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L’histoire pour le plaisir

Philippe de Majorque

jeudi 6 février 2020, par lucien jallamion

Philippe de Majorque (? - 1342)

Prince catalan-Religieux catholique du 14ème

Sceau de Philippe de Majorque comme trésorier de la cathédrale de ToursFils cadet du roi Jacques II, roi de Majorque [1] et d’ Esclarmonde , fille du comte Roger IV de Foix.

L’aîné, l’infant Jacques, ayant refusé le trône pour devenir franciscain [2], leur frère Sanche succéda à leur père. Ferdinand dit Ferrand , époux en secondes noces d’Isabelle de Sabran, eut son fils Jacques III qui devint roi de Majorque et Jacques IV , son petit-fils épousa la reine de Naples Jeanne 1ère. Ayant suivi les traces de son frère Jacques en entrant dans l’Ordre des frères mineurs, l’infant Philippe vécut à la Cour de Naples auprès de sa sœur Sancia.

Pratiquant à la lettre la règle de saint François, il réunit autour de lui un groupe qui prit le nom de frères de la pauvre vie [3]. Philippe et ses disciples considérèrent dès lors qu’ils étaient les seuls à réaliser l’idéal des Évangiles.

Il réussit à en persuader ses hôtes, le roi et la reine de Naples ainsi que Delphine de Sabran. À sa demande, Delphine prononça, en 1331, ses vœux de pauvreté. Pour réaliser sa promesse elle dut vendre les seigneuries et le patrimoine foncier que lui avait légué, en 1317, Elzéar de Sabran, son époux, dans son testament de Toulon.

En 1324, la vie de l’infant prit un autre tour. La mort de son frère aîné Sanche précipita le royaume de Majorque dans une crise de succession. En effet l’héritier désigné, le prince Jacques n’avait que 9 ans.

Devant les ambitions de son cousin Jacques II d’Aragon, Philippe fut désigné comme tuteur du jeune roi et régent du royaume. Il dut faire face à une très forte opposition de la part des notables de l’île de Majorque [4], désireux de réduire ses possibilités de régence, mais aussi de certains nobles du Roussillon [5], notamment les consuls de Perpignan [6]. Les Perpignanais s’assurèrent de la personne du jeune souverain et entrèrent dans l’opposition à Philippe. Jacques II d’Aragon apporta son soutien au régent en 1326. Le franciscain spirituel assura avec difficultés cette charge jusqu’en 1329.

L’Infant s’opposa pour la première fois à la papauté, le 6 décembre 1329, dans un violent prêche, à Naples, où il défendit les béguins [7] et ses frères de la pauvre vie contre Jean XXII.

Ce mystique étrange et révolutionnaire fut même, en 1333, alors que Jean XXII venait de semer la perturbation dans l’Église avec sa vision béatifique, le candidat pressentit pour lui succéder par le cardinal Napoleone Orsini qui œuvrait pour un concile déposant le pape hérétique.

Benoît XII ayant succédé à Jean XXII, Philippe de Majorque demanda à sa sœur et à son beau-frère d’intervenir auprès d’Avignon pour obtenir les privilèges nécessaires à la transformation de l’abbaye Santa Chiara [8] de Naples en un lieu où serait accueillis les frères de la pauvre vie. Par deux lettres bullées, datées des 24 juin 1336 et 20 février 1337, le pape refusa et ne permit la consécration que le 7 août 1340.

Après la mort de Philippe de Majorque, en 1342, Robert d’Anjou et la reine Sancia restèrent sous l’influence des frères de la pauvre vie. De plus leurs chapelains [9], Andréa de Galiano et Pietro de Cadeneto étaient des disciples de Michel de Césène.

Les souverains avaient accueilli au Castel Nuovo [10] deux évêques spirituels, Jean de Bertholeo, qui venait d’être relevé de son siège de Calvi [11], et Guillaume de Scala, confesseur de la reine. Le pire de tous était le Fra Roberto, ami personnel d’Angelo Clareto, le chef de file des Fraticelles.

Quand Pétrarque arriva à Naples, en septembre 1343, en tant qu’ambassadeur du pape Clément VI, il découvrit un royaume semblable à un navire que ses pilotes conduiraient au naufrage. Il mit particulièrement en cause Fra Roberto, de son vrai nom Roberto de Mileto.

Un an après la mort du roi Robert, en 1344, la reine Sancia désignée par son époux, sur son lit de mort, comme régente du royaume en attendant les 25 ans de majorité de la reine Jeanne, sous l’influence de ses confesseurs, marqua l’anniversaire de ce décès, le 20 janvier, en trahissant son engagement et en entrant à Santa Croce, dont on disait que c’était le couvent des enterrées vives.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du livre de Jean Favier, Les papes d’Avignon, Fayard, Paris. 2006

Notes

[1] Le royaume de Majorque désigne d’abord de façon provisoire un gouvernement assez longtemps précaire créée lors de la conquête par le roi Jacques 1er d’Aragon de l’île de Majorque en 1229 dans le cadre de la Reconquista. Mais c’est le testament du souverain conquérant en 1262 qui lui donne un véritable sens politique dans la succession monarchique, en l’accordant au cadet de sa lignée l’infant Jacques ou Jaume alors que l’aîné Jacques obtient la couronne d’Aragon. À la mort de Jacques 1er d’Aragon en 1276 naît le royaume de Majorque. Les années 1343 et 1344, dates de reconquête militaire et d’annexion aragonaise ou le traité de 1347, voire les acquisitions par le roi de France de Carlat et Montpellier en 1348-1349 atteste la réunion définitive à la couronne d’Aragon qui clôt la page de l’indépendance, souvent précaire et houleuse.

[2] Moines de l’ordre mineur de frères laïcs mendiants fondé par saint François d’Assise en 1209, sur les principes rigoureux de l’humilité totale et de la pauvreté extrême. Les franciscains ont une mission de prédication itinérante. Au 13ème siècle, l’ordre se divise, malgré les tentatives de conciliation de saint Bonaventure, entre les adeptes de la règle de pauvreté originelle et les spirituels, qui jugent la mission d’enseignement incompatible avec la misère matérielle. Malgré ces dissensions, et les diverses branches qui en découlent, les franciscains poursuivent une lutte active contre les hérésies et se répandent rapidement au travers de la chrétienté. Les franciscains portent une robe brune avec une corde pour ceinture (ce qui leur a valu le nom de cordeliers), habit des pauvres de leur temps. A la fin du 13ème siècle, il existe déjà 1500 maisons de franciscains. L’ordre franciscain s’est diversifié en trois courants : les frères mineurs, les frères mineurs conventuels et les frères mineurs capucins. Il existe aussi un tiers ordre de laïcs. Les franciscains sont partis en mission dans le monde entier.

[3] une branche des fraticelles ou zelanti

[4] Majorque est la plus grande des îles Baléares. Elle se situe en mer Méditerranée, au large de Valence.

[5] Le comté de Roussillon est une ancienne principauté féodale située dans les Pyrénées orientales. Le comté de Roussillon serait né à l’époque wisigothique comme une subdivision administrative du royaume wisigoth. Ses limites correspondaient à la civitas Ruscinonensis antique (d’où il tient son nom), c’est-à-dire l’actuel département des Pyrénées-Orientales sans la Cerdagne ni le Capcir. Probablement détruit par l’invasion arabe de 721, le comté renaquit au moment de la reconquête carolingienne, et fut intégré à la Marche d’Espagne, puis au marquisat de Gothie. Le Roussillon est alors aux mains de comtes nommés ou reconnus par le pouvoir impérial, mais cette tutelle se fait moins forte au cours du 9ème siècle, et après la fin de la dynastie carolingienne, il est considéré comme un bien patrimonial qui passe au tout début du 10ème siècle aux mains de la dynastie d’Empuries. À ce moment, son territoire se réduit à la partie orientale de l’actuel département des Pyrénées-Orientales. La capitale de ce comté est d’abord Château-Roussillon, puis la ville de Perpignan. Le comté reste dans les mains de cette dynastie jusqu’en 1172, à la mort du comte Girard II de Roussillon, qui lègue son comté à son parent et suzerain le roi Alphonse II d’Aragon.

[6] Perpignan est une commune du sud de la France, préfecture du département des Pyrénées-Orientales et quatrième ville la plus peuplée de la région Occitanie. Ancienne capitale continentale du Royaume de Majorque, la ville est annexée par le Royaume de France en 1659. Dernière ville française méditerranéenne importante avant l’Espagne, elle est marquée par une forte identité catalane. En 1344, Perpignan perd son statut de capitale par la réintégration du royaume de Majorque dans la couronne d’Aragon. Dès 1346 elle est durement touchée par la peste noire. La ville ne s’en remet pas pendant longtemps. Du 15 novembre 1408 au 26 mars 1409, Benoît XIII tient un concile à Perpignan. À la mi-septembre 1415, l’empereur Sigismond 1er se rend à Perpignan pour un pseudo-concile avec le roi d’Aragon Ferdinand 1er et l’antipape Benoît XIII. Il en repart le 5 novembre 1415 sans avoir convaincu ce dernier d’abdiquer. En 1463, Louis XI occupe Perpignan en confirmant leurs anciens droits, mais la ville se soulève contre les Français en 1473. Après un siège terrible, qui se termina le 2 février 1475, le titre de « Fidelíssima vila de Perpinyà » (Très fidèle ville de Perpignan) fut décerné par les rois d’Aragon. Plus tard, en 1493, Charles VIII restitua le Roussillon et la Cerdagne aux Rois catholiques, qui venaient de fonder l’unité d’Espagne, par le mariage entre la Castille et l’Aragon. Malheureusement, la rivalité franco-espagnole et les conflits qui suivirent devaient faire chuter l’économie de Perpignan, dotée par Philippe II, à cet égard, de puissantes fortifications. Devenue place avancée de la monarchie espagnole face à la France depuis 1479, Perpignan entre dans une logique militaire, enfermée dans des remparts puissants renforcés à toutes les époques (Vauban notamment), elle n’est plus qu’un enjeu entre les deux grandes puissances. Prise par les armées de Louis XIII en 1642, elle est annexée avec le reste du Roussillon au royaume de France par le traité des Pyrénées de 1659.

[7] Un Béguard, bégard, béghard, Bogard ou béguin est un homme qui appartient à une communauté monastique sans prononcer de vœux perpétuels. Les béguards sont les pendants masculins des béguines.

[8] La basilique Santa Chiara est une basilique de Naples, consacrée à sainte Claire. Elle possède en annexe un monastère double. Les deux édifices ont été construits entre 1310 et 1340 à l’emplacement de thermes romains. Commencée en 1310 et achevée en 1328, la basilique est le plus grand monument gothique de la ville. C’est ici que se trouve la tombe gothique du roi Robert et que le corps de son épouse Sancia a été déposé. Ils y ont été rejoints au début du 19ème siècle par les rois de Naples et de Sicile qui en ont fait leur lieu de sépulture pour eux et la famille royale

[9] Selon les dictionnaires anciens, le chapelain (ou capelan) pouvait être : « Celui qui a la charge d’une chapellenie et en est bénéficiaire », un « prêtre attaché au service d’une personne (d’un grand seigneur) », le « Suppléant d’un prêtre ou d’un chanoine dans un chapitre »

[10] Castel Nuovo (en français : Nouveau Château), est un édifice historique et un des symboles de la ville de Naples. Principal symbole de l’architecture de la ville. Castel Nuovo a été étendu ou rénové plusieurs fois depuis qu’il a été construit en 1279. Le nom du château Castel Nuovo (« château neuf ») permettait de le différencier des forteresses plus anciennes érigées à Naples et à ses proches environs.

[11] Calvi est une commune française située dans la circonscription départementale de la Haute-Corse. Bâtie dans le golfe du même nom, elle se trouve au nord-ouest de l’île et constitue avec l’Île-Rousse l’une des deux agglomérations majeures de Balagne. Au cours de la deuxième moitié du 13ème siècle, une guerre entre seigneurs amena l’édification de la Haute ville. En 1278, Calvi se confédère avec Gênes. Sa fidélité sera constante. En 1284, par une victoire navale devant l’îlot de la Meloria, les Génois mettent fin à la puissance navale et politique des Pisans. Les uns après les autres, les seigneurs corses rendent foi et hommage à la république de Gênes ; mais en 1297, Boniface VIII met un terme à cet assujettissement en accordant l’investiture de l’île au roi d’Aragon.