Bienvenue sur mon site historique. Bon surf

L’histoire pour le plaisir

Andragoras

lundi 13 octobre 2025, par lucien jallamion

Andragoras (mort en 238 av. jc)

Satrape [1] séleucide [2] de Parthie [3] sous les règnes d’Antiochos 1er, d’Antiochos II et de Séleucos II. Il fait sécession et règne de manière indépendante avant d’être vaincu par la tribu scythes [4] des Parni [5].


La vie d’Andragoras est méconnue avant sa sécession. Il pourrait être d’origine perse même si les Parthes le présentent comme un Grec. Son nom, qui est très rare chez les Grecs, pourrait être une traduction grecque du vieux perse Narisanka [6]. Une inscription grecque trouvée à Gorgan [7] en Hyrcanie [8], écrite en 266 av. jc, fait mention d’un dénommé Andragoras, vraisemblablement la même personne, avant qu’il ne soit désigné satrape.


Andragoras est désigné par Antiochos 1er satrape de la province frontalière de Parthie qui a été fusionnée avec la province voisine d’Hyrcanie par Alexandre le Grand en 330 av. jc. Vers 245 av. jc, sous le règne de Séleucos II, il s’émancipe de la tutelle séleucide en profitant des victoires de Ptolémée III en Syrie [9] et en Anatolie durant la 3ème guerre de Syrie [10]. Il s’est alors probablement allié àDiodote, le satrape de Bactriane [11] qui a fait sécession au même moment pour fonder le royaume gréco-bactrien [12].

La sécession d’Andragoras se manifeste d’abord par le monnayage frappé par les ateliers qu’il contrôle : des monnaies frappées en son nom, y compris des monnaies d’or, donnent des preuves manifestes de son usurpation. Ces monnaies le représentent portant le diadème royal pour autant il ne semble pas avoir pris le titre de roi afin de ne pas rompre complètement avec le pouvoir séleucide.

Cette sécession, ainsi que celle de Diodote, pourrait être une réponse des populations irano-grecques face aux incursions des peuples nomades et à l’inaction du pouvoir séleucide, car depuis la fin règne de Séleucos 1er, la Parthie et la Bactriane reçoivent des vagues de migrants scythes, notamment de la tribu des Parni de la confédération dahae [13], venus probablement de la steppe aralienne [14].


Vers 239-238 av. jc, les Parni, sous la conduite d’Arsace 1er, envahissent la Parthie et prennent d’abord le contrôle de l’Astabène, une région située au nord de la Parthie dont la capitale est Kuchan [15]. Privé du soutien des Séleucides, car à cette époque Séleucos II est en guerre contre son frère Antiochos Hiérax, Andragoras est vaincu et tué.

Cette défaite éloigne davantage encore de l’orbite séleucide les territoires contrôlés par les souverains de Bactriane, la route royale entre la Médie [16] et la Margiane [17] étant par ailleurs coupée.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Édouard Will, Histoire politique du monde hellénistique 323-30 av. J.-C., Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 2003 (ISBN 2-02-060387-X).

Notes

[1] Un satrape est le gouverneur d’une satrapie, c’est-à-dire une division administrative de l’Empire perse.

[2] Les Séleucides sont une dynastie hellénistique issue de Séleucos 1er, l’un des diadoques d’Alexandre le Grand, qui a constitué un empire formé de la majeure partie des territoires orientaux conquis par Alexandre, allant de l’Anatolie à l’Indus. Le cœur politique du royaume se situe en Syrie, d’où l’appellation courante de « rois de Syrie ». Les Séleucides règnent jusqu’au 2ème siècle av. jc sur la Babylonie et la Mésopotamie dans la continuité des Perses achéménides.

[3] La Parthie est une région historique située au nord-est du plateau iranien, ancienne satrapie de l’empire des Achéménides et berceau de l’Empire parthe qui domine le plateau iranien et par intermittence la Mésopotamie entre 190 av. jc. et 224 ap. jc. Les frontières de la Parthie sont la chaîne montagneuse du Kopet-Dag au nord (aujourd’hui la frontière entre Iran et Turkménistan) et le désert du Dasht-e Kavir au sud. À l’ouest se trouve la Médie, au nord-ouest l’Hyrcanie, au nord-est la Margiane et au sud-est l’Arie. Cette région est fertile et bien irriguée pendant l’antiquité, et compte aussi de grandes forêts à cette époque.

[4] Les Scythes sont un ensemble de peuples nomades, d’origine indo-européenne, ayant vécu entre le 7ème siècle et le 3ème siècle av. jc dans les steppes eurasiennes, une vaste zone allant de l’Ukraine à l’Altaï, en passant par le Kazakhstan. Les Perses désignaient ces peuples par le nom de Saka, francisé en Saces. Les sources assyriennes mentionnent les Saces dès 640 avant l’ère chrétienne.

[5] Les Parni ou Parnes sont une nation nomade scythe de la confédération dahae qui, dirigée par Arsace, a conquis la Parthie vers 245 av. jc, créant ainsi les bases du futur empire parthe. Probablement originaires des steppes bordant la mer d’Aral, ils ont commencé à migrer vers les régions orientales du royaume séleucide au début du 3ème siècle av. jc.

[6] de l’avestique nairya-sanha, l’un des messagers d’Ahura Mazda

[7] Gorgan est une ville du nord-est de l’Iran, à l’extrémité sud-est de la mer Caspienne. C’est la capitale de la province du Golestan, située à 400 km de Téhéran. Dans l’Antiquité, elle était nommée Tambrax ou Thambraces, et était capitale de la région antique appelée Hyrcanie. La ville fut capitale aux 10ème et 11ème siècles sous les Ziyarides. L’un de ses notables fut Qabus, mécène d’al-Biruni en l’an 1000, qui est enterré dans la tour Gonbad-e Qabus voisine.

[8] L’Hyrcanie est le nom qui dans l’Antiquité est donné aux régions d’Asie situées au sud-est de la Mer Caspienne (anciennement l’Océan Hyrcanien) au nord-est de l’Iran actuel, autour de l’actuelle Gorgan. L’Hyrcanie est une province de la Médie puis de l’empire perse des Achéménides et c’est à la frontière entre cette satrapie et la Parthie que Darius III, en fuite devant Alexandre le Grand, est assassiné en 330 av. jc. Plus tard cette région est englobée dans le royaume des Parthes.

[9] La Syrie fut occupée successivement par les Cananéens, les Phéniciens, les Hébreux, les Araméens, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Arméniens, les Romains, les Nabatéens, les Byzantins, les Arabes, et partiellement par les Croisés, par les Turcs Ottomans et enfin par les Français à qui la SDN confia un protectorat provisoire pour mettre en place, ainsi qu’au Liban, les conditions d’une future indépendance politique.

[10] Le conflit est déclenché par une crise de succession : Le défunt Antiochos II laisse deux mères ambitieuses : son épouse Laodicé 1ère et Bérénice Syra, fille de Ptolémée II et sœur de Ptolémée III, qui veulent placer sur le trône leur fils respectif. Laodicé affirme qu’Antiochos a désigné son fils comme héritier sur son lit de mort, mais Bérénice fait valoir que son fils nouveau-né était l’héritier légitime. Bérénice demande alors à son frère nouvellement couronné Ptolémée III de venir à Antioche pour l’aider à placer son fils sur le trône. Il semble qu’à l’arrivée de Ptolémée, Bérénice et son enfant ont été assassinés, même si l’hypothèse d’une mort à une date postérieure a pu être avancée à la lecture d’un ensemble de papyri découvert à Gourob. En 246, Ptolémée III déclare la guerre au fils de Laodicé, Séleucos II , nouvellement couronné. Probablement commandée par Xanthippe, le général mercenaire responsable de la défaite de l’armée romaine à Tunis en 255, l’armée lagide remporte d’importantes victoires contre l’armée séleucide en Syrie et en Anatolie, occupe brièvement Antioche et, comme l’indique une découverte récente en écriture cunéiforme, atteint même Babylone Mais ces victoires sont éclipsées par la perte des Cyclades au profit d’Antigone II Gonatas, allié des Séleucides, après la bataille d’Andros. Séleucos a ses propres difficultés : sa mère dominatrice lui demande d’accorder la corégence à son frère cadet, Antiochos Hiérax, en Anatolie. Celui-ci déclare rapidement son indépendance, brisant les efforts de Séleucos dans sa lutte contre Ptolémée. En échange d’une paix en 241 Ptolémée III reçoit des territoires sur la côte nord de la Syrie, dont la Séleucie de Piérie, le port d’Antioche. Cette victoire le rend maître de toute une partie de l’Asie occidentale et porte le royaume lagide à l’apogée de sa puissance.

[11] La satrapie de Bactriane est devenue vers 540 av.jc la 12e satrapie de l’Empire achéménide. Elle a ensuite été intégrée dans l’empire d’Alexandre III (Alexandre le Grand). À sa mort, elle a été partagée entre ses successeurs, les diadoques, puis est devenue une satrapie du royaume séleucide à l’époque hellénistique.

[12] Le royaume gréco-bactrien est un ensemble d’États hellénistiques fondés par des souverains grecs implantés en Asie centrale, centrés sur la Bactriane et la Sogdiane. Ils se sont épanouis à partir du milieu du 3ème siècle av. jc dans le milieu des colons grecs installés dans ces régions depuis la conquête d’Alexandre le Grand, lorsque le satrape de Bactriane Diodote 1er proclame son indépendance vis-à-vis des Séleucides. À leur apogée, vers 180 av. jc, les souverains gréco-bactriens dominent également la Tapurie, la Tranxiane, le Ferghana et l’Arachosie. À la suite des premières conquêtes de Démétrios 1er, les Grecs de Bactriane s’implantent au sud de l’Hindou Kouch, en Kapisène (région de Begrâm) et dans le Pendjab oriental, où sont fondés des royaumes indo-grecs. La domination de la Bactriane par les Grecs cesse dans le dernier tiers du 2ème siècle av. jc, victime des invasions de plusieurs peuples nomades, dont les Parthes et les Yuezhi. Des royaumes indo-grecs subsistent jusqu’au début de notre ère.

[13] Les Dahae, également connus sous les noms de Daae, Dahas, Dahes, Dahéens, Dasas ou Dases sont un peuple iranien de l’Asie centrale antique. Les Dahae formaient une confédération de 3 nations scythes : les Parni, les Xanthii et les Pissuri, qui vivaient dans une région comprenant une grande partie du Turkménistan moderne et du Nord-Est de l’Iran, ainsi, plus tardivement, que sur le pourtour de la mer Caspienne. On parle pour leur région de Dahistan, Dihistan ou Dahestan. Ils ont laissé leur nom au Dihistan, une satrapie de l’Empire perse, ainsi qu’au Daghestan. Ils ont combattu du côté des Sakas, des Achéménides, d’Alexandre le Grand. Vers 250 av. jc, ils accompagnent leur chef Arsaces contre la Parthie : il devient Arsace 1er de Parthie et fonde la dynastie des Arsacides et l’empire parthe.

[14] La mer d’Aral est un lac d’eau salée d’Asie centrale est, occupant la partie basse de la dépression touranienne ou aralo-caspienne au milieu d’espaces désertiques. Elle est partagée entre le Kazakhstan au nord et l’Ouzbékistan au sud. Elle tire son nom du mot kazakh Aral qui signifie « île » en référence aux milliers d’îles qui la couvraient.

[15] Ghoutchan est une ville située au nord-est de l’Iran, dans la province du Khorassan-e Razavi.

[16] À l’époque hellénistique, la Médie tombe sous le contrôle des Grecs, et est incluse après les conflits opposant les Diadoques dans les territoires contrôlés par les Séleucides, après avoir été un temps dominée par Antigone le Borgne. L’ancien général Atropatès qui dirigeait le contingent mède de l’armée perse à la bataille de Gaugamèles, se rallie par la suite à Alexandre le Grand et devient satrape du nord de la Médie, qui devient la Médie Atropatène, futur Azerbaïdjan, qu’il parvient à rendre autonome du pouvoir séleucide. La capitale de ce royaume se trouvait à Gazaca. Après plusieurs décennies d’indépendance, le roi Artabanzanes doit conclure un traité de vassalité avec Antiochos III en 220 av.jc. Cette région reste peu hellénisée, à la différence du sud de la Médie, centré autour d’Ecbatane. Plusieurs villes nouvelles y sont fondées par les souverains séleucides, et l’ancienne Rhaga est renommée Europa. Un satrape local, Molon, se révolte en 220 contre Antiochos III, qui le défait. Entre 163 et 160, c’est un autre satrape de Médie, Timarque, qui se révolte contre Démétrios 1er Sôter, et réussit à prendre le pouvoir en Babylonie, avant d’être finalement soumis. Les révoltes qui secouent le royaume séleucide vers 150 profitent au roi parthe Mithridate 1er qui prend alors la Médie, ainsi que l’Atropatène. Après plusieurs décennies de luttes, le pouvoir des Arsacides est finalement assuré en Médie, en dépit des attaques des nomades orientaux, Scythes ou Tokhariens. La région est réorganisée administrativement, et la ville de Rhaga/Europa est renommée Arsacia.

[17] La Margiane est une satrapie de la Perse achéménide, sur le cours du Murghab, située autour de l’antique Alexandrie de Margiane, appelée Merv au Moyen Âge et devenue l’actuelle Mary au Turkménistan. Cette satrapie, sur les territoires actuels du Turkménistan et de l’Afghanistan, était entourée par l’Arie (ouest), la Sogdiane (nord), la Bactriane (est), la Parthie (sud-ouest).