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Abd al-Rahman ibn Abd Allah al-Ghafiqi

mardi 21 janvier 2025, par lucien jallamion

Abd al-Rahman ibn Abd Allah al-Ghafiqi

Général omeyyade et wali d’al-Andalus du 8ème siècle

Abd al-Rahman a mené les troupes musulmanes d’al-Andalus [1], contre les armées aquitaines d’Eudes et franques deCharles Martel, lors de la bataille de Poitiers, en 732 [2].

Abd al-Rahman est originaire de la tribu arabe tihamite de Ghafiq [3]. Il a emménagé en Ifriqiya [4], puis au Maghreb central, et occidental où il a fait connaissance avec Moussa Ibn Noçaïr, et son fils Abd al-Aziz, les walis [5] d’al-Andalus.

En 721, il participe à la bataille de Toulouse [6], dans laquelle Al-Samh ibn Malik al-Khawlani est tué par les armées du duc Eudes d’Aquitaine. Après la défaite, il a fui vers le sud avec d’autres commandants et troupes, et a pris le commandement de l’Est d’al-Andalus le 10 juin 721. Il a été brièvement relevé de son commandement, quand Anbasa ibn Suhaym al-Kalbi a été nommé à sa place par le calife Yazīd II en août 721. Après la mort d’Anbasa au combat contre les Francs en 726, dans le Sud de la France actuelle, plusieurs commandants ont été successivement mis en place, mais aucun n’est resté au pouvoir très longtemps.

En 730, il est nommé wali d’al-Andalus par le calife Hicham. En apprenant que Othman ibn Naïssa, dit Munuza, le vice-gouverneur de Catalogne [7], avait conclu une alliance avec le duc Eudes d’Aquitaine, afin d’établir son indépendance, Abd al-Rahman se hâte de réprimer la rébellion. Il a engagé les armées du seigneur berbère et l’a tué, en 731.

Abd al-Rahman rassemble des troupes à Pampelune [8], appelle des recrues du Yémen [9] et du Levant [10], et se prépare à traverser les Pyrénées. Il traverse avec eux la chaîne des Pyrénées. Il passe sur la Gascogne [11] et l’Aquitaine [12] et saccagée et il pris la ville de Bordeaux [13], après avoir vaincu le duc Eudes d’Aquitaine, au combat à l’extérieur de la ville, puis de nouveau battu une deuxième armée du duc Eudes à la bataille de Bordeaux [14].

Contrairement à Toulouse [15], où Eudes a gagné en surprenant les armées musulmanes lorsqu’il a secouru la ville en 721, cette fois ses forces ont dû affronter la cavalerie musulmane en bataille ouverte, et ont été complètement détruites. De même, les forces musulmanes auxquelles il avait fait face lors de la bataille de Toulouse étaient essentiellement de l’infanterie légère et, tout en étant de bons combattants, n’étaient pas proches du calibre de la cavalerie arabe amenée par l’émir dans cette invasion.

Eudes, à la recherche d’aide, a fui, avec la noblesse restante, vers Charles Martel. Charles faisait campagne sur le Danube [16] lorsque la nouvelle lui parvint. Le chef Franc avait un corps d’infanterie professionnelle chevronné qui avait fait campagne avec lui pendant de nombreuses années, et a ordonné la marche forcée de son armée vers l’Aquitaine.

Charles Martel a choisi le champ de bataille. Déplaçant son armée au-dessus des montagnes et évitant les routes ouvertes, il a échappé au repérage des omeyyades [17], jusqu’à placer ses hommes sur une haute plaine boisée. Martel avait soigneusement choisi le champ de bataille, en grande partie en sachant que les collines et les arbres entourant sa position gêneraient grandement la cavalerie musulmane. Pendant 7 jours, les deux armées se sont affrontées, avec les armées omeyyades ralliant toutes leurs troupes, de sorte que le septième jour, leur armée était complète. Martel a également reçu quelques renforts, bien que la plupart des historiens s’accordent à dire qu’il a été largement dépassé en nombre pendant la bataille. Martel avait entraîné ses hommes pour combattre sur une grande place, semblable à la formation de la phalange grecque antique, pour résister à la cavalerie lourde musulmane. Les Francs ont tenu leur formation défensive toute la journée, et ont repoussé des charges répétées de la cavalerie musulmane.

Réalisant que leur camp était en train d’être pillé, un important contingent des forces d’Abd al-Rahman a quitté le champ de bataille pour aller sauver leur butin. Abd al-Rahman a donc été laissé exposé face à l’infanterie franque et a été tué au combat en tentant de rallier ses hommes.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Évariste Lévi-Provençal, Histoire de l’Espagne musulmane, t. I : La Conquête et l’Émirat hispano-umaiyade (710-912), Paris, Maisonneuve & Larose, 1950,

Notes

[1] Al-Andalus est le terme qui désigne l’ensemble des territoires de la péninsule Ibérique et de la Septimanie qui furent sous domination musulmane de 711 (premier débarquement) à 1492 (chute de Grenade). L’Andalousie actuelle, qui en tire son nom, n’en constitua longtemps qu’une petite partie. La conquête et la domination du pays par les Maures furent aussi rapides qu’imprévues et correspondirent à l’essor du monde musulman. Al-Andalus devint alors un foyer de haute culture au sein de l’Europe médiévale, attirant un grand nombre de savants et ouvrant ainsi une période de riche épanouissement culturel

[2] Le 25 octobre 732, il est possible que ce soit sur le territoire de la commune de Vouneuil-sur-Vienne, au hameau de Moussais (rebaptisé depuis Moussais-la-Bataille), que les Francs commandés par Charles Martel aient repoussé une razzia menée par Abd el Rahman, lors de la bataille de Poitiers.

[3] La Tihama est une plaine côtière désertique de la mer Rouge située au pied des montagnes de l’Asïr, à cheval sur l’Arabie saoudite (Jizan) et le Yémen du Nord. Tihama désigne donc l’ensemble du littoral ouest de la Pénsinsule arabique, du golfe d’Aqaba au détroit de Bab el Mandeb, mais plus souvent pour sa moitié sud, à partir de Jedda, jusqu’au sud du Yémen. Contrairement aux régions intérieures, la zone est constituée de dunes, de plaines arides, à l’exception des quelques oasis. D’importants centres urbains de la région comprennent al-Hodeïda, Mocha, et Zabid, au Yémen et Jizan, Al-Qunfudhah, et Al Lith, en Arabie Saoudite. La côte est globalement dangereuse pour les navires, et les ports sont donc peu nombreux et espacée, surtout dans la moitié nord.

[4] Tunisie actuelle

[5] Wali. C’est le titre que portaient au Moyen Âge les gouverneurs arabes de al-Andalus, ainsi que ceux de la Sicile avant l’instauration de l’émirat.

[6] La bataille de Toulouse se déroule le 9 juin 721 et voit la victoire du duché d’Aquitaine et de Vasconie sur le califat omeyyade. Cette victoire permet de briser le siège de Toulouse et d’arrêter momentanément les campagnes omeyyades en Europe de l’Ouest, jusqu’à une nouvelle offensive en 725 et la prise des villes de Carcassonne et Nîmes. Eudes d’Aquitaine inflige à Toulouse l’une des premières défaites aux forces arabo-musulmanes en Europe, après le siège de Constantinople de 717.

[7] La Catalogne est une communauté autonome et une région historique d’Espagne, régie par un statut d’autonomie. En 718, elle est passée sous contrôle musulman et est devenue une partie d’al-Andalus, une province du Califat omeyyade. Ensemble de comtés qui forment la marche d’Espagne de l’Empire carolingien depuis la conquête par Charlemagne (785-801), la Catalogne naît au 9ème siècle. Le « père fondateur » de la Catalogne serait Guifred le Velu, nommé comte de Barcelone en 878 au concile de Troyes. Guifred le Velu est l’ancêtre de la dynastie de Barcelone, qui construit peu à peu l’État catalan autour du comté de Barcelone, en ignorant la suzeraineté des rois francs considérés de plus en plus comme incapables d’assurer la protection comme en témoigne la prise de Barcelone en 985 par les troupes maures d’Almanzor sans que le roi Lothaire, pourtant appelé à l’aide par le comte Borrell II, n’intervienne. Ces comtés sont également parmi les lieux de naissance de la paix de Dieu à la fin du 10ème siècle, et surtout de la trêve de Dieu qui en découle au 11ème siècle, ainsi que de leur institutionnalisation sous le contrôle des Églises locales et de leurs prélats (évêques et abbés réformateurs). La pratique de ces « assemblées de paix » (qui préfigurent les corts) comme le maintien d’une forte culture juridique de l’écrit (attestée par la rédaction de conventions ou convenientiæ) vont constituer les bases de cet État catalan en construction, dans une société profondément féodalisée depuis la crise du 11ème siècle

[8] Pampelune en français, Pamplona en castillan, Iruña ou encore Iruñea en basque, est une ville et une commune de la communauté forale de Navarre en Espagne. C’est la capitale de la Navarre. Elle se situe à 440 m d’altitude. Le royaume de Pampelune, constitué en 905, fut le noyau de celui de Navarre.

[9] Le Yémen est l’un des plus anciens centres de civilisation du Moyen-Orient, dans l’antiquité le pays était un territoire du Royaume de Saba. Le royaume de Saba est un royaume habituellement situé en Arabie du sud, actuel Érythrée, Yémen et nord de Éthiopie. Ce royaume, évoqué par la Bible et le Coran, a bel et bien existé, mais il est difficile de séparer le mythe de l’histoire. Ses habitants s’appellent les sabéens. Les sources suggèrent une existence bien postérieure à la période biblique du règne de Salomon.

[10] Le Levant désignait traditionnellement en français les régions bordant la côte méditerranéenne de l’Asie : en premier lieu la Syrie, ainsi que le Liban (les États du Levant au sens français) ; mais la région du Levant inclut également la Palestine, Israël, la Jordanie, l’Anatolie, la Mésopotamie et l’Égypte. La liste des provinces composant le Levant se déduit de l’article 17 du titre II de l’ordonnance du 3 mars 1781 sur les Consulats, le commerce et la navigation dans les Échelles du Levant et de Barbarie. Le Levant est aujourd’hui plus souvent désigné sous le nom de « Proche-Orient » ou même de « Moyen-Orient », par alignement sur l’anglais Middle East. Il correspond aussi parfois au Machrek : mais ce terme, dérivant des racines consonantiques sh-r-q, désigne une région plus large qui comprend aussi l’Irak. Un autre terme arabe utilisé est « pays du Cham », qui comprend dans sa version large Syrie, Liban, Jordanie, Palestine ou Israel et la province de Hatay au sud de la Turquie.

[11] La Gascogne est une ancienne province située sur le territoire actuel des départements français des Landes, du Gers, des Hautes-Pyrénées et, pour partie, d’autres départements des régions de Nouvelle-Aquitaine et d’Occitanie. Successivement appelée Aquitaine, Novempopulanie, Vasconie puis Gascogne, elle a disparu en tant qu’entité politique propre en 1063 lors du rattachement au Duché d’Aquitaine ; toutefois le nom de Gascogne est resté usité jusqu’à la révolution française.

[12] L’Aquitaine est le nom donné depuis au moins le 1er siècle av. jc à une région ancrée sur la façade Atlantique et le versant nord des Pyrénées. En 507, Clovis, appelé par les évêques de Novempopulanie, l’intègre au royaume des Francs, en battant Alaric II, roi des Wisigoths, à la bataille de Vouillé. 671 voit l’indépendance de l’Aquitaine, dirigée par le duc Loup 1er de Vasconie. Entre 719 et 732, les ducs Eudes et son fils Hunald 1er détiennent l’Albigeois où ils ont des biens. Eudes combat les Sarrasins en Albigeois. En 721, le duc Eudes bat le Califat omeyyade à la Bataille de Toulouse. 732 voit la défaite du duc d’Aquitaine et l’invasion de la Vasconie par l’émir Abd el Rahman, arrêté à la bataille de Poitiers par Charles Martel, qui commence la réunion de l’Aquitaine sous contrôle des Vascons au royaume franc. 742 et 743 voient les campagnes des fils de Charles Martel, Carloman et Pépin le Bref, contre l’Aquitaine et la Vasconie (et la Bavière). Entre 760 et 768, Pépin le Bref entreprend chaque printemps des expéditions sanglantes contre le duc Waïfre, fils d’Hunald 1er. Le 2 juin 768, ce dernier est finalement tué par un des siens, Waratton, sur ordre de Pépin. En 778, l’armée de Roland, piégée par le wali de Saragosse, a été défaite par les Vascons dans les montagnes basques de Roncevaux en revenant de Pampelune. Puis Charlemagne crée en 781 pour son fils Louis le Débonnaire alors âgé de 3 ans, le royaume d’Aquitaine englobant les territoires du Rhône à l’Atlantique.

[13] Bordeaux est une commune du Sud-Ouest de la France. Capitale de la Gaule aquitaine sous l’Empire romain pendant près de 200 ans. Au début du 5ème siècle, Bordeaux fut prise par les Wisigoths, puis par les Francs de Clovis un siècle plus tard. Au plus tard après la division de la partie du royaume de Caribert de Paris, en 567, Bordeaux appartenait à la Neustrie. Après le mariage du roi neustrien Chilperic, la ville, ainsi que Cahors, Béarn et Bigorre, furent cependant offerts en guise de dot à son épouse Galswinthe. Ces villes étaient situées stratégiquement dans la région du beau-père Athanagild, le roi des Wisigoths. Après que Chilpéric eut ordonné l’assassinat de sa femme, cet héritage est passé au royaume d’Austrasie, selon un règlement d’un Malberg convoqué par Gontran, roi de Bourgogne. Finalement, en 573, Chilpéric, avec son fils Clovis en tant que commandant de l’armée, tente de reprendre les villes. Bien que la conquête de Bordeaux ait réussi à court terme, les troupes de Clovis furent de nouveau expulsées un mois plus tard par le margrave austrasien Sigulf. À la fin du 7ème siècle, Bordeaux devient la capitale du duché d’Aquitaine.

[14] La bataille de Bordeaux met aux prises en 732 le Califat omeyyade et le Duché d’Aquitaine. La victoire qu’y obtiennent les Omeyyades durant la présence sarrasine au nord des Pyrénées est importante et leur permet de continuer leur campagne plus au nord.

[15] Toulouse est une commune du sud-ouest de la France, préfecture de la région Occitanie et du département de la Haute-Garonne. Toulouse et ses environs sont occupés depuis le Paléolithique puis habités par les Volques Tectosages dès le 6ème siècle av. jc. La cité de Tolosa est fondée au début du 1er siècle par les Romains au bord de la Garonne, à l’emplacement de la ville actuelle. Au 5ème siècle, à la suite des invasions germaniques, elle est la capitale du royaume wisigoth. Réunie au royaume des Francs mérovingiens et carolingiens, elle est entre le7 et le 9ème siècle une des capitales du royaume d’Aquitaine.

[16] Le Danube est le deuxième fleuve d’Europe par sa longueur (après la Volga qui coule entièrement en Russie). Il prend sa source dans la Forêt-Noire en Allemagne lorsque deux cours d’eau, la Brigach et la Breg, se rencontrent à Donaueschingen où le fleuve prend le nom de Danube. La longueur du Danube dépend du point de départ considéré : 2 852 km pour la confluence de Donaueschingen mais 3 019 km à partir de la source de la Breg. Il coule vers l’est et baigne plusieurs capitales de l’Europe centrale, orientale et méridionale

[17] Les Omeyyades, ou Umayyades sont une dynastie arabe de califes qui gouvernent le monde musulman de 661 à 750. Ils tiennent leur nom de leur ancêtre Umayya ibn Abd Shams, grand-oncle de Mahomet. Ils sont originaires de la tribu de Quraych, qui domine La Mecque au temps de Mahomet. À la suite de la guerre civile ayant opposé principalement Muʿāwiyah ibn ʾAbī Sufyān, gouverneur de Syrie, au calife ʿAlī ibn ʾAbī Ṭalib, et après l’assassinat de ce dernier, Muʿāwiyah fonde le Califat omeyyade en prenant Damas comme capitale, faisant de la Syrie la base d’un Califat qui fait suite au Califat bien guidé et qui devient, au fil des conquêtes, le plus grand État musulman de l’Histoire.