Elle appartenait a une puissante famille castillane, les Mendoza. Fille unique de Diego Hurtado de Mendoza et de Cerda, vice-roi d’Aragon [1], et de María Catalina de Silva etToledo, on la maria à l’âge de 12 ans en 1552 avec Rui Gómez de Silva , prince d’Éboli [2].
Ce mariage fut souhaité par le prince Philippe futur roi Philippe II. Durant les 5 premières années du mariage, Ana passa seulement 3 mois avec son époux, ce dernier se rendant souvent en déplacement en Angleterre.
Ce fut une des femmes les plus talentueuses de son temps et on la considéra comme une des plus belles aristocrates de la Cour d’Espagne malgré une anomalie qui l’obligeait à porter en permanence un cache-oeil au niveau de l’œil droit.
Elle sollicita la construction de 2 couvents de sœurs carmélites [3] à Pastrana [4]. Cependant elle s’opposa aux religieuses, en particulier à Sainte Thérèse d’Avila , car elle souhaitait avoir le contrôle absolu des projets.
Bien heureusement, Ruy Gómez de Silva calma les ardeurs de son épouse, cependant, à la mort de ce dernier les mésententes revinrent à nouveau. En effet, la princesse désirait entrer dans les Ordres avec ses propres servantes. Thérèse d’Avila accepta, bien malgré elle, et la logea dans une chambre très modeste.
Bien vite, l’aristocrate se lassa de cette vie et elle emménagea dans une maison proche du couvent avec ses domestiques où elle pouvait garder ses robes et ses bijoux et être en contact avec le monde extérieur.
Devant cette attitude assez déconcertante, sur ordre de Thérèse d’Avila, toutes les religieuses abandonnèrent Pastrana, laissant Ana seule. Cette dernière, revint à son palais de Madrid et rédigea une biographie controversée de Thérèse qui fut interdite pendant 10 ans par l’Inquisition.
Suite au brutal décès de son époux, la princesse fut obligée de gérer l’important patrimoine laissé par Gómez de Silva et elle mena une existence quelque peu chaotique durant le restant de sa vie. Ses importants titres de noblesse lui permirent de garantir à ses enfants une bonne condition sociale.
Grâce à sa haute position sociale, elle maintenait de proches relations avec le prince puis, ultérieurement, roi d’Espagne Philippe II. Certains pensent qu’elle a pu être la maîtresse de ce dernier, lorsque celui-ci était marié à Élisabeth de Valois et Ana une des favorites de la reine. Ce qui semble vraisemblable, c’est le fait qu’elle ait maintenu, une fois devenue veuve, une relation sentimentale avec Antonio Pérez , secrétaire du roi. Antonio avait le même âge qu’elle et on ne connaît pas les motifs de cette relation qui purent être une question d’amour, de pouvoir politique ou encore de recherche d’un appui à la suite du décès de son mari.
Leur relation fut découverte par Juan de Escobedo , secrétaire de Juan d’Autriche, qui par ailleurs maintenait des contacts avec les rebelles hollandais. Antonio Pérez, ayant peur que leur liaison se fasse publique, dénonça auprès du roi les liens politiques d’Escobedo. Peu de temps après, ce dernier fut assassiné et l’opinion publique accusa Pérez de la mort d’Escobedo. Un an plus tard le roi ordonna sa mise en détention. S’ensuivirent la mise en disgrâce de la princesse d’Éboli.
Il est fort probable que la révélation de la relation amoureuse entre Ana et Antonio Pérez, leur possible complot ayant à voir avec la succession du trône vacant de Portugal et leurs supposées manigances afin d’éviter le mariage de Juan d’Autriche avec Marie Stuart aient contribué à la mise en disgrâce de la princesse d’Éboli.
La princesse fut emprisonnée par ordre de Philippe II en 1579, d’abord au Torréon de Pinto [5] puis à la forteresse de Santorcaz. Elle fut privée de la tutelle de ses enfants et de l’administration de ses biens. En 1581 elle fut transférée à son Palais Ducal de Pastrana [6] où elle passa le restant de sa vie accompagnée de sa fille cadette Ana de Silva et de 3 domestiques. En raison de la fuite d’Antonio Pérez en 1590, Philippe II décida de faire installer des grilles aux portes et fenêtres du Palais Ducal : la mélancolique princesse d’Éboli passait bon nombre de ses heures au palais dans un balcon grillagé donnant sur la plaza de la Hora.
L’attitude cruelle de Philippe II envers Ana reste assez inexplicable. Dans les lettres envoyées au roi, la princesse l’appelait "primo" [7] et lui demandait de la protéger comme un bon gentilhomme le ferait. Philippe II, quant à lui, l’appelait "la hembra" [8]. Cependant, il est vrai que le monarque protégea et s’occupa particulièrement bien des enfants de cette dernière.
Elle mourut à Pastrana en 1592 et fut enterrée aux côtés de son époux Ruy Gómez de Silva dans la Collégiale de Pastrana.