Née à Puimichel [1], dans les Alpes provençales, fille de Guillaume de Signes et de Delphine de Barras.
Orpheline dès l’âge de 7 ans, Delphine entra à l’abbaye de Sainte-Catherine de Sorps [2] qui eut son apogée entre 1255 et 1437.
La famille de Sabran possédait un château à Baudinard [3], proche de l’abbaye. Puis son éducation fut confiée à sa parente la moniale Sibylle de Puget qui lui donna le dégoût du mariage et une totale répulsion face à la maternité en lui lisant les différentes vies des saints et des saintes.
Aussi ce fut elle qui, en 1299, imposa à son jeune époux Elzéar de Sabran le mariage virginal.
Veuve en 1323, Delphine continua à vivre à la cour de Naples où pendant 17 ans elle fut la confidente de la reineSancia, la seconde épouse de Robert d’Anjou , qui depuis 1319 s’était vouée en intention à la vie monastique. Durant toute cette période les deux femmes furent sous l’influence des franciscains spirituels, en particulier de Philippe de Majorque , le propre frère de la reine.
À sa demande, Delphine prononça, en 1331, ses vœux de pauvreté. Pour réaliser sa promesse elle dut vendre les seigneuries et le patrimoine foncier que lui avait légué, en 1317, son époux. Ces biens avaient été rachetés par le frère cadet d’Elzéar, Guillaume de Sabran. La famille, qui gardait avec Louis le comté d’Ariano, dut s’endetter pour reconstituer son patrimoine. Elzéar, le fils de Guillaume, une génération après devait encore rembourser difficilement les prêts consentis à sa famille par les Bodoqui et les Esquirolis.
Elle ne revint en Provence qu’un an après la mort du roi Robert, en 1344, quand la reine Sancia désignée par son époux, sur son lit de mort, comme régente du royaume en attendant les 25 ans de majorité de la reine Jeanne, marqua l’anniversaire de ce décès, le 20 janvier, en trahissant son engagement et en entrant à Santa-Croce, dont on disait que c’était le couvent des enterrées vives. Elle s’y éteignit un an plus tard.
Cette même année 1345, Delphine se fixa à Apt [4], et bien qu’atteinte d’hydropisie [5], elle y continua les exercices de mendicité publique qu’elle avait commencé à Naples. Son attitude choqua beaucoup d’Aptésiens.
Peu après, en 1350, la comtesse allait accomplir son dernier acte de dame noble. Elle s’en fut, à Cavaillon [6], réconcilier ses deux cousins des Baux et d’Agoult. Raymond 1er d’Agoult, comte de Sault, venait en effet de succéder comme sénéchal de Provence [7] à Hugues des Baux, comte d’Avellino, et ce passage de pouvoir avait été source de conflit.
Elle était déjà devenue aux yeux de tous, la sainte comtesse et la dispensatrice de consolation. Cinq ans plus tard, elle se retira, près de Cabrières-d’Aigues [8], à Roubians, le pays natal d’Elzéar.
De retour à Apt, la recluse s’installa dans un pauvre oustaou [9], près du Calavon [10]. Elle prit alors comme confesseur un jeune cordelier [11] du nom d’André Durand.
Le milieu des franciscains qui l’entourait participa largement à la création de sa légende dorée.