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Théodoric Strabo ou Strabon dit Le Louche

jeudi 26 novembre 2015, par lucien jallamion

Théodoric Strabo ou Strabon dit Le Louche

Chef ostrogoth

L'Empire Byzantin vers 550Il joua un rôle politique important dans l’empire byzantin sous les règnes de Léon 1er, de Zénon et de Basiliscus. Il est en rivalité avec Théodoric l’Amale, en tant que chef de troupes fédérées.

Au 4ème siècle, les Goths [1] sont aux frontières de l’Empire romain et tentent de s’y installer régulièrement. Ce groupe s’est séparé en deux groupes principaux, les Ostrogoths [2] et les Wisigoths [3]. Un siècle plus tard, les Ostrogoths sont établis comme fédérés dans l’Empire romain en Pannonie [4] depuis le règne de l’empereur Marcien.

Fils de Triarius Strabo de Thrace, il a plusieurs frères et au moins une sœur, sa femme se nomme Sigilda. Parent éloigné de Théodoric l’Amale, chef des Goths de Pannonie, il est chef et non pas roi de la branche installée en Thrace [5], car il ne fait pas partie de la dynastie sacrée des Amales.

Vers 459, il est en relation pacifique avec l’empire byzantin, probablement en tant que chef d’un état fédéré et reçoit un subside annuel des Byzantins.

Théodoric Strabon et ses Ostrogoths fournissent une garde de bucellari [6] à Aspar, le chef du parti germanique à la cour byzantine, qui contrôle l’empereur Léon 1er. Mais Aspar et ses alliés ostrogoths représentent aux yeux des Romains une tutelle barbare de plus en plus inacceptable. Pour lier leur alliance politique, Aspar épouse une des sœurs de Théodoric Strabon. Léon pour contrebalancer leur pouvoir enrôle des Isauriens [7] avec leur chef Tarasicodissa (le futur empereur Zénon) pour créer une milice concurrente, les excubitores [8].

En 471, Léon 1er finit par choisir entre les deux clans de ces généraux. Il fait mettre à mort Aspar et ses fils par ses eunuques. À la suite de son assassinat, Théodoric Strabon et Ostrys, les partisans d’Aspar se révoltent et ravagent la Thrace. Léon 1er envoie l’ambassade de Logius auprès de Théodoric et d’Ostrys. Leurs revendications sont de récupérer l’héritage d’Aspar, d’obtenir un établissement en Thrace et la charge de magister militum [9] pour Théodoric Strabon. Léon rejette les deux premières requêtes, alors Théodoric Strabon envoie une partie de ses troupes attaquer la ville de Philippes [10] tandis qu’il attaque Arcadiopolis [11]. Il fait le siège de la ville où la famine s’installe. Face aux ravages des Ostrogoths, les armées romaines sont en échec. Lorsque les Ostrogoths se retrouvent à cours de vivres, Strabon accepte de traiter avec Léon 1er en 473. Il accepte de le nommer magister militum praesentalis et Théodoric obtient un agrandissement de leurs cantonnements en Thrace et un tribut annuel de 144 000 solidi pour lui-même.

Pour contrebalancer le pouvoir de Théodoric Strabon à Constantinople, Léon renvoie Théodoric l’Amale, otage à Constantinople et âgé de 18 ans, à son père Thiudimir, roi des Ostrogoths. Théodoric l’Amale est un allié fidèle qui récupère aussitôt la Mésie [12] qu’il veut rendre à l’empire en remerciement de sa libération alors que son père garde la terre conquise. Son action fidèle à l’empire ne sera pas oubliée par le futur empereur.

À la mort de Léon 1er, le chef isaurien Tarasicodissa qui a changé son nom en Zénon et a épousé Ariane, fille de Léon 1er, devient empereur. Théodoric Strabon fait pression sur Zénon pour continuer de contrôler l’empereur avec ses troupes victorieuses mais l’empereur se rapproche d’Illus, l’Isaurien et de Théodoric l’Amale, l’Ostrogoth auquel il donne le titre de maître des milices, pour contrer le poids militaire de Strabon. Zénon tente d’utiliser les deux Théodoric à tour de rôle pour ne pas donner trop d’importance à aucun d’entre eux.

En 475-476, Théodoric Strabon qui n’a pas confiance en Zénon, soutient l’usurpation de Basiliscus, fomentée par l’ancienne impératrice Vérine avec le soutien d’Illus et d’Armatus. Mais Basiliscus fait l’erreur de nommer son neveu Armatus magister militum, tout comme Strabo. Théodoric Strabon n’accepte pas cette nomination et ne le soutient plus. Il ne vient pas le défendre lorsque Zénon récupère Constantinople. L’usurpation ne dure pas, mais l’empereur, de retour sur son trône, obtient du sénat et de l’armée que Théodoric Strabon soit considéré comme un ennemi public. La révolte de Théodoric contre Zénon dure jusqu’en 483.

Il ravage la Thrace tandis que Théodoric l’Amale est envoyé par Zénon pour combattre son insurrection. Théodoric l’ Amale demande l’aide des troupes impériales commandées par Marcien, mais elles ne se présentent pas au mont Hémos, le lieu de jonction prévu. En situation d’infériorité, Amale doit traiter avec Strabon au mont Sondis, dans les Rhodopes, et les deux hommes se jurent de ne plus se faire la guerre et envoient des ambassades communes à Zénon.

Celui-ci tente en vain de persuader Amale de rompre le traité passé avec Strabon, puis marche avec son armée contre les Goths. Après un premier succès contre Amale, Zénon ou plutôt Illus, signe une paix séparée avec Strabon, qui récupère le titre de maître des milices dévolu jusque-là à Amale, assez d’argent pour payer 13 000 soldats et le commandement de deux unités palatines. Pendant ce temps, c’est Théodoric l’Amale qui met la Thrace à sac cette fois-ci, mais Strabon le laisse faire lié par leur accord commun de paix.

Le règne de Zénon fait nombre d’insatisfaits et les révoltes sont nombreuses. Théodoric Strabon soutient souvent les conjurés.

En 479, Marcien, fils d’Anthémius, l’empereur de l’ouest et sa femme Léontia , sœur de l’impératrice Ariane, fomentent une révolte basée sur le droit de succession de Léontia, au détriment de sa sœur Ariane car elle est porphyrogénète [13]. Marcien débute la révolte à Constantinople où il défait les troupes de Zénon avec l’aide de la foule et finit par l’assiéger dans son palais. Théodoric Strabon s’allie à Marcien mais le général Illus et son frère Torcondus arrêtent rapidement l’usurpation et font emprisonner Marcien. Strabon et ses renforts arrivent trop tard à Constantinople et ne combattent pas. Illus est vraiment le protecteur incontournable de Zénon sur le trône. Pour remercier Trocondus de son action contre Marcien, l’empereur lui donne le titre de magister militum per thracias perdu par Théodoric Strabon.

Le général goth et son armée de 30 000 hommes reste un véritable danger pour Zénon dans les frontières de l’empire. L’empereur soutient les Bulgares qui attaquent les Goths en Thrace en 480. Les deux Théodoric réconciliés, battent les Bulgares et pillent ensemble la Thrace. En 481, Théodoric Strabon tente de traverser le Bosphore pour s’emparer de Constantinople mais des problèmes de discipline au sein de son armée ne lui permettent pas d’attaquer franchement la capitale. Illus le repousse in extremis et Strabon se retire en Grèce.

En 484, dans un campement à Stabulum Diomedis, près de Philippes en Thrace, Théodoric Strabon meurt, transpercé par un javelot. À sa mort, Théodoric l’Amale réunit tous les Ostrogoths sous sa bannière et devient roi de tous les Ostrogoths.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de André Chastagnol, La fin du monde antique, Nouvelles Éditions Latines, Paris, 1976.

Notes

[1] Les Goths sont un peuple germanique dont les deux branches, les Ostrogoths et les Wisigoths, engagées à maintes reprises dans des guerres contre et avec Rome pendant la période des grandes invasions de la fin de l’Antiquité, constituent au 5ème siècle, leurs propres royaumes avant de s’effondrer, respectivement en 553 et 711.

[2] qui se lancent à la conquête des régions entre la Volga, l’Oural et le Caucase sous la direction de leur roi amale Hermanaric

[3] qui combattent en Europe centrale et méridionale

[4] La Pannonie est une ancienne région de l’Europe centrale, limitée au Nord par le Danube et située à l’emplacement de l’actuelle Hongrie, et partiellement de la Croatie, de la Serbie, de la Bosnie-Herzégovine, de la Slovénie, de l’Autriche et de la Slovaquie.

[5] La province romaine de Thrace fut créée en l’an 46, par l’empereur Claude, après l’annexion des derniers royaumes Thraces. À la suite des réformes administratives de Diocletien à la fin du 3ème siècle, la Thrace géographique fut divisée en quatre petites provinces (Thrace, Haemimontus, Rhodopes et Europa) appartenant au diocèse de Thrace (Thraciae), lui-même appartenant à la préfecture d’Orient. Sous le Duumvirat (286-293) puis la Tétrarchie (293-324), elle fut placée sous l’autorité de l’Auguste chargé de l’Orient. Lors de la division définitive de l’Empire romain, en 395, le diocèse de Thrace fut inclus dans l’Empire romain d’Orient.

[6] Bucellarius (au pluriel en latin Bucellarii) est un terme qui désigne une unité de soldats de la fin de l’Empire romain et de l’Empire byzantin, qui ne sont pas pris en charge par l’État mais plutôt par un particulier aisé (un général ou gouverneur) ; en cela, ils faisaient partie de « sa maison. » Les Bucellarii forment des troupes de cavalerie d’élite composées de Goths et de Romains, souvent engagées par des privés ; au début du 7ème siècle, ils constituent une division d’élite des forces terrestres de l’Opsikion placée sous l’autorité d’un domestikos.

[7] L’Isaurie est une région historique d’Asie Mineure, située sur les monts Taurus dans l’actuelle Turquie, entre la Phrygie (au nord), la Cilicie (au sud), la Lycaonie (à l’est) et la Pisidie (à l’ouest).

[8] formée uniquement de sujets de l’Empire, Isauriens, Thraces et Illyriens

[9] Le magister militum est un officier supérieur de l’armée romaine durant l’Antiquité tardive. Son nom est souvent traduit par « maître de la milice » ou « maître des milices ». À l’origine, on distinguait le magister peditum ou commandant de l’infanterie et le magister equitum ou commandant de la cavalerie. Les deux fonctions furent à l’occasion réunies et leur titulaire prit le titre de magister utriusque militiae. Le commandant des corps demeurant à la disposition de l’empereur près de la capitale fut appelé magister militum praesentales. En Orient, la fonction cessa d’exister avec la création des thèmes où le gouverneur (strategos), cumula les fonctions militaires et civiles.

[10] Philippes est une ville de Macédoine orientale, fondée par Philippe II en 356 av. jc sur la récente colonie thasienne de Crénidès, et abandonnée au 14ème siècle après la conquête ottomane. Station importante sur la Via Egnatia mais ville toujours restée de taille modeste, Philippes occupe néanmoins une place privilégiée dans l’histoire en raison de deux événements majeurs, la victoire des héritiers de Jules César sous ses murs en octobre 42 av. jc, et surtout la prédication paulinienne en 49 ou 50 : le statut de fondation apostolique qu’elle lui confère est probablement à l’origine de la fortune de la ville dans l’Antiquité tardive, et lui vaut de nos jours un tourisme religieux non négligeable. C’est l’actuelle Filippi

[11] La ville de Luleburgaz est situé à l’extrême Nord-Ouest du pays, à la frontière bulgare dans la province de Kırklareli. L’ancien nom de la ville est Arcadiopolis.

[12] La Mésie est une ancienne région géographique et historique située au sud du cours inférieur du Danube, dans les actuelles Serbie, Bulgarie (nord) et Roumanie (extrémité sud-est).

[13] Porphyrogénète est un surnom attribué aux princes et princesses nés alors que leur père était empereur. C’était pour eux un moyen de renforcer leur légitimité au trône, la succession des empereurs byzantins n’étant réglée par aucune loi. L’origine du mot vient de ce que la chambre du Grand Palais de Constantinople où accouchaient les femmes de la famille impériale était appelée Porphyra, car elle était garnie de blocs de porphyre pourpre égyptien provenant du Djebel Abou Dokhanee ou Mons Porphyrites.