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Éphialtès d’Athènes

mardi 29 décembre 2020, par lucien jallamion

Éphialtès d’Athènes

Homme politique

Pionnier du mouvement démocratique athénien.

Pendant sa carrière militaire, son patriotisme au moment des guerres médiques [1] lui avait valu un prestige considérable et un rôle politique influent.

À la fin de des années 460 av. jc, il supervise des réformes qui déconsidérèrent suffisamment l’Aréopage [2], pour qu’on ne lui laissât que ses fonctions judiciaires. Ces réformes sont considérées par beaucoup d’historiens modernes comme marqueurs du début “de la démocratie radicale” pour laquelle Athènes deviendra célèbre. Mais Éphialtès ne vivra pas assez longtemps pour voir naître la démocratie car il est assassiné en 461 av. jc, et la direction politique d’Athènes passe à son adjoint, Périclès. Suite à cet assassinat beaucoup de dégâts matériels eurent lieu entraînant indirectement la révolte des Hilotes [3].

Comme les Spartiates n’arrivaient pas à mater les rebelles et leur base sur le mont Ithômé [4], en Messénie [5], ils ont demandé de l’aide aux villes qui faisaient encore partie de la Ligue hellénique [6]. Les Spartiates demandèrent aux Athéniens de les aider car ceux-ci avaient la réputation d’être d’habiles “poliorcètes”. Cette demande engendra de nombreux débats chez les Athéniens quant à ce qu’ils devaient faire. En Août 463 av. jc, Éphialtès mena une campagne déclinant la demande de Sparte pour réprimer la révolte d’Hilotes.

Cimon, l’homme politique athénien le plus influent et général à l’époque, était fortement pro-spartiate et défendait l’envoi d’une assistance militaire. Éphialtès, quant à lui, fait valoir que Sparte et Athènes étaient initialement rivales, et qu’Athènes devait se réjouir du malheur de Sparte plutôt que de l’aider.

Cimon, cependant, l’emporta dans le débat, et partit pour Sparte avec 4 000 hoplites [7]. Pourtant, peu de temps après que les Athéniens arrivèrent pour aider les Spartiates, leur aide fut refusée. Par la suite, l’entente entre Sparte et Athènes fut brisée et Cimon fut ostracisé pour son erreur de jugement. La fin de l’ascension de Cimon a donné lieu à l’émergence d’un mouvement démocratique plus radical dirigé par Éphialtès.

Après cet épisode, Éphialtès et ses alliés politiques ont commencé à attaquer l’Aréopage. Selon Aristote et certains historiens modernes, Athènes avait, depuis environ 470 av. jc, été régie par une constitution aréopagite informelle, sous la direction de Cimon. L’Aréopage avait déjà perdu du prestige en 486 av. jc, depuis que les archontes [8] étaient tirés au sort.

Éphialtès accéléra le processus d’attaque de l’Aréopage en poursuivant certains membres pour mauvaise administration. Après avoir ainsi affaibli le prestige du Conseil, Éphialtès proposa une série de réformes importantes qui répartit les pouvoirs traditionnellement exercés par l’Aréopage entre la Boulè [9], l’Ecclésia [10] et les tribunaux populaires. Éphialtès enleva à l’Aréopage ses pouvoirs supplémentaires, à travers lequel il avait la tutelle de la constitution. L’Aréopage est simplement restée une espèce de haute cour chargée des affaires de meurtres [11] et aussi de questions religieuses.

Le succès des réformes d’Éphialtès a été rapidement suivi par l’ostracisme de Cimon, qui laissa à Éphialtès et sa faction le contrôle de l’État. Bien que la démocratie athénienne à part entière ne fût pas encore complètement établie, les réformes d’Éphialtès semblent avoir été un premier exemple de démocratie en Grèce.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Pierre Pellegrin (dir.), Constitution d’Athènes : Aristote, Œuvres complètes, Éditions Flammarion, 2014, 2923 p. (ISBN 978-2081273160)

Notes

[1] Les guerres médiques opposent les Grecs aux Perses de l’Empire achéménide au début du 5ème siècle av. jc. Elles sont déclenchées par la révolte des cités grecques asiatiques contre la domination perse, l’intervention d’Athènes en leur faveur entraînant des représailles. Les 2 expéditions militaires des souverains achéménides Darius 1er et Xerxès 1er constituent les principaux épisodes militaires de ce conflit ; elles se concluent par la victoire spectaculaire des cités grecques européennes conduites par Athènes et Sparte.

[2] un conseil composé d’anciens archontes qui était une force traditionnellement conservatrice

[3] Dans la Grèce antique, les Hilotes ou Ilotes sont une population autochtone de Laconie et de Messénie asservie aux Spartiates, qu’ils font vivre. Leur statut s’apparente à celui des serfs du Moyen Âge : attachés à la terre, ils sont la propriété de l’État lacédémonien. Ils ne sont donc pas des esclaves-marchandises, qui existent par ailleurs mais qui sont plutôt rares. L’hilotisme se rencontre également dans d’autres sociétés grecques, comme la Thessalie, la Crète ou la Sicile.

[4] L’Ithômé ou Ithôme est une montagne culminant à 805 mètres, dominant la plaine de Messénie (Grèce), sur laquelle était bâtie une forteresse antique ayant joué un rôle important au cours des guerres de Messénie. La montagne toute proche était consacrée à Zeus « Ithomatas », et comportait un autel en son sommet ; Homère, dans le Catalogue des vaisseaux de l’Iliade, l’a dite « rocheuse ». La Messénie en tant que région apparaît dans l’histoire au 8ème siècle av. jc dans des textes de Tyrtée, et de Pausanias, comme un pays dorien, rural et boisé, dont le principal centre (avec une forteresse, un temple de Zeus et un marché) est Ithômé. L’Ithômé tient son nom d’une nymphe éponyme originaire de la région, l’une de celles qui a nourri Zeus enfant.

[5] La Messénie est une région au sud-ouest de la péninsule du Péloponnèse en Grèce. Elle constitue un district régional de la périphérie du Péloponnèse, dont la capitale est Kalamata.

[6] une alliance formée en 481 av. jc contre les Perses

[7] L’hoplite est un fantassin lourdement armé, par opposition au gymnète et au peltaste, armés plus légèrement.

[8] L’Archontat est la période pendant laquelle un archonte était en fonction. À Athènes, l’archontat fut d’abord une transformation de la royauté, entourée de détails légendaires. En 683 av.jc, est institué un collège annuel de neuf archontes, dont les trois premiers se partageaient les anciennes prérogatives de la royauté.

[9] Dans les cités de la Grèce antique, la Boulè est une assemblée restreinte de citoyens chargés des lois de la cité. Son nom a souvent été traduit par Conseil et, plus rarement, par Sénat.

[10] L’Ecclesia ou ekklesia désigne l’Assemblée du peuple citoyen dans de nombreuses polis antiques et notamment dans la cité d’Athènes.

[11] y compris quand le meurtre est le fait d’un animal...