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Decimus Magnus Ausonius dit Ausone

dimanche 3 janvier 2021, par lucien jallamion

Decimus Magnus Ausonius dit Ausone (309/310-394/395)

Homme politique-Homme de lettres

Pédagogue gallo-romain de la période du Bas-Empire [1], proche de l’empereur Gratien ; il fut notamment préfet du prétoire [2] des Gaules en 378.

Poète de langue latine, ce lettré de l’empire d’Occident est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages. L’histoire littéraire française, oubliant de nombreux autres auteurs de son siècle ou des siècles précédents, le considère comme le premier représentant de la tradition des lettres latines en France.

Il est le fils de Jules Ausone, médecin, puis préfet d’Illyrie [3], puis archiatre [4] de Valentinien 1er, et d’Aemilia Aeona, tous deux membres de familles de propriétaires fonciers du Sud-Ouest de la Gaule.

Il épouse Attusa Lucana Sabina, fille du sénateur Attusius Lucanacus Talisius. Il a un fils, Hesperius.   Il hérite de ses parents une fortune constituée d’une dizaine de petits domaines répartis dans la vallée de la Garonne entre Burdigala [5], Cossium [6] et Marmande [7].

Il fait ses études d’abord à Bordeaux, puis à Tolosa [8] sous la direction de son grand-oncle paternel Aemilius Magnus Arborius , né dans la province de Lyonnaise [9] et cultivant des origines éduennes [10], avocat et précepteur de la famille impériale qui réside alors dans cette ville.

Revenu à Bordeaux, Ausone pratique le droit quelque temps, puis se tourne vers une carrière d’enseignement de la grammaire, puis de la rhétorique [11]. Il a eu pour élèves Paulin de Nole avec qui il a entretenu sa vie durant une longue correspondance. Ausone, parlant des professeurs, nous apprend qu’il y avait à Bordeaux des philologues [12], des grammairiens [13] et des rhéteurs, enseignant en latin et en grec.

Ausone connaît une carrière tardive. Il approche de sa 55ème année, lorsqu’en 364 l’empereur Valentinien 1er l’appelle pour prendre la place de précepteur auprès de son fils Gratien, âgé de 5 ans. 3 ans plus tard, celui-ci est élevé au rang d’Auguste. Ausone jouit du titre de comites [14]. En 368, le vieux fonctionnaire reçoit pour butin une très jeune esclave alamane [15], peut-être une fillette, Bissula , à laquelle il adressera plusieurs poèmes d’amour.

Ausone devient questeur du palais [16] en 374 et le restera jusqu’en 378. En 375, Valentinien meurt et son fils prend seul en charge les affaires impériales. Ausone obtient des charges élevées dans l’administration civile, préfet du prétoire des Gaules en 377/378, consul en 379, puis proconsul [17] d’Asie [18]. Le déplacement de la capitale impériale de Trèves [19] à Milan [20] en 381 sonne le glas de la courte carrière du puissant conseiller impérial.

Le vieux conseiller se retire de la cour de Milan à la mort de Gratien en 383 et revient à Bordeaux, partageant sa vie entre ses amis, la poésie et les plaisirs champêtres : c’est là qu’il compose ou met en forme ses derniers ouvrages.

Sa tombe se trouverait dans l’ermitage de Mortagne-sur-Gironde [21].

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Étienne Wolff (Éditeur scientifique), La réception d’Ausone dans les littératures européennes, Pessac, Ausonius éditions, 2019 (ISBN 978-2-35613-245-1).

Notes

[1] Le Bas-Empire est la période finale de l’Empire romain. Venant à la suite du Haut Empire, il constitue la deuxième des périodes historiographiques de l’Empire romain vue par les historiens français. Ces termes sont des concepts usuels, mais leurs limites chronologiques respectives ne sont pas fixées de façon unanime. La date de début varie selon les auteurs ; la date de fin généralement admise est 476.

[2] Le préfet du prétoire (præfectus prætorio) est l’officier commandant la garde prétorienne à Rome, sous le Haut-Empire, et un haut fonctionnaire à la tête d’un groupe de provinces, la préfecture du prétoire, dans l’Antiquité tardive.

[3] L’Illyrie est un royaume des côtes de la rive orientale de l’Adriatique, correspondant à peu près à l’Ouest de la Croatie, de la Slovénie et de l’Albanie actuelle. Les Illyriens apparaissent vers le 20ème siècle av. jc. C’est un peuple de souche Indo-Européenne qui comprenait des Dalmates et des Pannoniens. Vers 1300 av. jc ils s’établissent sur les côtes Nord et Est de l’Adriatique. Les Illyriens sont les premiers avec les Grecs, à s’installer dans les Balkans et constituent un immense Royaume. Au 7ème siècle av. jc et 6ème siècle av. jc, l’Illyrie subit une forte héllénisation du fait de ses relations avec les Grecs, qui y ont fondé des comptoirs.

[4] L’archiatre est le médecin d’un monarque ou d’une famille royale.

[5] Bordeaux

[6] Bazas

[7] Marmande est une commune du sud-ouest de la France, sous-préfecture et chef-lieu de canton du département de Lot-et-Garonne

[8] Toulouse

[9] La Gaule lyonnaise était une des trois provinces (avec la Gaule aquitaine et la Gaule belgique) créées par Auguste au début de son principat à partir des conquêtes effectuées par Jules César en Gaule entre 58 et 51/50 av. jc. Le sud de la Gaule et la vallée du Rhône, jusqu’à Vienne, sont alors déjà romains, depuis leur conquête effectuée antérieurement entre 125 et 121 av. jc. Cette dernière région constitue une province distincte, de rang sénatorial, la Narbonnaise, tandis que Gaules lyonnaise, aquitaine et belgique sont des provinces impériales. Ces trois dernières provinces issues du découpage augustéen se trouvaient cependant réunies, à travers les notables gaulois à la tête des cités, dans le cadre d’une assemblée commune, à vocation politique et religieuse, liée au culte impérial, le Sanctuaire fédéral des Trois Gaules, et dont le siège se situait face à la colonie romaine de Lugdunum (Lyon), à la confluence entre Saône et Rhône, lieu nommé condate ou ad confluentes. Cette province a compté au moins 23 peuples dont les Ségusiens ou Ségusiaves et les Éduens.

[10] Les Éduens étaient un peuple de la Gaule celtique. Ils étaient établis dans les actuels départements français de la Nièvre et de la Saône-et-Loire ainsi qu’au sud de celui de la Côte d’Or et à l’est de celui de l’Allier. Bibracte était leur capitale. Ils étaient régis par un chef électif, le vergobret. Les Romains firent, dès le 1er siècle av. jc, alliance avec eux, et le sénat romain les proclama frères de la république. Rome profita de la rivalité qui divisait les Éduens et les Arvernes pour intervenir dans les affaires de la Gaule et l’asservir plus facilement.

[11] La rhétorique est d’abord l’art de l’éloquence. Elle a d’abord concerné la communication orale. La rhétorique traditionnelle comportait cinq parties : l’inventio (invention ; art de trouver des arguments et des procédés pour convaincre), la dispositio (disposition ; art d’exposer des arguments de manière ordonnée et efficace), l’elocutio (élocution ; art de trouver des mots qui mettent en valeur les arguments → style), l’actio (diction, gestes de l’orateur, etc.) et la memoria (procédés pour mémoriser le discours).

[12] La philologie, consiste en l’étude d’une langue et de sa littérature à partir de documents écrits. C’est une combinaison de critique littéraire, historique et linguistique. Elle vise à rétablir le contenu original de textes connus par plusieurs sources, c’est-à-dire à sélectionner le texte le plus authentique possible, à partir de manuscrits, d’éditions imprimées ou d’autres sources disponibles (citations par d’autres auteurs, voire graffiti anciens), en comparant les versions conservées de ces textes, ou à rétablir le meilleur texte en corrigeant les sources existantes.

[13] Personne qui s’est spécialisée dans l’étude de la grammaire, c’est-à-dire l’ensemble des règles d’usage qu’il faut suivre pour parler et écrire correctement une langue.

[14] c’est-à-dire comtes du palais

[15] Les Alamans ou Alémans étaient un ensemble de tribus germaniques établies d’abord sur le cours moyen et inférieur de l’Elbe puis le long du Main, où ils furent mentionnés pour la première fois par Dion Cassius en 213. Ces peuples avaient pour point commun de rivaliser avec les Francs, sans doute à l’origine un autre regroupement d’ethnies établies plus au nord sur la rive droite du Rhin. Le royaume alaman désigne le territoire des Alamans décrit à partir de 269.

[16] Le questeur du palais sacré est une importante fonction légale dans le bas Empire romain et au début de l’Empire byzantin, puisqu’il est responsable de l’élaboration des lois. Au fur et à mesure de l’histoire de l’Empire byzantin, la fonction du questeur évolue pour devenir un important poste judiciaire à Constantinople. Il subsiste jusqu’au 14ème siècle, même s’il n’est alors plus qu’un titre honorifique.

[17] La fonction de proconsul dans la Rome antique correspond à la notion actuelle de gouverneur. Étymologiquement, ce terme vient du préfixe latin pro, à la place de, et consul. Le premier cas de proconsulat historiquement cité par Denys d’Halicarnasse date de 464 av. jc, lorsque Titus Quinctius Capitolinus Barbatus reçut le pouvoir de diriger une armée (imperium) pour aller au secours d’un consul assiégé. Il s’agit alors d’une solution improvisée sous la pression des événements. La fonction réapparaît avec l’agrandissement de la République romaine au 4ème siècle av. jc, lorsqu’un consul doit finir une campagne militaire ou doit gouverner un territoire au-delà de la durée normale de son mandat de consul (un an). Son pouvoir (imperium consulaire) est alors prolongé, en général pour une durée d’un an et toujours sur un territoire précis, le plus souvent une province. Le terme « proconsul » tient au fait que son titulaire exerçait un pouvoir consulaire ; cependant, tous les proconsuls n’étaient pas forcément d’anciens consuls.

[18] La province romaine d’Asie comprenait plusieurs des royaumes antiques d’Anatolie : la Carie, la Lydie, la Mysie, la Phrygie et la Troade. Elle avait une superficie d’environ 78 000 kilomètres carrés. Les villes étaient nombreuses : Pergame, Smyrne, Éphèse, Milet… Bien que le royaume de Pergame ait été légué par Attale III en 133 av. jc, elle ne fut organisée par Manius Aquilius qu’en 129 av. jc, après la guerre causée par la révolte d’Aristonicos. La province d’Asie couvre alors l’ancien royaume de Pergame, à l’exception de quelques districts de Phrygie et de Lycaonie, confiés au roi du Pont, Mithridate V, et de Cappadoce, Ariarathe VI. De 56 à 49 av. jc, les trois districts orientaux de Cibyra, Synnada (Şuhut) et d’Apamée (Dinar) en sont détachés au profit de la Cilicie. Jules César les lui rend et lui rattache la Pamphylie. En 36 av. jc, Marc Antoine en détache celle-ci au profit du royaume galate d’Amyntas. Sous l’Empire, devenue province sénatoriale, elle connut une période faste.

[19] Trèves est une ville et un arrondissement d’Allemagne, dans le Land de Rhénanie-Palatinat. La ville est située sur la Moselle. Cette ville, ancienne colonie romaine, est fondée à l’époque romaine, en l’an 16 av. jc sous le nom d’Augusta Treverorum, sur le site du chef-lieu d’un peuple gaulois, les Trévires. Le pont romain en pierre qui franchit la Moselle est édifié en 45 ap. jc, en remplacement d’un premier pont de bois : c’est le plus ancien pont d’Allemagne encore debout. Colonie romaine et place forte très importante dans la défense contre les « Barbares », elle est dotée d’une enceinte abritant la plus grande surface urbaine de Gaule. Grande métropole marchande à partir du 2ème siècle, devenue l’une des capitales de la Tétrarchie à la fin du 3ème siècle et siège d’un atelier monétaire impérial à partir de 294, Trèves est alors qualifiée de « seconde Rome » ou Roma Secunda. De l’époque romaine subsistent la Porta Nigra (porte noire), le plus grand édifice romain sur le sol allemand, une basilique, où siège un tétrarque (aujourd’hui une église protestante), les restes d’un amphithéâtre, ainsi que des ruines de thermes romains. Au début du 5ème siècle, au cours des invasions germaniques, Trèves est attaquée et pillée plusieurs fois par les Francs. Peu auparavant, la préfecture des Gaules est transférée de Trèves à Arles

[20] Milan est une ville d’Italie située au nord de la péninsule, à proximité des Alpes. Chef-lieu de la région Lombardie, située au milieu de la plaine du Pô.

[21] Mortagne-sur-Gironde est une commune du sud-ouest de la France, située dans le département de la Charente-Maritime. Des traces d’habitation gallo-romaines ont été également découvertes, qui seraient, selon certaines hypothèses, les restes d’une villa ayant appartenu à saint Ausone, ce qui n’est pas attesté. Au 2ème siècle de notre ère, un ermitage monolithe est fondé par des moines, qui creusèrent au fil des siècles un ensemble comportant cellules et église à même la falaise, selon des techniques que l’on retrouve à Aubeterre-sur-Dronne. Vers le 12ème siècle, Mortagne devint une place fortifiée