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L’histoire pour le plaisir

Nicolas de Largillierre

samedi 10 mars 2018, par lucien jallamion

Nicolas de Largillierre (1656-1746)

Peintre portraitiste, d’histoire, d’animaux, de fleurs et de fruits français

Fils d’un marchand chapelier, Largillierre passe son enfance à Anvers [1] où sa famille a emménagé alors qu’il avait 3 ans.

Il fut envoyé, dès l’âge de 9 ans, en Angleterre chez un marchand londonien ayant pris intérêt à lui, pour y apprendre le commerce mais, voyant qu’il employait son temps à dessiner, son père, établi comme négociant en marchandises de France, le fit revenir, au bout de 20 mois, près de lui et se décida, malgré une vive répugnance, à lui permettre de suivre son penchant.

Placé, à partir de 1668, en apprentissage dans l’atelier du peintre, alors en réputation, Antoine Goubeau , peintre de paysages et de bambochades [2] qui lui transmit le goût de la couleur et du clair-obscur distinctif de l’école flamande, et l’employa, dès qu’il sut un peu manier le pinceau, à peindre les accessoires dans ses tableaux, les fruits, les fleurs, les poissons, les légumes.

Voulant s’essayer à un morceau historique, Largillierre peignit secrètement une Sainte famille. Son maitre lui ayant demandé qui il avait copié, Largillierre lui répondit qu’il n’avait consulté que son génie. 18 mois plus tard, Gobau lui déclara qu’il n’avait plus rien à lui enseigner. En 1673, il fut reçu franc-maître [3] de la guilde de Saint-Luc [4] de la ville.

Il retourna alors en Angleterre de 1675 à 1679 où il trouva en effet le successeur de Van Dyck, Peter Lely auquel le patronage de Cromwell avait fait une large place parmi les courtisans. Surchargé de commandes, Lely, qui avait besoin d’aide, l’ajouta au nombre de ses collaborateurs, qui peignaient les draperies, les accessoires, les fleurs de ses tableaux.

Ayant déjà vu pratiquer la restauration des tableaux en Flandre, Lely le recommanda au surintendant des bâtiments du roi d’Angleterre, qui lui donna plusieurs tableaux de maîtres à restaurer, notamment plusieurs toiles destinées à la décoration du château de Windsor [5] qui exigeaient de fréquents remaniements, des agrandissements et des retouches des tableaux, dont on modifiait alors le format en raison de la place qu’ils devaient occuper dans les appartements royaux. Sa dextérité à réparer certains tableaux d’anciens maîtres, et à en repeindre certaines parties le fit remarquer du roi Charles II.

Un jour, étonné de trouver tant de talent chez un garçon si jeune en voyant le plus endommagé de ces tableaux, “un Amour endormi” dont le jeune peintre avait repeint les jambes, aucune trace de l’accident avec l’original et avec l’habileté d’un praticien consommé, il dit en français aux grands qui l’entouraient : « Regardez cet enfant, on ne croirait jamais, si on ne le voyait, car ce n’est qu’un enfant. » Il s’intéressa à lui et lui demanda de lui montrer des ouvrages entièrement de sa main : Largillierre en produisit trois qui suffirent à lui assurer aussitôt la faveur royale.

La fortune de Largillierre semblait établie à la cour d’Angleterre, et il pensait à s’établir à Londres où il avait été si bien accueilli mais, à cette même époque, les querelles religieuses du pays se réveillèrent lorsque le Parlement se mit à persécuter les catholiques, et les étrangers qui appartenaient à ce culte reçurent l’ordre de partir.

De retour à Paris en 1678, resté 4 ans en Angleterre, il se fit bientôt remarquer par quelques beaux portraits. Comme, à Londres, il avait connu van Bloemen , Sybrecht et le peintre et sculpteur Pierre van der Meulen, frère de Adam François van der Meulen , alors le peintre historiographe de Louis XlV, il alla voir van der Meulen aux Gobelins, lui donna des nouvelles de son frère et gagna son amitié par un superbe portrait, en échange duquel van der Meulen lui fit présent de son œuvre gravé : l“es estampes” de Benoît Audran le Vieux , de Robert François Bonnart et de Adriaen Frans Boudewyns .

À la vue du portrait de van der Meulen, Charles Le Brun, premier peintre du roi, promit sa protection à Largillierre, qui parlait alors de retourner en Angleterre quand les circonstances le lui permettraient. Aussi, lorsque le surintendant des bâtiments du roi d’Angleterre lui écrivit pour lui offrir la place de garde des tableaux du roi, Lebrun lui dit : « Pourquoi porter ses talents à l‘étranger, quand on peut briller dans son pays ? », Largillierre renonça à repartir.

La réputation de Largillierre prit bientôt un grand essor. Désormais fixé en France, il ne quitta plus Paris qu’une seule fois : ce fut en 1685, à l’avènement au trône du roi Jacques II, à qui il ne put refuser d’aller faire son portrait et celui de la reine Marie de Modène . Il fit le portrait du roi, revêtu d’une armure, avec une immense perruque et un panache de plumes sur son casque, placé près de lui. Il fit aussi celui de la reine, qu’il para de dentelles et de brocart, celui du prince de Galles Jacques François Stuart , de Sir John Warner, de sa fille et de sa petite-fille.

Son séjour à Londres fut de courte durée, et Largillierre revint à Paris. Ce n’était pas un retour définitif car, sachant que la noblesse anglaise savait lui offrir des prix très rémunérateurs pour les portraits qu’il faisait, il reprit la route de Londres, où il s’aperçut bien vite que les peintres anglais lui marquaient une très vive hostilité, ce qui le décida à rentrer en France pour toujours.

Revenu en France, il devient à partir de 1689 un des peintres les plus demandés. Alternant les commandes officielles pour des ex-voto ou des allégories avec les portraits de la noblesse et de la haute bourgeoisie, son talent lui permet de gravir les échelons de la hiérarchie de l’Académie royale de peinture et de sculpture [6], où il est admis le 30 mars 1686, non seulement comme peintre de portraits, mais en qualité de peintre d’histoire, avec le portrait en pied de Le Brun, aujourd’hui au Musée du Louvre, comme morceau de réception.

Il fut nommé adjoint à professeur le 4 juillet 1699 et professeur le 30 juin 1705 ; adjoint à recteur le 24 avril 1717 ; recteur le 10 janvier 1722 ; directeur le 5 juillet 1738 et enfin chancelier le 30 mai 1743. Il a pris part aux Salons de 1699 et 1704.

Il épousa Marguerite-Élisabeth Forest, la fille d’un peintre de paysages, nommé Jean-Baptiste Forest , peintre du roi et officier en l’Académie, en 1699.

Largillierre mourut paralytique dans le bel hôtel qu’il s’était fait bâtir rue Geoffroy-l’Angevin [7] et qu’il avait orné de paysages, de fleurs et de fruits, de plusieurs centaines de portraits et de quelques tableaux religieux. Il fut inhumé dans l’église Saint-Merri [8].

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Dominique Brême, Catalogue de l’exposition Nicolas de Largillierre. Peintre du Grand Siècle et de la Régence, musée Jacquemart-André, Paris, 2003-2004.

Notes

[1] Anvers est une ville belge dans la Région flamande, chef-lieu de la province d’Anvers et de l’arrondissement administratif du même nom. Archétype de la ville bourgeoise-marchande depuis le Bas Moyen Âge elle constitue alors, selon Fernand Braudel, le centre du commerce international et de la haute finance tout au long du 16ème siècle.

[2] Une bambochade (ou bamboche) est un petit tableau, une eau-forte, un dessin ou un petit moulage ayant pour sujet une scène champêtre ou au contraire citadine représentant la vie quotidienne du peuple de manière burlesque, proche de la caricature. Parmi les thèmes : scènes de marchés, scènes de rue, scènes de brigandages, scènes de beuveries, etc.

[3] Titre décerné dans les Flandres à un artisan après son apprentissage.

[4] Une guilde de Saint-Luc ou gilde de saint Luc (aussi appelées corporation, confrérie ou compagnie de Saint-Luc) est une organisation corporative strictement réglementée de peintres, de graveurs, de sculpteurs et d’imprimeurs de la Renaissance, active depuis le 14ème siècle en Italie (Florence), aux Pays-Bas (Bruges, Anvers, Utrecht, Delft ou Leyde), les pays rhénans et la France. Ces guildes prennent ce nom en référence à saint Luc l’évangéliste, le saint patron des peintres. Dans certaines villes, comme à Anvers, un très grand nombre de métiers artistiques y sont représentés, tandis qu’à d’autres endroits comme Bruxelles, elles réunissent uniquement les peintres.

[5] Le château de Windsor est une forteresse médiévale située à Windsor dans le Berkshire au Royaume-Uni. Le château est célèbre pour son architecture et parce qu’il est l’une des résidences de la famille royale britannique. Sa construction commença peu après la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant au 11ème siècle. Depuis le règne d’Henri 1er d’Angleterre, le château a abrité de nombreux monarques ; il est le plus ancien palais habité sans interruption en Europe.

[6] L’Académie royale de peinture et de sculpture est une ancienne institution d’État chargée en France, de 1648 à 1793, de réguler et d’enseigner la peinture et la sculpture en France durant l’Ancien Régime. L’acte créant l’Académie royale de peinture et de sculpture date du 20 janvier 1648, jour de la requête au Conseil du roi de Louis XIV (alors enfant) par l’amateur d’art Martin de Charmois, conseiller d’État originaire de Carcassonne où il possède un cabinet de curiosité remarquable. Cette institution est ainsi fondée sur mandat royal, sous la régence d’Anne d’Autriche, à l’instigation d’un groupe de peintres et de sculpteurs réunis par Charles Le Brun, qui avait pris la première initiative.

[7] La rue Geoffroy-l’Angevin est une ancienne voie du 4e arrondissement de Paris, Au 19ème siècle, cette rue d’une longueur de 139 mètres, commençait aux 41-43, rue Sainte-Avoye et finissait aux 20-22, rue Beaubourg. Elle était située dans l’ancien 7ème arrondissement dans le quartier Sainte-Avoye

[8] L’église Saint-Merri (ou Saint-Merry) est une église catholique située à proximité du centre Georges-Pompidou au croisement de la rue Saint-Martin et de la rue de la Verrerie (au 76) dans le 4ème arrondissement de Paris. Le nom de Saint-Merri viendrait de l’abbé Saint-Médéric, mort en l’an 700, canonisé puis rebaptisé saint Merri par contraction. Les restes de ce saint reposent toujours dans la crypte de l’église.