelouze est parfois sollicité pour donner son avis sur tel ou tel organiste. Ainsi, au décès de Toussaint Le Febvre, l’organiste de Saint-Maclou de Rouen [12], il recommande Jacques Le Febvre pour son successeur en janvier 1616.


Outre son activité de compositeur et organiste, il arrive que Titelouze s’essaye à la poésie. Il est l’auteur de deux Chants royaux récompensés à l’Académie des Palinods de Rouen, en 1613 et 1630.

Titelouze s’intéresse aussi à la théorie de la musique et fait partie des correspondants du Père Marin Mersenne. La correspondance retrouvée du savant Minime contient 7 lettres que lui à adressées Titelouze, dans la période 1622/1633.

Il apparaît être en contact avec Louis Mauduit , qui est parfois son intermédiaire entre Paris et Rouen. La dernière lettre de Titelouze à Mersenne, du 6 janvier 1633, fait mention d’un voyage à Paris et il s’excuse de n’avoir pas eu le temps de lui rendre visite.

En 1588, il visite avec le maître Corneille, organiste de Saint-Michel de Rouen, les orgues de Notre-Dame-de-la-Ronde de Rouen.

En 1613, il est désigné par le chapitre de la cathédrale de Poitiers [13] comme expert pour la réception de l’orgue réparé par Crespin Carlier . L’expertise eut lieu le 27 avril 1613.

En 1622, il est sollicité pour l’expertise de l’orgue de Néville [14] mais se fait remplacé par Jolliet, organiste à Chartres [15].

Le 23 juin 1623, il signe avec Henri Frémart et Jean de Bournonville l’expertise de réception de l’orgue de la cathédrale d’Amiens [16].

En 1632 enfin, il prépare le devis de construction des orgues de l’église Saint-Godard de Rouen [17], en préparation du marché passé avec le facteur Guillaume Lesselier.

On considère qu’il a influencé les facteurs normands en promouvant l’usage d’un orgue fait selon son désir : à deux claviers et grand pédalier, inspiré quant à la composition des orgues flamands mais possédant déjà des jeux qui annoncent la facture française baroque.

Tout l’œuvre connu de Titelouze est publié entre 1623 et 1626, lorsqu’il est déjà dans la soixantaine. Il organise enfin, à la Sainte-Cécile 1631, le puy de musique habituellement célébré en cette occasion, en faisant construire quatre théâtres dans la nef de la cathédrale, pour que la musique soit plus harmonieuse, et les instruments plus intelligibles.

Le 21 janvier 1633, probablement déjà affaibli, Titelouze prie le chapitre de lui accorder une augmentation de gages pour qu’il puisse instruire un jeune organiste qui le remplace en son absence. Il rédige un premier testament le 29 avril 1633 puis le complète le 24 octobre 1633 et meurt le même jour.

Outre quelques legs en argent à des églises, des couvents ou des particuliers, le testament prévoit que le facteur d’orgue Guillaume Lesselier recevra son orgue organisé, et Blaise Bretel, organiste de Saint-Vincent, sa collection de musique.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Albert Cohen, « Jehan Titelouze as music theorist », Festa Musicologica : essays in honor of George J. Buelow, ed. T.J. Mathiesen and B.V. Rivera. Stuyvesant (NY), 1995,

Notes

[1] L’école française d’orgue prend son origine connue à la Renaissance, avec les publications de Pierre Attaingnant entre 1547 et 1557. Si quelques auteurs (tels Eustache du Caurroy en 1610, ou Charles Guillet la même année) publient des fantaisies instrumentales qui restent susceptibles d’être jouées à l’orgue, il faut attendre Jehan Titelouze en 1623 et 1626 pour disposer d’œuvres écrites spécifiquement pour cet instrument. De là, il faut encore plusieurs décennies pour atteindre les œuvres de Nivers, et de Louis Couperin, Jacques Thomelin ou Charles Racquet. À la même époque, la publication des trois Livres d’orgue de Nicolas Lebègue (1676, 1678 et 1685) confirme la grande tradition française qui privilégie la mélodie sur la polyphonie et fait grand usage des timbres caractéristiques de l’orgue français.

[2] L’orgue est un instrument à vent multiforme dont la caractéristique est de produire les sons à l’aide d’ensembles de tuyaux sonores accordés suivant une gamme définie et alimentés par une soufflerie. L’orgue est joué majoritairement à l’aide d’au moins un clavier et le plus souvent d’un pédalier.

[3] Un chanoine est un clerc (voire laïc) appartenant à un chapitre ou à une congrégation, et consacré à la prière liturgique au chœur, voire à l’enseignement, à la prédication, au secours des pauvres, au chœur professionnel (le « bas-chœur ») et à la maîtrise, etc. Au haut Moyen Âge, le mot pouvait désigner certains membres du personnel laïc des églises. Aujourd’hui, il existe des chanoines ecclésiastiques (séculiers ou réguliers), des chanoines laïcs et des femmes religieuses régulières (chanoinesses).

[4] La cathédrale Notre-Dame, officiellement cathédrale primatiale Notre-Dame-de-l’Assomption de Rouen, est le monument le plus prestigieux de la ville de Rouen. Elle est le siège de l’archidiocèse de Rouen, chef-lieu de la province ecclésiastique de Normandie. L’archevêque de Rouen portant le titre de primat de Normandie, sa cathédrale a ainsi le rang de primatiale. C’est une construction d’architecture gothique dont les premières pierres remontent au haut Moyen Âge. Elle a la particularité, rare en France, de conserver son palais archiépiscopal et les constructions annexes environnantes datant de la même époque.

[5] Sous l’Ancien régime, un ménétrier est un joueur de musique instrumentale travaillant essentiellement pour des occasions publiques et profanes. Il est dit aussi « joueur d’instruments » ou « maître joueur d’instruments ». Au Moyen Âge, on emploie plutôt le terme de ménestrel.

[6] L’ancien collège des Jésuites de Saint-Omer également appelé collège des jésuites wallons, fondé à Saint-Omer en 1568, était une importante institution éducative jésuite des Pays-Bas méridionaux. Après 2 siècles de présence, les jésuites en sont expulsés en 1762, et le collège est fermé. Rénovés, les bâtiments sont réutilisés en 1802 comme école publique qui devient collège impérial en 1808 et, après la chute de la monarchie de Juillet, lycée d’État en 1848. Depuis 1924 ce lycée s’appelle lycée Alexandre-Ribot.

[7] La cathédrale Notre-Dame de Saint-Omer est une église catholique située à Saint-Omer dans le Pas-de-Calais, en France. Dédiée à la Sainte-Vierge, l’édifice garde son statut de cathédrale car l’évêché est triple : Arras, Boulogne et Saint-Omer. L’édification de la cathédrale s’étale du 13ème siècle au 16ème siècle. Son architecture mêle des éléments de styles gothique primitif, rayonnant et flamboyant. La cathédrale abrite entre autres une horloge astronomique de 1558, un buffet d’orgue monumental, un tableau de Rubens et une dalle en labyrinthe.

[8] Un facteur d’orgue est un artisan (ou une entreprise artisanale) spécialisé dans la fabrication et l’entretien d’orgues complets et des nombreuses pièces entrant dans leur construction. Suivant l’importance des opérations de maintenance, on parle de dépoussiérage, de relevage, de restauration (souvent à l’identique), de reconstruction. Ce métier nécessite la maîtrise de nombreuses disciplines, dont la menuiserie, la mécanique, le travail des peaux et le formage des métaux, et des matières plastiques, l’électricité et l’électrotechnique, l’informatique, ainsi que des connaissances musicales et acoustiques très sérieuses.

[9] une église paroissiale sise dans une des chapelles de la cathédrale

[10] L’archidiocèse de Rouen est un archidiocèse métropolitain de l’Église catholique en France. Érigé au 3ème siècle, le diocèse de Rouen est élevé au rang d’archidiocèse métropolitain au 5ème siècle. C’est le siège primatial de Normandie, premier dans l’ordre de préséance dans la province de Normandie. Saint Mellon qui était probablement un disciple de saint Nicaise, devint le premier évêque de Rouen. L’archevêque de Rouen est primat de Normandie et porte aussi les titres de comte de Dieppe, Louviers, Aliermont et Douvrend, vicomte de Déville, baron de Fresne-l’Archevêque, seigneur de Gisors, Neaufle, Gaillon, Bouteilles, Cliponville, Envronville

[11] Londinières est une commune française située dans le département de la Seine-Maritime

[12] L’église Saint-Maclou est un lieu de culte catholique dans le centre-ville de Rouen. L’église est un joyau de l’art gothique flamboyant construit entre 1437 et 1517

[13] La cathédrale Saint-Pierre de Poitiers est une cathédrale catholique romaine située à Poitiers, dans le département de la Vienne. Elle est le siège de l’archidiocèse de Poitiers. En plus de son titre d’église archiépiscopale, elle a rang de basilique mineure depuis le 1er mars 1912. Moins connue que l’église Notre-Dame-la-Grande, cet immense vaisseau de pierre est pourtant le plus vaste édifice religieux de la ville et un repère visible de loin dans le paysage urbain. Construite à l’initiative de l’évêque de Poitiers et du chapitre de Saint-Pierre après 1150, consacrée en 1379, elle est de style gothique angevin (emploi de voûtes bombées sur plan carré) et s’apparente aux églises-halles par sa division en trois vaisseaux de hauteur presque égale. La façade, cantonnée de deux tours inachevées, emprunte des éléments à la grammaire stylistique du nord de la France. L’intérieur conserve des stalles du 13ème siècle et une collection de vitraux historiés datant des 12 et 13ème siècles, parmi lesquels une Crucifixion, comptant parmi les sommets de l’art du vitrail médiéval français.

[14] Seine-Maritime

[15] L’actuelle cathédrale, de style gothique dit « classique », a été construite au début du 13ème siècle, pour la majeure partie en trente ans, sur les ruines d’une précédente cathédrale romane, détruite lors d’un incendie en 1194. Grand lieu de pèlerinage, elle domine la ville de Chartres et la plaine de la Beauce, se dévoilant au regard à plus de dix kilomètres de distance.

[16] La cathédrale Notre-Dame d’Amiens est un édifice catholique situé à Amiens, dans le département de la Somme. Dédiée à la Vierge Marie, elle est la cathédrale du diocèse d’Amiens. Sa construction a commencé au 13ème siècle, elle est contemporaine de celle des cathédrales de Reims, de Bourges ou de Beauvais. C’est la plus vaste cathédrale de France par ses volumes intérieurs, et seule la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais la dépasse en hauteur. Elle est considérée comme l’archétype du style gothique classique pour la nef et du gothique rayonnant pour le chœur. Le style gothique flamboyant est présent dans les rosaces de la façade occidentale et du transept, les parties hautes de la tour nord, le Beau Pilier, les stalles et la statuaire de la clôture du chœur.

[17] L’église Saint-Godard est un lieu de culte catholique dans le centre-ville de Rouen, dans le quartier Vieux-Marché - Cathédrale, située auprès du musée Le Secq des Tournelles (ancienne église Saint-Laurent, désaffectée au culte) et du musée des Beaux-Arts.