Manassé (Juda) (697/687-642 av. jc)
Roi de Juda
Fils d’ Ézéchias , roi de Juda [1] durant 55 ans, dans la première moitié du 7ème siècle av. jc.
Il réorganise le royaume de Juda après les destructions infligées au royaume pendant la campagne de Sennachérib et la perte des possessions judéennes dans la Shéfélah [2]. Il restaure un état prospère qui se développe en direction du nord du Néguev [3] et de la mer Morte [4]. Il est mentionné dans les annales d’ Assarhaddon .
Le Deuxième livre des Rois [5] le décrit comme un roi impie et impénitent, coupable de tout ce qui peut être fait contre le Dieu de ses pères, mais le Deuxième livre des Chroniques [6] ainsi que la Prière de Manassé [7] décrivent sa conversion.
Selon le Deuxième livre des Rois, Manassé rebâtit les lieux de culte païens que son père Ézéchias, à qui il a succédé, avait détruits. Il construisit des autels au dieu phénicien Baal , et érigea un poteau sacré en l’honneur de la déesse Ashera , qu’il installa à l’intérieur du temple de Salomon [8]. Là, il bâtit aussi des autels consacrés aux astres célestes. Il brûla son fils en sacrifice, et encouragea les pratiques de la nécromancie [9] et de la sorcellerie.
Manassé est comparé à Achab, un ancien roi d’Israël particulièrement impie, et est accusé d’avoir égaré son peuple en le rendant pire que les Amorrites*. C’est pourquoi le Dieu d’Israël promet le sort de Samarie* (anéantie un peu plus tôt) à Jérusalem, la capitale de son royaume. Son fils Amon lui succéda.
Manassé poursuit la politique de soumission inconditionnelle à l’Assyrie [10] qu’Ézéchias son père avait du mettre en place, l’Assyrie usant de ce vassal tel un éperon face à l’Égypte. Cette soumission concerne tous les domaines tant économiques, militaires que cultuels ou religieux, ce qui lui vaudra l’anathème des auteurs deutéronomistes [11] ultérieurs qui le présentent dans le livre des Rois comme le pire des rois de Juda.
Cette collaboration assure pourtant au royaume une longue période de stabilité et de relative prospérité. Il est même possible que certaines des réalisations les plus remarquables que la Bible hébraïque [12] attribuent à Ézéchias soient l’œuvre de Manassé, telle la reconstruction de Lakish [13]
Notes
[1] Le royaume de Juda est un petit royaume du Proche-Orient ancien établi par les Israélites à l’âge du fer. Selon la Bible, il existe de 931 à 586 av. jc, concomitamment avec le royaume d’Israël et en rivalité avec lui. L’archéologie permet de tracer l’existence de Juda en tant que royaume à partir du 8ème siècle av. jc. N Selon la Bible, sa création serait le résultat d’un schisme après la mort du roi Salomon. Après une période d’essor sous la domination de l’empire néo-assyrien, il est détruit par les Babyloniens sous le règne de Nabuchodonosor II dans un contexte de guerre entre Égyptiens et Babyloniens.
[2] La Shéphélah, ou Shfelah désigne la région de basses montagnes entre la ligne montagneuse centrale d’Israël et la plaine côtière de l’ancienne Philistie. Cette zone est fertile et d’un climat tempéré. Elle est délimitée à l’est par les monts de Judée, à l’ouest par la plaine côtière, au nord par le bord des montagnes de Samarie, à l’est par les villes d’Afek et de Rosh HaAyin, ainsi que la vallée de la Ayalon, et au sud par le nord du désert du Néguev, au niveau de la rivière Shiqmah. La Shéphélah s’étend sur 100 km et est large de 10 km à 15 km. Son altitude varie de 120 m à 450 m. Dans le livre de Josué, la majeure part en est attribuée à la tribu de Juda. À l’Âge du Bronze, se sont développées des villes d’importance dans chaque vallée de la Shéphélah. Le bourg de Gezer servait de sentinelle à la vallée de la Ayalon. La vallée de Soreq et la vallée d’Elah étaient respectivement gardées par Timnah, Bet Shemesh et Azekah. Au sud, c’est Lakish qui gardait la vallée attenante. Ces postes stratégiques sont marqués par de nombreuses batailles. Les noms de ces villes sont mentionnées pour la première fois dans des textes égyptiens. À l’époque israélite, la région est décrite dans la Bible comme riche et propice à l’agriculture, contrairement à la région de Jérusalem. À partir du 9ème siècle av. jc, le royaume de Juda établit deux centres administratifs majeurs dans les villes de Lakish et Bet Shemesh. Après l’invasion assyrienne et la destruction de Lakish par Sennachérib en 701 av. jc, la Shéphélah est détachée du royaume de Juda et donnée aux cités philistines. Ce n’est qu’avec le retrait de l’Assyrie du Levant à partir de 645 av. jc que Juda essaie de reprendre le contrôle de la Shéféla.
[3] Le Néguev est une région désertique du sud d’Israël. Le Néguev couvre la plus grande part du district sud d’Israël. Sur le plan historique, il fut aussi le théâtre des activités de la civilisation des Nabatéens qui y fondèrent la cité de Avdat, l’Oboda antique, sur l’itinéraire de leurs caravanes reliant notamment Pétra. De nombreux graffitis datant des débuts de l’ère islamique y ont été étudiés par l’archéologue Yehuda D. Nevo.
[4] La mer Morte est un lac salé du Proche-Orient partagé entre Israël, la Jordanie et la Palestine. D’une surface approximative de 810 km2, il est alimenté par le Jourdain.
[5] Le Deuxième Livre des Rois est un livre de l’Ancien Testament classé parmi les Livres des Prophètes dans la tradition juive et dans les livres historiques dans le christianisme. Il suit le Premier Livre des Rois, avec lequel il constituait, à l’origine un seul livre. Depuis le règne d’Ochozias, roi d’Israël, jusqu’à la chute du royaume de Juda, il présente avec plus ou moins de détails chacun des rois d’Israël et de Juda, deux royaumes condamnés par la justice divine après leur rejet des commandements divins.
[6] Le Deuxième Livre des Chroniques est un livre de l’Ancien Testament. Il suit le Premier Livre des Chroniques, qui retrace l’histoire du monde de la Création à la royauté de David. À l’origine ces deux livres n’en formaient qu’un, appelé Livres des Chroniques, mais ils ont été divisés probablement pour des raisons d’encombrement
[7] La Prière de Manassé est un texte de la Bible, rattaché à l’Ancien Testament, et souvent intégré au dernier chapitre du Second livre des Chroniques (Paralipomènes), sans titre ni capitulation propre. Ce texte court (15 versets) est une prière de pénitence du roi de Juda, Manassé, captif à Babylone, qui était, selon la Bible, parmi les plus idôlatres. Cependant, après avoir été fait prisonnier par les assyriens, il pria pour son pardon et se détourna de son idolâtrie.
[8] Le Temple de Salomon, également connu comme le premier temple de Jérusalem est selon la Bible hébraïque (I Rois 6-8 & II Chroniques 3-5), un lieu de culte édifié par le roi Salomon sur le mont Moria et détruit lors du siège de Jérusalem par l’armée babylonienne de Nabuchodonosor II.
[9] La nécromancie désigne l’interrogation, dans un but de divination, des personnes décédées qui survivent et communiquent avec les vivants. Le nécromancien obtiendrait des pouvoirs sur la vie et la mort, dans le sens le plus large. Initialement, il s’agit uniquement de divination, mais, dans la culture populaire, le terme s’est adapté et le nécromancien se verrait aussi capable de causer la mort comme d’animer un cadavre sans pour autant lui redonner vie.
[10] L’Assyrie est une ancienne région du Nord de la Mésopotamie, qui tire son nom de la ville d’Assur, qui est aussi celui de sa divinité tutélaire, le dieu Assur. À partir de cette région s’est formé au 2ème millénaire av. jc un royaume puissant qui est devenu par la suite un empire. Aux 8ème et 7ème siècles av. jc, l’Assyrie contrôle des territoires s’étendant sur la totalité ou sur une partie de plusieurs pays actuels tels l’Irak, la Syrie, le Liban, la Turquie ou encore l’Iran.
[11] L’historiographie deutéronomiste, aussi appelée histoire deutéronomiste, ou encore document deutéronomiste, est une œuvre hypothétique dont seraient originellement extraits le Deutéronome (cinquième livre du Pentateuque) et les passages des Livres historiques, seconde partie de l’Ancien Testament faisant immédiatement suite au Deutéronome, qui présentent avec ce dernier une similitude stylistique ou théologique. Il s’agit des livres de Josué, Juges, 1 et 2 Samuel, 1 et 2 Rois.
[12] Tanakh. Les livres inclus dans le Tanakh étant pour la plupart écrits en hébreu, on l’appelle également la Bible hébraïque. Bien que l’araméen se soit introduit en bonne partie dans les livres de Daniel et d’Esdras, ainsi que dans une phrase du Livre de Jérémie et un toponyme de deux mots dans le Sefer Bereshit (Livre de la Genèse), ces passages sont écrits dans la même écriture hébraïque. Selon la tradition juive, le Tanakh est constitué de vingt-quatre livres : la Torah contenant cinq livres, les Nevi’im huit, et les Ketouvim onze.
[13] Lakish ou Lachish, Lakhish, parfois orthographiée Lakis dans la tradition française, est une ville souvent citée dans l’histoire biblique. Elle a été le cadre de nombreuses batailles et assiégée à diverses reprises, ce dont on a des échos dans les littératures anciennes et l’archéologie du Moyen-Orient. Elle se situe dans la Shéphélah à 40 kilomètres au sud-ouest de Jérusalem en Israël.