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L’histoire pour le plaisir

Euthyme de Sardes

mardi 19 juin 2018, par lucien jallamion

Euthyme de Sardes (754-831)

Prélat byzantin

Sa Vie a été écrite juste après sa mort par le futur patriarche Méthode. Il en existe une autre version, due à un moine hagiographe [1] du 10ème siècle nommé Métrophane.

Méthode, étant consigné sur l’îlot Saint-André* au moment de la rédaction de la Vie, indique qu’il n’a pu se documenter sur l’origine familiale et la jeunesse de son héros, dont il ne dit rien. Euthyme, âgé seulement de 33 ans, était déjà métropolite [2] de Sardes, sixième dans la hiérarchie ecclésiastique byzantine, au moment du 2ème concile de Nicée [3]en septembre-octobre 787, dans lequel il joua un rôle actif. Son jeune âge et son assurance dans cette assemblée rendent très probable une origine aristocratique.

Il fut ambassadeur auprès du calife Haroun al-Rachid en 798. Il fut ensuite disgracié en 803 car il aurait fait entrer au couvent une jeune fille que convoitait l’empereur Nicéphore 1er, et fut compromis peu après, à tort ou à raison, dans l’usurpation de Bardanès Tourkos , ce qui entraîna sa déposition de son siège.

Après la mort de Nicéphore 1er en 811, il recouvra sa dignité d’archevêque, mais non son siège, et se retira dans un monastère de Bithynie [4].

En 814, Jean le Grammairien et Antoine de Syllaion se déplacèrent de la capitale et passèrent 3 mois à tenter de le rallier à l’iconoclasme [5]. Il fut convoqué à la conférence de décembre 814 au palais impérial, et apparut comme l’un des principaux chefs du parti iconodule [6].

Ensuite, il fut exilé avec d’autres opposants sur l’île de Thasos [7]. Après l’assassinat de l’empereur Léon V à Noël 820, son successeur Michel II libéra les prisonniers iconodules, et rappela notamment Euthyme à Constantinople.

Laissé libre de ses mouvements, et invité à l’occasion à la table impériale, l’archevêque n’en continua pas moins à défendre la cause du culte des images, comme en témoigne la correspondance de Théodore Studite.

La mort de ce dernier en 826, puis celle du patriarche déposé Nicéphore en 828, fit apparaître Euthyme comme la figure de proue du parti des iconodules, dont les rangs étaient d’ailleurs devenus très clairsemés.

En 831, un libelle prédisant la mort prochaine de l’empereur Théophile circule à Constantinople. L’enquête se porte sur les foyers d’agitation iconodules.

Euthyme, arrêté, est conduit au palais où l’empereur l’interroge lui-même. Il est en fait accusé de complot et invité à dénoncer ses complices. Finalement, devant l’empereur exaspéré, il reçoit quatre gifles et est dépouillé de ses vêtements.

Il est ensuite relégué sur l’îlot Saint-André, dans la mer de Marmara [8], où se trouve déjà le futur patriarche Méthode le 16 décembre 831. Les deux hommes peuvent s’entretenir et partager leur repas.

Le 18 décembre, 3 hommes arrivent pour l’interroger : le Logothète du Drome [9], Arsaber beau-frère de l’impératrice Théodora , le secrétaire de l’encrier [10], Théoctiste , et un manglavite [11].

Euthyme subit plusieurs heures d’interrogatoires ponctués de 120 coups de fouet. Le vieillard âgé de 77 ans survit 8 jours grâce aux soins de Méthode, et meurt le 26 décembre à l’aube.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Michel Kaplan, La chrétienté byzantine du début du viie siècle au milieu du ixe siècle, Éditions SEDES, 1997

Notes

[1] L’hagiographie est l’écriture de la vie et/ou de l’œuvre des saints. Pour un texte particulier, on ne parle que rarement d’« une hagiographie », mais plutôt d’un texte hagiographique ou tout simplement d’une vie de saint. Le texte hagiographique étant destiné à être lu, soit lors de l’office des moines soit en public dans le cadre de la prédication. Un texte hagiographique recouvre plusieurs genres littéraires ou artistiques parmi lesquels on compte en premier lieu la vita, c’est-à-dire le récit biographique de la vie du saint. Une fresque à épisode est également une hagiographie, de même qu’une simple notice résumant la vie du bienheureux. Par rapport à une biographie, l’hagiographie est un genre littéraire qui veut mettre en avant le caractère de sainteté du personnage dont on raconte la vie. L’écrivain, l’hagiographe n’a pas d’abord une démarche d’historien, surtout lorsque le genre hagiographique s’est déployé. Aussi les hagiographies anciennes sont parsemées de passages merveilleux à l’historicité douteuse. De plus, des typologies de saints existaient au Moyen Âge, ce qui a conduit les hagiographes à se conformer à ces modèles et à faire de nombreux emprunts à des récits antérieurs.

[2] Métropolite est un titre religieux porté par certains évêques des Églises d’Orient. À l’origine, le métropolite est l’évêque d’une capitale de province (métropole) romaine investi de la charge de présidence des conciles ou synodes provinciaux. Dans l’Église d’Occident, on prit l’habitude de dire « métropolitain » pour désigner un archevêque assurant un rôle de coordination entre les évêques titulaires des sièges qui composent la province ecclésiastique. En Orient on utilise le terme de métropolite qui, au cours de l’histoire, est souvent synonyme d’archevêque.

[3] Le deuxième concile de Nicée est un concile œcuménique qui eut lieu en 787. Convoqué par l’impératrice Irène, il avait pour objectif de mettre un terme au conflit politico-religieux provoqué par l’iconoclasme. Le concile a affirmé la nécessité de vénérer les images et les reliques : l’honneur n’est pas rendu aux images, ni aux reliques mais, à travers elles, à la personne qu’elles représentent.

[4] La Bithynie est un ancien royaume au nord-ouest de l’Asie Mineure, actuellement situé en Turquie. Située au bord du Pont-Euxin, elle était limitée par la Paphlagonie à l’est, la Galatie et la Phrygie au sud, la Propontide et la Mysie à l’ouest. Les Bithyniens sont, selon Hérodote et Xénophon, d’origine thrace. Ils forment d’abord un État indépendant avant d’être annexés par Crésus, qui ajoute leur territoire à la Lydie. Ils passent ensuite sous domination perse, où la Bithynie est incluse dans la satrapie de Phrygie. Mais dès avant Alexandre le Grand, la Bithynie retrouve son indépendance. Nicomède 1er est le premier à se proclamer roi. Durant son long règne de 278 à 243av jc, le royaume connaît la prospérité et jouit d’une position respectée parmi les petits royaumes d’Asie Mineure. Cependant, le dernier roi, Nicomède IV, échoue à contenir le roi Mithridate VI du Pont. Restauré sur le trône par l’Empire romain, il lègue par testament son royaume à Rome en 74 av jc. La Bithynie devient alors province romaine. Sous Auguste elle devient province sénatoriale en 27av jc puis province impériale en 135.

[5] L’iconoclasme est, au sens strict, la destruction délibérée de symboles ou représentations religieuses appartenant à sa propre culture, généralement pour des motifs religieux ou politiques. Ce courant de pensée rejette l’adoration vouée aux représentations du divin, dans les icônes en particulier. L’iconoclasme est opposé à l’iconodulie. L’iconoclasme ou Querelle des Images est un mouvement hostile au culte des icônes, les images saintes, adorées dans l’Empire romain d’Orient. Il se manifesta aux 8ème et 9ème siècles par des destructions massives d’iconostases et la persécution de leurs adorateurs, les iconophiles ou iconodules. Il caractérise également la Réforme protestante.

[6] L’iconodulie ou iconodoulie, est un courant de pensée qui est en faveur des images religieuses ou icônes et de leur vénération, en opposition au courant iconoclaste. Le terme est actuellement utilisé en relation à la controverse iconoclaste byzantine

[7] Thasos ou Thásos ou Thassos est une île montagneuse de l’archipel grec, à 8 km du continent thrace et à l’Ouest de l’île de Samothrace, où s’établit une colonie (éponyme) de Paros en 680 av. J.-C. l’histoire de l’île est véritablement connue qu’à partir du moment où, vers 680 av. J.-C., elle fut colonisée par des Grecs originaires de Paros menés par Télésiclès, le père du poète Archiloque, suite à un oracle de Delphes. Rapidement, la nouvelle cité étendit son aire d’influence sur le continent lui faisant face, où la présence de nombreux gisements miniers d’or et d’argent particulièrement riches, entre le Strymon à l’ouest et le Nestos à l’est, assurèrent sa prospérité : vers 500 av. J.-C., la cité était riche, puissante, possédait une importante flotte de guerre et avait construit une enceinte. Lors des guerres médiques, les Thasiens se soumirent au roi Darius en 492 av. jc et organisèrent, en 480, pour Xerxès et son armée un repas qui coûta à la cité, selon Hérodote, une somme supérieure aux revenus annuels de la cité. Après la défaite perse, Thasos adhéra à la ligue de Délos en 477 av. jc en apportant l’appoint de sa flotte. La disparition de la puissance perse sur le continent lui permit d’y étendre son influence. Mais au milieu des années 460, les Thasiens se heurtèrent aux intérêts de leurs alliés athéniens dans la région, notamment autour des gisements miniers du mont Pangée. En 465, Thasos abandonna la ligue de Délos, ce qui entraîna une réaction immédiate des Athèniens qui l’emportèrent sur mer et, après débarquement, leur imposèrent, sous la direction de Cimon, un siège de deux ans au terme duquel, en 463, les Thasiens, après avoir vainement fait appel à Sparte, acceptèrent de se rendre. Malgré la domination spartiate, Thasos revint dans l’orbite athénienne dès 389 et entra dans la seconde confédération athénienne en 375. La cité est alors fort prospère et son rayonnement commercial important. La montée en puissance de la Macédoine, n’entama pas cette prospérité, et c’est seulement en 202 que le roi de Macédoine Philippe V prit le contrôle de la cité... pour peu de temps puisque vaincu par les Romains en 199, le Sénat romain déclara l’année suivante la liberté pour tous les Grecs. Thasos constitua dès lors un allié indéfectible de la République romaine, ce qui lui permit de devenir la principale métropole de la région aux 2ème siècle av. J.‑C. et 1er siècle av. jc. En remerciement pour cette fidélité, notamment lors du siège que lui fit subir Mithridate, roi du Pont, le Sénat romain rendit à Thasos, en 80 av. jc ses territoires sur le continent. Tombé en disgrâce lors des révoltes de la fin de la République, la cité retrouva tous ses anciens privilège sous Auguste et prospéra jusqu’au 3ème siècle. Après des destructions importantes subies par la cité, peut-être à la suite de l’invasion des Hérules, l’avènement du christianisme contribua à une véritable renaissance de la cité. Puis Thasos fut entièrement détruite au début du 7ème siècle par les invasions slaves qui ravageaient alors tout l’Empire byzantin.

[8] La mer de Marmara, autrefois appelée la Propontide, est une mer située entre l’Europe orientale et l’Asie Mineure et qui relie la mer Noire à la Méditerranée (mer Égée). Elle s’étend sur une superficie de 11 500 km² et une profondeur maximale de 1 261 mètres. Elle est bordée au nord et au sud par la Turquie et est située sur une faille responsable de nombreux et dramatiques séismes. Elle communique au nord-est avec la mer Noire par le Bosphore et au sud-ouest avec la mer Égée par le détroit des Dardanelles.

[9] Dans la terminologie byzantine, la fonction de logothète désigne au départ une responsabilité d’ordre financier. La charge de logothetes tou dromou ou « logothète de la Course » ou encore « logothète du Drome » dérive de celui de curiosus cursus publici praesentalis, qui dépendait du bureau du maître des Offices.

[10] Le kanikleios est l’un des postes les plus importants de la chancellerie impériale byzantine. Son détenteur est le gardien de l’encrier impérial (le kanikleion) qui est taillé en forme de petit chien (du latin : canicula) et qui contient l’encre écarlate avec laquelle l’empereur byzantin signe les documents impériaux.

[11] soldat d’un corps de la garde impériale