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L’histoire pour le plaisir

Miles de Noyers

samedi 14 mars 2015

Miles de Noyers (1271-1350)

Seigneur de Noyers Chablis et de Vendeuvre-Comte de Joigny-Grand bouteiller de France-Maréchal de France et conseiller important des rois de France

Blason de Noyers Fils de Miles de Noyers, bouteiller de Bourgogne [1], et de Marie de Châtillon. Il hérite des terres de son père à la mort de celui-ci en 1291.

Dès l’âge de 24 ans, en 1295, ce seigneur bourguignon renonce à son indépendance et reconnaît la suzeraineté du duc de Bourgogne, en échange de sept mille livres parisis.

En 1296, il reçoit de son oncle Gaucher de Châtillon la terre de Villebertin. Il devient ensuite garde des foires de Champagne et de Brie. Membre de la cour de Robert II de Bourgogne et devient son grand bouteiller et est un de ses exécuteurs testamentaires en 1302.

S’il passe ensuite au service du roi, il remplit également ses devoirs envers le duc de Bourgogne, et est ainsi gardien du duché en 1309.

Il se distingue lors des guerres flamandes menées par Philippe le Bel. En 1302 il participe ainsi à la désastreuse bataille de Courtrai [2] et est fait maréchal de France l’année suivante. Au mois de septembre 1303, il est fait prisonnier par les bourgeois d’Arras révoltés en compagnie du connétable Gaucher de Châtillon. Une trêve, certes de courte durée, conclue peu après lui permit de retrouver la liberté.

En 1304, il se serait fait remarquer de manière héroïque à la bataille de Mons-en-Pévèle [3] en sauvant l’oriflamme de France. Il aurait assuré la mise en défense de Lille entre 1305 et 1310.

En 1315 le maréchal de Noyers fait partie de la commission chargée d’examiner les comptes du coadjuteur Enguerrand de Marigny, puis assiste à l’expédition avortée de Louis X le Hutin contre les Flamands révoltés. S’il perd ses fonctions de maréchal, il devient souverain du trésor et est ainsi à la tête de l’administration financière du royaume.

Il est l’un des exécuteurs testamentaires de Louis X en l’an 1316. Le nouveau roi Philippe V lui retire la direction des finances au profit d’un de ses fidèles, Henri de Sully . Néanmoins il demeure un important conseiller royal et continue d’effectuer plusieurs missions officielles. Philippe V le nomme également sénéchal [4] de Beaucaire en 1321. Sous ce règne, en sa qualité de capitaine de la ville de Calais, il joue un rôle important dans la guerre contre les Flamands.

Il reste très écouté sous le pâle règne de Charles IV, dernier roi appartenant à la lignée des Capétiens directs. Il participe en 1324 à la campagne de Guyenne [5] menée par Charles de Valois contre les troupes anglaises.

En 1326, il récupère un poste majeur dans l’administration financière du royaume, en devenant président de la chambre des comptes, fonction qu’il partage avec le connétable Gaucher de Châtillon.

À l’avènement de Philippe VI de Valois en 1328, Miles de Noyers conserve à nouveau toutes les faveurs royales et reste ainsi à la tête de la chambre des comptes, où son autorité s’affirme. Preuve de son crédit, il reçoit une partie des biens du trésorier de Charles IV Pierre de Rémi , exécuté pour malversations.

Il sauve même le nouveau roi lors de la bataille de Cassel [6] en le prévenant de l’arrivée des Flamands. Grâce à lui, ceux-ci sont battus. Noyers devient peu après gouverneur d’Artois après la disgrâce et le procès de Robert d’Artois.

Son activité diplomatique reste intense, puisqu’il mène en 1331 des négociations avec le roi d’Angleterre Édouard III.

Miles de Noyers se retrouve cependant éloigné du pourvoir entre 1331 et 1335, de même qu’un autre grand serviteur de la monarchie, Guillaume Flote . Cette semi disgrâce semble être l’œuvre du clan du chancelier [7] Guillaume de Sainte-Maure , qui dirige alors le conseil royal. Noyers revient alors dans le sillage de son suzerain le duc Eudes IV de Bourgogne, par ailleurs très influent sur l’esprit du roi, son beau-frère.

Après la mort du chancelier Sainte-Maure en janvier 1335, Miles de Noyers s’affirme peu à peu comme le principal conseiller du roi et le dirigeant de la diplomatie du royaume. Son retour en grâce est marqué par la délégation officielle qu’il dirige pour saluer le pape Benoît XII à Avignon. Il accompagne ensuite le roi dans son voyage à travers le Midi de la France.

Toujours soutenu par le duc Eudes, il s’entoure d’une équipe de serviteurs bourguignons qui supplée la clientèle de Sainte-Maure et assiste le roi pendant près de dix ans. Sa carrière culmine en 1336 avec son accession au titre convoité de grand bouteiller de France. Philippe VI se montre très bienveillant envers Noyers, et lui assigne comme secrétaire un de ses clercs. De plus, les archives de la maison de Noyers démontrent que la plupart des questions débattues en conseil sont d’abord soumises au grand bouteiller.

Il peuple la cour de ses parents, amis, vassaux, tous originaires de Bourgogne, et plus précisément de l’actuel département de l’Yonne.

Cette clientèle bourguignonne, et dans une moindre mesure champenoise avec les amis d’ Anseau de Joinville , associée aux banquiers auvergnats très influents à la cour, constitue un parti important capable de renforcer la fragile royauté de Philippe de Valois. Celle-ci s’offre ainsi une assise solide fondée sur les provinces de l’Est et du Centre.

Philippe VI lui confie l’éducation du jeune Charles de La Cerda, futur favori et connétable [8] de Jean II le Bon. Une certaine filiation s’effectue entre eux, et l’on peut voir par certains aspects une continuité entre l’équipe de Miles de Noyers et le parti royal du futur Jean le Bon, dont La Cerda est l’élément moteur

Diplomate de talent et ancien homme de guerre, Noyers prépare la défense du royaume en vue d’un conflit avec l’Angleterre qui paraît imminent. En mai 1335, il annexe la place Sainte-Colombe en Viennois [9], afin de brider les ambitions du dauphin Humbert II . Pour protéger la Champagne, le roi achète la seigneurie de Vaucouleurs [10]. Philippe VI prend sous sa sauvegarde Tilly sur Meuse [11] et Saulmory [12], et s’assure de la fidélité du jeune comte de Bar Henri IV , placé sous sa tutelle. Au nord, il acquiert L’Écluse, Crèvecœur sur l’Escaut, Arleux, Saint-Souplet, Rumilly et Cambrai.

Miles de Noyers s’occupe de la fortification de ces places, et fait ainsi remettre en état les murailles de Douai, Bruges et Lille.

Il conclut diverses alliances, notamment avec Alphonse XI de Castille en décembre 1336, mais aussi avec la république de Gênes, la principauté de Monaco, la marche de Montferrat, ainsi qu’avec Jean l’Aveugle comte de Luxembourg et empereur romain germanique.

En 1342, avec l’intervention anglaise, les Français perdent de nombreuses places en Bretagne, et il faut tout l’habileté diplomatique de Miles de Noyers pour empêcher Nantes d’ouvrir ses portes aux montfortistes.

En Normandie, de nombreux barons s’agitent contre le pouvoir royal. Au début de 1343, Geoffroy d’Harcourt entreprend une guerre privée contre la famille rivale de Tancarville, proche des Valois. La rébellion est écrasée, et une partie des comploteurs est sévèrement châtiée. Néanmoins le Parlement, très peu actif depuis quelques années, fait preuve de clémence envers certains accusés et sanctionne même des abus de pouvoir commis par des sergents royaux. Ainsi cette institution retrouve de l’importance et affirme son indépendance par rapport au conseil.

Malgré la Trêve de Malestroit [13] signée le 19 janvier 1343 et l’arrêt provisoire des hostilités, les besoins du trésor royal restent grands. Philippe de Valois est contraint de conserver la taxe exceptionnelle de quatre deniers par livre, ainsi que de renforcer l’organisation de la gabelle. Pour ne rien arranger, les récoltes sont mauvaises et la monnaie ne cesse de se déprécier. Dans les campagnes, le pouvoir d’achat des paysans et des seigneurs s’effondre, tout comme les rentes de la bourgeoisie. Ceci ne fait que renforcer un vif mécontentement qui frappe le roi et son conseil. De plus l’autorité et la faveur dont jouit Eudes de Bourgogne entraînent rancunes et jalousies, qui rejaillissent sur sa clientèle incarnée par Miles de Noyers.

C’est dans ce contexte que le roi réunit les États à Paris en août 1343. Il porte le débat sur la monnaie, mais entend bien à terme faire accepter un renforcement de la fiscalité. Comme on pouvait l’attendre, les villes ne se laissent pas faire. Elles acceptent de payer l’impôt, mais imposent leur condition : le retour à une monnaie forte. Philippe de Valois est obligé de céder.

Bien que son rôle soit désormais réduit, Miles de Noyers apparaît épisodiquement au conseil jusqu’à sa mort, et conserve sa charge de grand bouteiller.

Il meurt le 21 septembre 1350 à près de 80 ans.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Fabrice Cayot évoquant le rôle de Miles de Noyers dans la défense du château de Lille

Notes

[1] Dans le royaume de France sous la dynastie capétienne, le bouteiller perd sa fonction de gestion des approvisionnements de la cour, rôle désormais dévolu à des échansons. Il est désormais chargé d’administrer le vignoble du domaine royal, fonction pour laquelle il perçoit une redevance sur certaines abbayes fondées par le roi. Le bouteiller est alors un des principaux officiers de la cour : il atteste très souvent les chartes royales. Aux 11ème et 12ème siècles, sous les règnes de Louis VI et Louis VII notamment, la famille de Senlis est traditionnellement attachée à cet office1, à tel point que son chef est souvent désigné sous le nom de « Bouteiller de Senlis ». À partir du 14ème siècle, le bouteiller porte le titre de Grand bouteiller de France, et la fonction devient purement honorifique.

[2] La bataille de Courtrai, connue sous le nom de bataille des éperons d’or, opposa l’armée du roi Philippe IV de France appuyée par les Brabançons de Godefroid de Brabant et les Hennuyers de Jean Sans-Merci, aux milices communales flamandes appuyées par des milices venues de Zélande et, peut-être, de Namur, le 11 juillet 1302 près de Courtrai.

[3] La bataille de Mons-en-Pévèle opposa, à Mons-en-Pévèle, les troupes de Philippe le Bel aux troupes flamandes le 18 août 1304. Elle fut remportée par Philippe le Bel.

[4] Un sénéchal est un officier au service d’un roi, prince ou seigneur temporel. Le mot sénéchal est d’origine francique et est issu du germanique commun sini-skalk, qui signifie « doyen des serviteurs, chef des serviteurs ». Il peut être aussi, comme dans le Saint-Empire romain germanique, au service d’une abbaye, souvent immédiate, où cette fonction devient un titre honorifique héréditaire par la suite. Il existait plusieurs rangs de sénéchaux, sans lien juridique entre eux, dans les institutions féodales européennes d’origine médiévale.

[5] La Guyenne, est une ancienne province, située dans le sud-ouest de la France. Ses limites ont fluctué au cours de l’histoire sur une partie des territoires des régions françaises Aquitaine, Midi-Pyrénées et Poitou-Charentes.

[6] La bataille de Cassel s’est déroulée le 23 août 1328 à proximité de la ville de Cassel dans le nord de la France entre l’armée du roi de France Philippe VI de Valois et les milices flamandes menées par Nicolaas Zannekin, petit propriétaire foncier de Lampernisse dans la châtellenie de Furnes (Belgique actuelle).

[7] Le chancelier de France est un important personnage de l’Ancien Régime, il est le second officier de la couronne, puis le premier, en 1627, avec la suppression du connétable et de l’amiral de France.

[8] Tirant son nom de son origine de “comte de l’étable”, le connétable a, au Moyen Âge, la charge de l’écurie et de l’organisation des voyages du roi. Au 14ème siècle, sa fonction évolue vers le commandement de l’armée en temps de guerre et le conseil militaire du roi en temps de paix. Du Guesclin, Clisson, Bourbon… font partie des grands connétables de France. Supprimée en 1627, la charge de connétable est rétablie par Napoléon 1er en 1804 pour son frère Louis.

[9] Sainte-Colombe est une ville qui se situe à 30 km au sud de Lyon, sur la rive droite du Rhône en face de la ville de Vienne.

[10] En 1335, le roi de France Philippe VI de Valois entra en possession de la seigneurie de Vaucouleurs après un échange avec le sire Anseau de Joinville. En 1338, le souverain français décida de confier à Geoffroy 1er de Nancy, fils de Thierry II de Lenoncourt et d’Agnès du Chastelet, le fief de Vaucouleurs et la terre de Gombervaux, en remerciement de ses services. De 1338 à 1351, le nouveau châtelain de Vaucouleurs, Geoffroy 1er de Nancy, fit alors construire une maison-forte à Gombervaux dont on peut encore admirer les majestueux vestiges aujourd’hui.

[11] Tilly-sur-Meuse est une commune française située dans le département de la Meuse

[12] Saulmory-et-Villefranche est une commune française située dans le département de la Meuse

[13] La trêve de Malestroit est signée le 19 janvier 1343 entre Edouard III d’Angleterre et Philippe VI de France, en la chapelle de la Madeleine. Après la signature de cette trêve le souverain anglais et ses troupes quittèrent la Bretagne pour l’Angleterre. Prévue jusqu’au 29 septembre la Trêve est de courte durée dès le début du mois de février Edouard III ordonne de préparer l’embarquement d’un corps d’armée à Portsmouth. C’est le roi de France Philippe VI qui met fin à la Trêve en faisant exécuter sans jugement et au mépris des termes de l’accord à Paris le 2 août Olivier IV de Clisson puis le 29 novembre quatorze seigneurs bretons