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L’histoire pour le plaisir

Émenon de Poitiers

mercredi 4 septembre 2019

Émenon de Poitiers (mort en 866)

Comte de Poitiers de 828 à 839-Comte de Périgueux de 845 à 866-Comte d’Angoulême de 864 à 866

armes comte de PoitierIl est probablement membre de la famille des Guilhelmides [1] et a soutenu les rois Pépin 1er d’Aquitaine et Pépin II contre l’empereur Louis le Pieux.

On ignore qui le nomme à son poste de comte, mais il s’agit probablement de Pépin 1er d’Aquitaine. Cependant, il semble que son prédécesseur avait été destitué par Louis le Pieux pour trahison, et on ne voit pas pour quelle raison l’empereur aurait négligé de s’assurer de la fidélité du nouveau comte.

Il est présent peu après au plaid [2] de Chasseneuil, en tant que comte de Poitiers [3]. Mais il se révèle par la suite fidèle sujet du roi Pépin 1er d’Aquitaine, le secondant même lors des révoltes de ce dernier contre l’empereur. C’est à cette époque que le pays d’Herbauges [4] est détaché du Poitou au bénéfice du comte Renaud.

La révolte éclate au printemps 830, et Lothaire 1er, fils aîné de Louis le Pieux, oblige son père à l’associer au trône et contraint la femme de l’empereur, Judith de Bavière, à prendre le voile à l’abbaye Sainte-Croix de Poitiers [5]. Il s’ensuit 4 ans de guerre, jusqu’en 834 quand Louis le Pieux reprend le pouvoir et écarte Lothaire. Un équilibre pacifique entre les factions se maintient alors, jusqu’à la mort du roi Pépin 1er en 838.

L’empereur donne alors l’Aquitaine à son dernier fils, le futur Charles le Chauve. Gérard comte d’Auvergne, Ratier, comte de Limoges [6], Renaud comte d’Herbauges et Ebroïn, évêque de Poitiers [7] se rallient au nouveau roi, mais Émenon et son frère Bernard s’y refusent et se révoltent en soutenant Pépin II, fils de Pépin 1er, suivis par leur frère Turpion, comte d’Angoulême [8] et Séguin, comte de Saintes [9] et de Bordeaux. Louis le Pieux intervient immédiatement, prend Poitiers à Noël 839, en chasse Émenon et donne le comté à Ramnulf 1er, fils de Gérard d’Auvergne.

Émenon se réfugie chez son frère Turpion, comte d’Angoulême. Il fait cependant sa soumission et apparaît à la cour impériale dès 840 et Pépin II le nomme comte de Périgueux [10] en 845. Pépin II est déposé en 848, son oncle Charles le Chauve lui succède et confirme Émenon comme comte de Périgueux.

Il succède à son frère Turpion comme comte d’Angoulême en 863 tout en conservant Périgueux. Il meurt 3 ans plus tard à Rancogne [11], le 22 juillet 866, des blessures reçues le 14 juin 866, lors d’un combat contre son cousin Landri, comte de Saintes, qui est également tué dans l’engagement.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Christian Settipani, La Noblesse du Midi Carolingien, Oxford, Linacre College, Unit for Prosopographical Research, coll. « Occasional Publications / 5 »,‎ 2004

Notes

[1] La famille des Guilhelmides ou Wilhelmides est un lignage de la noblesse franque du 8ème et 10ème siècles proche de la famille carolingienne. Initialement implantée dans la région d’Autun, elle s’étend ensuite en Septimanie (Aquitaine et Languedoc). Cette famille tient son nom de Guillaume de Gellone, son représentant le plus célèbre, mais les prénoms de Thierry et Bernard sont les plus fréquents dans cette famille.

[2] Aux époques mérovingienne et carolingienne, un plaid est une cour publique ou une assemblée, où un souverain ou un comte le représentant, prend conseil de ses barons ou vassaux sur les affaires de son état ou de son domaine. Le plaid organisé par le roi ou l’empereur disparaît après Charles II le Chauve, mais le terme continue d’être employé à la fin du Moyen Âge et à l’époque moderne.

[3] Depuis le 7ème siècle, les comtes de Poitiers, ou, suivant l’usage comtes de Poitou, ont été à la tête d’un ensemble territorial qui a évolué au fil des siècles. Le comté fut érigé comme tel par Charlemagne, qui envoya en 778 un certain Abbon pour administrer le territoire. Très vite, et toujours sous la période carolingienne, deux familles franques s’opposent au titre comtal : celle des Guilhelmides et celle des Ramnulfides, qui aura raison de la première en 902. La nouvelle dynastie pleinement instaurée devient la fameuse maison de Poitiers, dont Aliénor d’Aquitaine est l’ultime héritière.

[4] Le comté d’Herbauges était constitué de trois pagi situés au sud de la Loire et détachés du comté de Poitiers.

[5] L’abbaye Sainte-Croix de Poitiers est une ancienne abbaye de Poitiers, qui a été transférée aujourd’hui sur la commune de Saint-Benoît. L’abbaye Sainte-Croix fut fondée par la reine des Francs Radegonde en l’an 552, qui fuyait ainsi son époux Clotaire. Menacé d’excommunication par saint Germain de Paris, évêque de Paris, ce dernier finit par acquérir les terres près du quartier épiscopal de Poitiers où fut construite l’abbaye Sainte-Marie, premier monastère féminin de Gaule. La première abbesse en fut sainte Agnès, la reine ayant refusé cette charge. Agnès plaça le monastère sous la règle de Césaire d’Arles. Agnès avait été une ancienne dame de compagnie de Radegonde, de même que sainte Disciole, une autre fidèle de Radegonde. L’abbaye fut renommée Sainte-Croix lorsqu’elle reçut en 567 des fragments de la Croix envoyés par l’empereur de Constantinople.

[6] La vicomté de Limoges dépendait du duché d’Aquitaine. Elle est formée au 10ème siècle par les comtes de Poitiers qui démembrent le comté de Limoges, et s’étendait sur le sud de la Haute-Vienne, le nord de la Dordogne, Mareuil, Saint-Jean-de-Côle, Thiviers, Nontron à Auberoche, Hautefort, Condat-sur-Vézère et Payzac (dont Excideuil, un de leurs principaux châteaux), et l’ouest de la Corrèze (Masseret, Salon, Pompadour, Ayen et Yssandon - dont Ségur, leur principale résidence à partir du 15ème siècle).

[7] L’archidiocèse de Poitiers est un archidiocèse métropolitain de l’Église catholique en France. Érigé au 3ème siècle, il s’étend depuis le Concordat de 1801 sur deux départements, les Deux-Sèvres et la Vienne.

[8] Lorsque le comté était un fief qui eut sa propre maison, puis qui appartint à la maison de Valois, puis des ducs d’Angoulême qui furent créés dans la famille de Bourbon. Ce fief était à peu près équivalent à l’Angoumois. Il fut joint, lors de l’origine du système féodal, au comté de Périgord. Le comté d’Angoulême est réuni à la couronne en 1308, promis en 1328 (confirmé par le traité de Villeneuve-lès-Avignon du 14 mars 1336), à Philippe d’Évreux, mais jamais remis, enfin confisqué au fils (Charles le Mauvais) de ce dernier, il est finalement donné au connétable Charles de La Cerda en 1350, et revient à la couronne en 1354. Par le traité de Brétigny, il est ensuite cédé aux Anglais en toute souveraineté en 1360, mais repris en partie en 1372 et dans les années suivantes. Il devient ensuite l’apanage de Louis, duc d’Orléans, fils de Charles V et frère de Charles VI, à l’origine de la branche des Valois-Angoulême.

[9] Saintes est une commune du sud-ouest de la France, située dans le département de la Charente-Maritime. Au 16ème siècle, les conflits entre factions catholiques et protestantes conduisent à la destruction partielle de plusieurs monuments de la ville. La paix revenue voit le développement d’une politique de contre-Réforme marquée par l’implantation de nombreux ordres religieux, tandis que la relative tolérance vis-à-vis des huguenots s’amenuise au fil des années, provoquant une émigration d’une partie de la population réformée.

[10] « Comte de Périgord » est un titre de noblesse dans la pairie de France, d’abord créé pour Émenon, qui était déjà comte de Poitiers et d’Angoulême. Le titre a été très probablement décerné à Émenon en 845 par Pépin 1er d’Aquitaine comme une récompense pour leur combat commun contre Louis le Pieux. Le titre prend son nom du Périgord, et le siège historique des comtes de Périgord était Périgueux.

[11] Rancogne est une ancienne commune du Sud-Ouest de la France, située dans le département de la Charente. En 866, du temps des invasions vikings, le comte franc de Saintes Landri et le comte d’Angoulême Émenon, frère du comte franc Turpion et cousin du précédent, s’entretuèrent pour des raisons obscures. Émenon revint au château de Rancogne où il mourut au bout de huit jours. Cet ancien château de Cressiec avait dû être construit au 9ème siècle pour défendre l’entrée des souterrains, qui servaient alors de refuge à la population contre les incursions des Vikings.